Chapitre 13

35 10 12
                                    

Julia est assise sur le canapé, ses petites jambes qui pendent dans le vide. Autour d'elle règne une grande agitation, mais elle reste imperturbable et immobile, les yeux rivés sur les motifs du tapis.

- Bianca, enfile tes chaussures, ma puce ! Diego, dépêche-toi ! Je n'ai pas que ça à faire de t'attendre...

Comme tous les dimanches matin, Isabella et ses deux enfants se préparent pour aller à la messe. Ils sont croyants mais moi, non. Enfant, j'ai souvent imploré Dieu de me venir en aide. S'il existe un Dieu, il m'a toujours ignorée. Pour sa part, Isabella est très pieuse. Et ça me fait bien rire, car tous les prêtres disent "qu'il faut être bon avec son prochain". Je me demande ce qu'elle dit lorsqu'elle se confesse...

- Tante Ophélia ?

C'est Diego qui me remarque. Ça ne m'étonne pas. Julia est toujours concentrée sur les motifs du tapis, les yeux rouges et gonflés. Bianca est en train de mettre son manteau et Isabella vérifie dans le miroir de l'entrée que son rouge à lèvres est bien fixé, et ne déborde pas.

Julia relève la tête vers moi. Elle renfile, puis se met en boule au fond du canapé. Diego, tout prêt à partir, s'assoit à côté d'elle et lui tapote maladroitement le genou.

- Diego, on y va ! crie ma sœur.

Isabella lui met une tape derrière la tête. Je m'attends à ce qu'il obéisse et se lève. Mais il défait brusquement ses lacets après avoir toisé sa mère et jette ses chaussures dans l'entrée.

Isabella lève les yeux au ciel.

- Quel est le caprice du jour ? se moque-t-elle.

- Je ne viens pas avec vous, réplique calmement Diego.

Ma sœur le regard un instant, interdite, puis devient rouge de colère.

- Je te demande pardon ? dit-elle, en détachant chaque mot.

- Tu as très bien entendu, maman.

Elle serre les dents.

- Pourquoi ?

- Je ne crois pas en Dieu. Donc je ne vois pas l'intérêt de venir.

Isabella pointe un index menaçant vers moi.

- C'est toi ! Tout est de ta faute !

- Comme toujours, marmonné-je.

- C'est bien que tu le reconnaisses.

- Ça s'appelle de l'ironie. Dire le contraire de ce que l'on pense. Tu connais ?

Nous nous toisons.

Soudain, Julia met fin à notre échange, se levant brusquement du canapé.

- Mais arrêtez ! crie-t-elle.

- Diego ! l'interpelle Isabella. Tu viens ici, tout de suite !

- Non. Je reste avec Julia et Tante Ophélia.

- C'est hors-de-question ! Viens ici immédiatement, ou je te donne une fessée !

- Je te déteste ! lâche Diego. Tu ne seras jamais ma mère à mes yeux ! Jamais, tu entends ! Tante Ophélia m'a plus offert d'amour que toi !

- Tu as dit quoi ?

Le visage de ma sœur est violet. Elle dirige son regard d'acier sur moi. Elle ouvre la bouche pour parler (ou plutôt crier), mais Julia l'interrompt une nouvelle fois :

- Je vais venir avec toi, Diego. Comme ça, tu ne seras pas tout seul.

Elle attrape son manteau après avoir zippé ses bottines.

Only One LifeWhere stories live. Discover now