Chapitre 8

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Épiphanie

- je n'arrive pas à comprendre ce qui t'as pris.

Je souffle et lève les yeux au ciel face à la remarque du docteur. Voyant ma nonchalance elle fronce les sourcils et fait exprès de me faire mal. Je grimace mais ne bronche pas, je me contente de fermer les yeux et d'enfoncer mon visage dans les coussins en coton de ma chambre. La douleur est si vive que j'ai l'impression d'avoir le corps engourdi, un vertige m'oblige à reprendre doucement mon souffle. Abimola ouvre la fenêtre, l'air frais du soir s'engouffre dans la pièce et lèche doucement les quelques gouttes de sueur qui perlent sur ma peau. La docteur continue de marmonner des remarques dans sa barbe, mais je ne l'écoute pas, mon esprit est ailleurs, au marché noir. Je revois la détermination dans le regard de Gamet, mon mentor. Mon cœur se serre en repensant à la facilité avec laquelle il a prit sa décision. Seulement pour 1 million.
Tu n'as pas d'amis.
Entre mes doigts sales je serre le tissus clair de mes draps, du sang sèche déjà entre les fibres. Depuis mes 10 ans, je n'ai jamais ressenti la solitude peser aussi lourd. Je n'arrive plus à me souvenir de ce qui c'était passé, mais mon corps se souvient des pleurs et des cris, il se souvient de ce vide immense et de cette impuissance.

- c'est bon, soupire la médecin.

Elle coupe son fil puis nettoie sans ménagement avec de l'alcool qui me fait grogner contre mon oreiller.
Abimola est près de moi, prenant soin de ne pas trop s'approcher, je souris en la voyant grimacer devant ma plaie. La médecin m'enroule dans un bandage propre avant de ranger son matériel dans un cliquetis agacé.

- j'espère ne pas avoir à recoudre ça une troisième fois, lance t'elle.

Je lui fais un sourire désabusé.

- les médecins sont pas censé être compatissants ?
- pas avec les patients comme toi.
- comme moi ?
- les patients qui refusent de se soigner.
- on ne se connaît pas et tu as déjà des appréhensions sur moi ? Fais je, faussement vexé.

Elle pince ses lèvres fines, ferme sa boîte en fer blanc et me lance un regard plein de reproche. Des mèches de ses cheveux blonds lui tombent devant les yeux et elle les dégage d'un geste rapide avant de reposer son regard sévère sur moi.

- ne fait pas sauter tes points.
- oui madame, me moqué je.

Elle secoue la tête et se redresse, tenant fermement sa boîte contre ses vêtements sombres.

- manges bien et repose toi le temps que ça cicatrise.

J'acquiesce même si je sais très bien que je ne pourrais jamais faire ce qu'elle me demande.
Je soupire quand elle sort enfin et me tourne vers une Abimola livide.

- qu'est ce que tu as toi ?
- tu es vraiment très blessée.
- c'est ce qui te met dans cet état ?

Je ris, avant que la douleur ne m'arrache une grimace.

Abimola passe une main dans ses cheveux afro avant de prendre une grande inspiration.

- tu fais ça souvent ?
- c'est à dire ?
- tu te retrouves souvent dans des situations dangereuses ?

Je m'apprête à lui relancer un pique mais je me révise en voyant le sérieux sur son visage. Je dois admettre que ce genre de situation ne m'est plus anodine, c'est peur être mauvais signe.
C'est très mauvais signe.

- ça m'arrive un peu plus souvent que j'en envie, soufflé je, ça te fais peur ?

Je lui fais un sourire provocateur, bien sûr qu'elle a peur, un jour qu'elle est avec moi et elle s'est déjà fait courser par la moitié du marché noir.

Scorpion blancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant