Chapitre 6​

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Le soir, je ferme la librairie avec Loïs. Maja est déjà partie, prétextant une urgence familiale.

- Tu fais quelque chose, ce soir ? me demande Loïs sur un ton innocent.

- Rien de particulier, pourquoi ?

Je ne comprends pas où il veut en venir.

- Tu voudrais venir boire un truc, avec moi ?

Isabella avait récupéré les enfants à l'école. J'envisage un instant de refuser, puis me ravise :

- D'accord !

J'ai envie de m'amuser, moi qui ne fais jamais rien ! Loïs me sourit.

- Je suis garé juste ici.

Nous montons en voiture. Il sait que je n'en ai pas, moi.

- Ce n'est pas très loin, me dit Loïs.

J'acquiesce. Il finit par se garer derrière un bar illuminé de l'extérieur. Je commence à regretter ma décision, car je ne vais jamais dans ce genre d'endroit...

Loïs descend pendant que je me mords les lèvres, hésitante. Puis il m'ouvre la portière ; quel gentleman ! Je ne peux plus reculer.

- Merci.

Lorsque nous arrivons devant l'entrée du bar, je déglutis discrètement. Il y a beaucoup de monde, ici !

- Tu veux qu'on s'en aille ? me demande Loïs, remarquant mon expression.

- Non, non. C'est parfait.

Je lui adresse un sourire (un brin forcé, je l'avoue). Loïs me prend par la main et je ne me dégage pas. J'ai besoin de rester ancrée dans le monde réel. Je n'ai pas l'habitude de côtoyer autant de gens d'un seul coup.

Nous nous asseyons au bar, sur des tabourets hauts, et Loïs commande pour nous.

- Sans alcool pour moi, s'il te plaît, je lui demande gentiment.

- Pas de souci !

- Fallait pas venir dans un bar si tu ne veux qu'un jus de fruits, ma belle, me dit un homme, assis juste à ma gauche.

Ma main se crispe sur le bois du bar. Je ne dis rien, espérant qu'il me laisse tranquille.

- Je te parle, la rouquine !

Je pivote vers lui. Je n'aime pas quand on m'appelle comme ça.

- La rouquine vous dit d'aller vous faire voir !

Le nom me laisse un arrière-goût amer dans la gorge lorsque je le prononce. L'homme relâche son verre et applaudit lentement en ricanant.

- Tu peux faire mieux.

- Je n'ai rien à vous dire.

Il rit plus fort.

- Quel sens de la répartie !

Je serre les dents.

- Qu'est-ce que vous me voulez ? demandé-je, la voix glaciale.

- Oh ! Le chaton sort les griffes !

- Laissez-la tranquille ! s'interpose soudain Loïs.

L'homme se lève.

- Tu en as mis, du temps ! s'exclame-t-il.

Il s'en va. Je fronce les sourcils. Quel drôle de personnage ! Je me tourne vers Loïs.

- Donc, tu voulais me parler ?

Soudain tendu, il hausse les épaules.

- Ça peut attendre.

Il se lève et me tend une main.

- Tu veux danser ?

Je le fixe un instant, interdite, puis me lève en ayant accepté sa main. Ce soir, je vais m'amuser ! Nous nous élançons sur la piste, au milieu des gens qui se déhanchent au rythme de la musique.

- Je ne sais pas danser, je lui confie brusquement.

- Aucune importance ! crie-t-il pour se faire entendre.

Nous commençons à danser en riant comme deux idiots. Loïs ne danse pas si mal ! Pour ma part, je suis une véritable catastrophe. Mais j'en ris, et Loïs m'aide, au lieu de se moquer de moi comme l'auraient fait bien des hommes.

Blottie contre lui, je murmure, trop bas pour qu'il m'entende :

- Merci.

***

Je me rends compte qu'il est tard. Loïs se propose pour me ramener, afin que je ne sois pas seule dans les rues. J'accepte.

Lorsque nous arrivons devant mon immeuble, il me raccompagne jusqu'à la porte.

- Merci pour la soirée, c'était sympa.

- On se refait ça quand tu veux, Ophélia.

Son regard est grave. Lorsqu'il se penche vers moi et m'embrasse, je reste d'abord immobile, puis passe mon bras autour de son cou.

Je n'éprouve pas la même chose que quand j'embrassais le père de Julia. Mais je m'en fiche. C'est Loïs qui m'embrasse. Loïs qui me serre contre lui...

Essoufflée, je finis par m'écarter doucement.

- Je ferai mieux de rentrer.

Pourtant, je ne bouge pas, transformée en statue de pierre. Loïs est gentil. Il pourrait être le "nouveau papa" de Julia.

- On se voit demain, Ophélia.

Loïs pose un dernier baiser sur mes lèvres puis s'éloigne.

- Tu ne le regretteras pas ? je lance.

Il se retourne et me regarde droit dans les yeux.

- Depuis le temps que j'attendais de t'embrasser, ça ne risque pas.

Je rougis, mais je suis soulagée.

- A demain, Loïs.

- Je viendrai te chercher, alors sois prête.

Je lui souris tendrement et pénètre dans l'immeuble sans regarder derrière moi.

Loïs ne regrette rien. Je ne suis pas l'aventure d'un soir, sous le coup de l'alcool.

Je suis une femme qu'un homme a embrassée. Une femme libre, normale, sans soucis.

Et cette pensée me remplit de bonheur.

Only One LifeWhere stories live. Discover now