Only One Life

Chapitre 22

Raphaël soupire et nous ne disons rien, pendant plusieurs minutes. Puis il plante encore une fois son regard vert dans le mien.

- Ça ne me plaît pas du tout, Ophélia. Mon frère n'est pas quelqu'un de bien, et encore moins quelq'un à qui on peut faire confiance...

- C'est important pour moi.

- Je sais. Mais je n'aime pas ça. Il ne te dira peut-être même pas ce que tu veux savoir ! Il aime avoir quelque chose en échange et je refuse de lui dire quoi que ce soit ! Il va tout faire pour te mettre le doute, et ensuite, il ne te dira rien ! Je le connais bien, Ophélia...

Ça ne me plaît pas non plus. Mais j'ai besoin de savoir si Julia est la fille de Raphaël, ou celle de Nathaël. C'est important pour moi de savoir. Je ne pourrai pas vivre sans savoir ça. Même pour Julia, si elle souhaite savoir qui est son père, un jour... Je ne peux tout de même pas lui dire que je ne sais pas qui il est !

- Tu le feras quand même ?

Il hésite.

- Raphaël...

- C'est promis.

- Merci.

- Je te préviens juste que je ne suis pas certain que le numéro de mon frère soit le bon. Il a peut-être changé de numéro depuis tout ce temps...

- Ce n'est pas grave. Essayons. Sinon, il faudra trouver un autre moyen pour le contacter.

Je me triture les mains sous la table, geste que je fais toujours quand je suis nerveuse. Si nous arrivons à retrouver Nathaël et qui accepte de nous rencontrer, alors je pourrai peut-être enfin savoir la vérité. Si Julia est vraiment la fille de Raphaël. Et, auquel cas, je pourrai peut-être...

- Nous pourrons ensuite reprendre nos vies comme elles se sont arrêtées, mais en sachant la vérité, dis-je à Raphaël.

Un ange passe, et une émotion indéchiffrable prend place dans le regard de mon ex-fiancé. Je le vois serrer les mâchoires.

- Tu as bientôt fini ton repas ?

Sa voix est froide. Je me pétrifie sur place. Aurai-je dit quelque chose qui ne fallait pas ? J'ai beau fouiller ma mémoire, je ne vois pas. Il en a peut-être tout simplement marre de passer sa soirée avec moi. Je pensais pourtant que tous ces gestes, tous ces regards, tous ces mots... signifiaient quelque chose. Je me donne mentalement une bonne gifle. Je suis si bête d'avoir espéré !

- Oui, j'ai terminé, je réponds, la voix enrouée.

- Très bien, dit-il en se levant, sautant sur ses pieds. Je vais payer.

Il s'éloigne aussitôt, sans un regard pour moi. Qu'ai-je donc fait ?

J'attrape mon sac et enfile mon manteau pendant que Raphaël paye l'addition. Je suis gênée qu'il prenne aussi mon repas en charge.

J'adresse un timide "au revoir" au serveur et nous sortons, Raphaël et moi, dans la rue et le froid. Je le frotte les bras pour te ter de me réchauffer. Raphaël s'éloigne. Il marche beaucoup plus vite que moi.

- Attends-moi ! je m'écrie.

Il s'arrête, mais ne se retourne pas. Je cours vers lui, tout en prenant garde à ne pas glisser sur le trottoir humide.

Lorsque j'arrive près de lui, il reprend aussitôt sa marche.

- Je te raccompagne jusqu'à chez toi, dit-il.

- Tu n'es pas obligé. Tu dois avoir des choses plus importantes à faire que de me raccompagner chez moi.

- Ma voiture est garée dans la même rue.

Je soupire, déçue. Il est si froid avec moi, soudain !

Nous arrivons, après quelques rues traversées, en bas de mon immeuble. Il s'arrête juste avant, au niveau de sa voiture.

- Bon. Eh bien, je... Tu me diras si tu as des nouvelles de Nathaël...

Je me balance d'avant en arrière, ne sachant jamais que dire au moment des au revoir.

Raphaël prend un stylo et un boit de papier dans la poche de son manteau et griffonne rapidement quelque chose dessus avant de me le tendre.

Je ne parviens pas à déchiffrer ce qu'il a marqué sur le papier, alors je relève les yeux vers lui, l'air interrogateur. Il soupire.

- C'est mon numéro. Enregistre-le bien dans ton téléphone portable, et je pourrais te tenir au courant.

- Très bien. Je n'oublierai pas de le supprimer après tout ça, ne t'inquiète pas.

Il pince les lèvres dans la pénombre et ouvre la portière côté conducteur de sa voiture.

Alors qu'il s'installe, je ne peux pas m'empêcher de poser cette question qui me turlupine :

- Pour quelle raison es-tu venu, Raphaël ?

Il plonge une dernière fois son regard dans le mien. Seulement, ce n'est pas chaleureux comme tout à l'heure, mais glacial...

- Je te l'ai dit, Ophélia. Émilien m'a demandé de veiller sur toi.

Mon coeur se brise en mille morceaux à ses paroles avant de geler tellement il fait froid.

Je recule. Les mots de Raphaël me font mal. J'ai mal au cœur, j'ai mal à l'âme, même après tant d'années passées loin de lui.

Je ravale mes sanglots.

- Très bien. Tiens-moi au courant...

Il hoche simplement la tête, puis s'installe dans sa voiture, derrière le volant. Il claque ensuite la portière et démarre. Il sort de la place sur laquelle il s'était garé et, sans un dernier regard dans la direction, avance dans la rue.

Je suis la voiture du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Une larme roule sur ma joue, mais je l'essuie.

Nous avons discuté tous les deux, nous sommes allés au restaurant, il m'a réconfortée et j'ai espéré que tout redevienne comme avant. Je suis tellement bête !

J'ai même envisagé, l'espace d'un instant, de lui  parler de Julia. Je voulais qu'il sache que notre fille était toujours vivante. Je m'en suis voulue de lui mentir à propos de ça, car j'ai cru que ça lui faisait du mal que je lui annonce que notre fille n'avait pas survécu. Heureusement que je ne lui ai pas dit la vérité sur Julia. Il s'en fiche de moi. Tout ce qui veut, c'est tourner enfin la page, et me garder à l'oeil pour rassurer Émilien. Si Julia est bien la fille de Raphaël comme je l'ai toujours pensé, il ne faut pas qu'il le découvre. Il pourrait aller voir un juge pour demander une garde partagée ! Et je ne veux pas que Julia s'éloigne de moi ! C'est peut-être égoïste, mais je n'ai qu'elle, et j'aime ma fille de tout mon cœur ! Ça me ferait tellement de mal qu'elle parte loin de moi...

Les larmes coulent, mais je les essuie en serrant les dents. Personne ne doit savoir. Alors personne ne saura.