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Skylar

Le retour de mes parents entraîne de nombreux changements dans la maison. Mes frères sont plus tendus que d'habitude et Chayse est plus absent. Il se met à rentrer tard et à partir tôt le matin. Je ne le vois donc plus souvent. Évidemment, mes parents me mettent une pression énorme pour que je travaille sur le diamant. Comme si je me tournais les pouces ! Je passe donc de plus en plus de temps dans l'atelier. Ce n'est pas la première fois que mes parents me demandent de recréer des pierres précieuses, mais c'est la première fois où la pierre est aussi grosse et aussi technique dans son système de taillage. Autrement dit, je n'ai pas le droit de me planter sinon la disparition de l'Œil d'Onyx se remarquera tout de suite et ce n'est pas le but.

En plus de devoir travailler sur nos activités illégales, mes parents attendent de moi que je sois la meilleure en cours. Ils mettent un point d'honneur à ce que je sois diplômée d'une école d'art. Je n'ai jamais trop su pourquoi, mais ma passion pour l'art dans toutes ces formes les a bien arrangés. Ils ont grâce à ça un faux air dans la famille qui peut leur faire n'importe quelle toile quand ils le veulent.

Je soupire en admirant le tableau devant moi. Le professeur, nous a demandé de peindre une nouvelle interprétation de notre œuvre préférée en y ajoutant notre touche personnelle. J'ai choisi de peindre les nymphéas de Monet, mais j'avoue avoir du mal à ne pas en faire une copie exacte de l'œuvre originale. Déformation professionnelle, que voulez-vous ! Je finis par reposer mon pinceau et descends dans la cuisine. Je prends de petits saucissons comme à mon habitude et regarde par la fenêtre. Héros joue dehors en essayant d'attraper un papillon. Le pauvre est encore trop petit pour pouvoir rivaliser avec l'insecte. Je souris devant ce spectacle quand j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. Jace et Cooper entrent un par un et vont directement se mettre dans le canapé.

Salut, me dirent-ils.

Où est Spencer ? demanda Jace.

Dans son bureau. Ça fait un moment qu'il n'en est pas sorti.

Mes frères hochent la tête et l'un d'entre eux allume la télévision. Je prends mon paquet et monte dans l'atelier. Je dois impérativement finir le tableau aujourd'hui pour être tranquille et pouvoir passer à un autre projet. Je me remets à peindre, mais je n'arrive toujours pas à donner au tableau l'allure que je souhaite. C'est horriblement frustrant ! Je n'ai limite qu'une envie de tout envoyer balader alors que ce n'est pas mon genre de laisser tomber, surtout quand le projet est en peinture ! Je détache mes cheveux qui me font horriblement mal et pose mon pinceau.

Le professeur souhaite que l'on fasse un tableau dans notre style, mais à force de copier le style des autres n'aurais-je pas perdu le mien ? Ne me suis-je pas perdu en chemin ? Ai-je été trop loin dans les reproductions de tableaux au point de ne plus pouvoir créer d'œuvres originales ?

Des dizaines d'autres questions se bousculent dans ma tête dont une qui me terrifie. Et si, je n'étais tout simplement plus à la hauteur ?

C'est alors que la porte de l'atelier s'ouvre. Je me retourne et tombe nez à nez avec Chayse. Que fait-il ici ? Il referme la porte derrière lui et s'y adosse. Ses yeux bleus se fixent dans les miens et je suis incapable de faire le moindre mouvement. Nous reste là sans un bruit à nous regarder. Il passe distraitement une main dans ses cheveux. J'adore quand il fait ce mouvement. Il semble plus fatigué que la dernière fois que je l'ai vu. Ses cernes sont plus marqués et son teint plus terne. Il ne doit pas beaucoup dormir ces temps-ci. Il me détaille de haut en bas et hésite à parler.

Tout va bien ? le questionnais-je.

Oui... Non... Je ne sais pas... soupire-t-il.

Mes parents t'en font voir de toutes les couleurs à toi aussi ?

Plus ou moins...

Il regarde le tableau derrière moi et s'en approche. Il semble étudier ce qu'il voit et je ne saurais dire si ça lui plait ou si au contraire, il n'aime pas.

Comme si son avis comptait !

Il se retourne alors vers moi. Ses yeux s'attachent de nouveau aux miens et il s'avance vers moi. D'instinct, je recule. Un seul pas. Un tout petit pas qui vient briser le lien qu'on avait établi. Ses yeux se voilent puis à nouveau, il se passe la main dans les cheveux.

Tu veux réellement que je parte, me demande-t-il alors.

Ma boucle s'ouvre toute seule puis se referme. Je ne m'attendais pas à cette question. Est-ce que je voulais qu'il parte ? Au départ, oui c'est incontestable. Il dort dans la chambre maudite, est du sexe opposé et par-dessus tout, il est tueur à gages. Il tue des gens pour de l'argent. Des hommes, des femmes et même une femme enceinte, bien qu'il le regrette, mais je doute qu'il ait choisi ce métier par vocation. On ne se dit pas un jour au réveil « je vais devenir tueur à gages ! ». On le devient c'est tout. Je ne connais pas les circonstances qui l'ont poussé à ce choix, mais je doute qu'elle soit des plus joyeuses. De plus, Chayse m'a sauvé la vie au lieu de me la pourrir et bien que nos rapports aient mal commencé, on peut dire qu'ils se sont grandement améliorés ces derniers temps. On ne se grève crève plus de pneus, on ne mélange pas des produits dans le shampoing de l'autre et on ne se jette plus de couteau en pleine tête. C'est pas mal comme progrès non ! Sans oublier qu'il m'a aidé quand j'étais blessé et qu'il a supporté une journée shopping avec Harley ! Aujourd'hui, je n'ai plus vraiment envie qu'il parte. Qu'il change de chambre, oui, mais pas qu'il quitte la maison.

Non, je ne veux pas que tu partes, répondis-je enfin.

Il hoche la tête et semble soudain soulagé. Il s'avance vers moi et attrape une mèche de cheveux. Il l'entoure autour de son doigt puis la déroule. Son autre main vient alors se poser dans mon cou et le caresse délicatement. Pour la première fois depuis des années, j'ai envie de poser mes lèvres sur celle d'un homme, cet homme. Étrangement, il semble en avoir envie tout autant que moi. Il finit par franchir le dernier centimètre qui nous sépare et scelle enfin nos lèvres. Sa bouche se presse contre la mienne et ses mains me rapprochent de lui. Je ferme les yeux et me laisse aller dans ses bras. À cet instant, je ne voudrais être nulle part ailleurs. Juste là avec lui.

Pourtant je sais au fond de moi que ce moment n'est qu'une parenthèse et qu'une fois fermé, le retour à la réalité sera dur. Très dur.

Faux airWhere stories live. Discover now