Chapitre 25

18 2 8
                                    

Une main me secoue par l'épaule.

Je me réveille brusquement. Il fait très noir, malgré la petite lampe allumée à ma gauche. J'ai dû dormir longtemps...

Une silhouette se tient devant moi. Isabella me surplombe.

- Qu'est-ce tu fous assise là ?

Elle a bu. Lorsqu'elle passe devant la lampe, je remarque son état. Et ça me met hors de moi en pensant à Bianca, qui avait si peur pour sa mère.

- Qu'est-ce que tu as fait ?!

Elle rit, avec un hoquet.

- Je me suis amusée !

- C'est pour ça que tu as abandonné ta fille en pleine rue après la messe ?

Elle hausse les épaules avec négligence. Mon sang ne fait qu'n tour. Je la saisis par le bras et la secoue comme un prunier.

- Tu te rends compte comme tu es irresponsable, Isabella ? Tu t'en rends compte ?!

Elle me repousse. Son visage est renfrogné.

- Pour qui est-ce que tu te prends ? crie-t-elle. Tu n'as pas à me dire quoi que ce soit ! Tu laisses bien Julia toute seule !

- C'est faux ! je m'écrie, complètement hors-de-moi. Je la laisse à caque fois avec toi ! Et ce matin, j'avais quelque chose d'urgent de prévu. Je les ai laissés, Diego et elle, pendant juste un instant, en pensant que tu pourrais les garder puisque tu revenais après la messe avec Bianca ! Et, quand je suis rentrée, j'ai appris que tu n'étais pas rentrée de la journée !

- Tu y es pour quelque chose, Ophélia.

Elle détache chaque syllabe de mon prénom. Jamais elle n'a eu ce regard. Je frissonne. Va-t-elle...

- C'est de ta faute, tout ça. Si tu ne m'avais pas énervée, je ne serai pas sortie boire.

- Pourquoi bois-tu, Isabella ?

- En quoi est-ce que ça te regarde ?

- Mais merde, Isabella ! Regarde tes enfants, comment ils en souffrent ! Tu ne leur montres pas d'affection et parfois, je me demande ce que tu fais avec deux enfants alors que tu as l'air de te foutre royalement d'eux !

- C'est faux ! crie Bianca.

Isabella et moi nous tournons d'un même mouvement vers elle. Elle a surgit dans la pièce. Elle écoutait la conversation depuis le début ! M'a-t-elle vue... ?

- Maman m'aime. Hein maman, tu m'aimes ?

Isabella ne répond pas. Elle a l'air de se trouver dans un brouillard complet.

- Bien sûr, ma chérie, finit-elle par répondre d'un voix mielleuse en caressant rapidement les cheveux de Bianca, qui sourit en regardant sa mère avec adoration.

Cette scène me rend malade. Bianca fait tout pour recevoir des marques d'affection de sa mère. Cette dernière lui dit qu'elle l'aime, alors qu'elle vient de boire je ne sais combien de verres et qu'elle a l'air d'avoir même oublié jusqu'au prénom de sa fille !

Isabella repousse finalement Bianca.

- Maintenant, laissez-moi tranquille. J'ai amené des invités. On va bien s'amuser !

Elle ouvre la porte d'entrée alors que je tire Bianca en arrière pour la cacher derrière moi. Je sais quel genre de personne Isabella a amené à la maison. Et ça ne me plait pas. Pas du tout. Surtout avec des enfants à proximité. Heureusement, leur chambre ferme à clé de l'intérieur, et si les hommes ne voient pas d'enfants, ils ne penseront pas qu'il y en a !

- Elle aussi ? demande un homme en me pointant du doigt.

Le visage d'Isabella se déforme en une grimace dégoûtée.

- Vous ne préférez pas en avoir une seule ? Elle n'est pas très intéressante...

L'homme m'observe toujours. Je ne bouge pas, et ne parle pas. Son regard me scanne de la tête aux pieds, ce qui me met très mal à l'aise. Mais je serre les dents et baisse la tête, restant immobile. Il finit par se lasser et claque des doigts en direction d'Isabella.

- Déshabille-toi. Tu suffiras, l'autre n'a pas assez de poitrine.

Je suis choquée par ce commentaire, et j'ai le réflexe de croiser les bras sur ma poitrine. J'ai envie de hurler à ces hommes qui scrutent Isabella avec gourmandise que les femmes ne sont pas des objets ! Malheureusement, en regardant Isabella qui est prête à leur obéir corps et âme, je ne sais pas quoi penser. Peut-être que certaines femmes désirent n'être que des objets entre les mains des hommes, après tout.

Je déglutis, et recule doucement, lentement, vers la porte du couloir qui mène aux chambre, Bianca toujours bien cachée dans mon dos. C'est une porte qui ferme à clé, de l'intérieur du couloir. Elle étouffera les bruits et empêchera les hommes de venir par ici.

Lorsque je verrouille la porte derrière Bianca et moi, je soupire de soulagement. Mes mains tremblent. Bianca ne parle pas, et je la regarde.

Elle pleure, la tête baissée.

- C'est ça qu'est ma mère ?

- Elle a trop bu...

- Elle ferait exactement la même chose en temps normal, et n'essaie pas de me faire croire le contraire !

Je soupire, la gorge nouée. Ma sœur recommence ce qu'elle avait arrêté il y a plusieurs mois... Pourquoi a-t-elle recommencé à ramener des gens bizarres à la maison, pour coucher avec eux ? Ne peut-elle pas préserver l'innocence de nos enfants, et faire ça ailleurs ? Ces hommes habitent bien tous quelque part...

Julia est peut-être trop jeune pour comprendre. Quoique... Elle est tellement précoce... J'ai peur que ces trois enfants ne voient des choses d'adulte trop tôt. Il faut que je fasse tout mon possible pour empêcher que ça arrive !

Bianca... Elle sait. Elle comprend. Elle est trop jeune pour ça. Ce sont des enfants, ils devraient rire et ne pas à porter tous les soucis de la Terre !

Je passe une main sur mon front. J'ai tout raté. Jamais, pour le bien des enfants, je n'aurais dû me disputer sans cesse avec Isabella. Nous aurions dû tenter de laisser nos différends de côté, pour une fois, et nous préoccuper seulement du bonheur des enfants. Nous avons tout fait de travers !

- Et si tu allais te coucher, Bianca ? N'allez surtout pas dans le salon. Je viendrai vous dire demain matin si la voie est libre ou non. Et ne raconte pas les détails à Diego et Julia, s'il te plaît. Je m'en veux déjà tellement que tu aies vu ça... Tu peux leur dire...qu'Isabella est avec quelqu'un pour la nuit...

- Non. Ils vont s'imaginer des choses. Je ne peux pas dire ça. S'ils découvrent la vérité...

- Ne leur dis rien. Seulement de ne pas aller là-bas. Je vais rester ici pour la nuit, au cas où...

Je ne termine pas ma phrase, mais Bianca a compris. Elle acquiesce, et tourne les talons. Je m'adosse contre la porte fermée à clé et me laisse glisser sur le sol.

Le visage de Bianca n'a rien exprimé, mais j'ai vu dans ses yeux combien elle était choquée. Et ça me fait du mal. Je n'ai pas réussi à les protéger.

Comme me l'a dit Isabella un peu plus tôt, avant que tous ces hommes débarquent dans la maison, tout est de ma faute.

Tout est de ma faute...

Only One LifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant