Chapitre 21

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Raphaël crispe sa main sur son verre de vin. Il a commandé des boissons en mon absence. Ses épaules tremblent soudain ; un rire nerveux le traverse tout entier.

Interdite, je me fige.

- Tu veux...quoi ? J'ai bien entendu ?

J'acquiesce. Lentement. Prudemment.

- Tu as bien entendu.

Son sourire disparaît aussitôt et il lâche son verre, qui explose en mille éclats de verre par terre. Les gens autour de nous nous regardent tous, mais je garde mon regard rivé dans celui de Raphaël. Nous ne nous quittons pas des yeux. Pas une seule fois, même lorsque le serveur arrive pour nettoyer le sol. Même lorsque Raphaël s'excuse, ses yeux restent dans les miens.

Il se rassied.

- Tu ne peux pas faire ça, Ophélia. Tu ne peux pas rencontrer... Nathaël. (Le prénom de son frère lui écorche la gorge.) Je ne peux pas te laisser faire ça...

- S'il te plaît, Raphaël. Il y a quelque chose de très important dont je dois discuter avec lui.

- Si important pour que tu ne m'en parles pas ? demande-t-il, la voix rauque.

Prise de culpabilité, je me mords la lèvre.

- Je suis désolée.

Il se redresse sur sa chaise.

- Tu lui fais plus confiance qu'à moi, même après tout ce qui s'est passé ?

Je secoue la tête.

- Non, pas du tout. Mais il y a quelque chose que je dois absolument vérifier, et il est le seul qui puisse me répondre...

- Pourquoi tu ne m'en parles pas ? Je pourrai t'être utile...

- Non, tu ne peux pas m'aider. Seulement ton frère le peut.

La mâchoire de Raphaël se crispe ; il serre les dents.

- Il ne t'aidera pas, Ophélia. Il te demandera quelque chose en retour, quelque chose que tu ne seras pas en mesure de lui donner. Je le connais...

Sa voix se brise sur cette dernière phrase.

Il ne me laissera pas voir son frère. Il faut que je trouve quelque chose. Alors je prends mon courage à deux mains :

- Il faut que je sache si l'enfant que j'ai porté était le tien...ou le sien. Voilà pourquoi je dois absolument le rencontrer, voilà pourquoi il est le seul à pouvoir m'aider, et pourquoi tu ne le peux pas.

Il garde le silence.

- L'enfant...est encore en vie ?

Désolée, Raphaël. Je n'ai pas le choix. Je ne peux pas te donner de faux espoirs.

- Non.

Je tourne la tête.

- Il est mort-né.

Raphaël se crispe et baisse la tête. J'ai la désagréable impression qu'il va à nouveau pleurer.

- C'était...une fille ou un garçon ?

- C'était une fille.

Je peux au moins lui dire ça. C'est cruel de lui faire croire que Julia est morte, mais je ne peux pas lui donner de faux espoirs après tout ce temps. Je vois dans son regard que son envie d'avoir un jour des enfants n'a pas changé. Si Julia n'est pas la fille de Raphaël, mais celle de Nathaël... Raphaël en serait effondré. Donc mieux vaut ne rien lui dire pour le moment.

- Une fille..., murmure-t-il. Elle te ressemblait ?

- Elle avait mes cheveux roux.

Le visage de Raphaël s'assombrit brusquement.

Only One LifeWhere stories live. Discover now