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Skylar

J'ai encore joué avec le feu. Je ne peux pas m'empêcher de faire un sale coup à Chayse malgré le fait que je sache qu'il est tueur en série. Un coup bas. Je n'avais pas imaginé qu'il serait aussi drôle avec ses cheveux verts. On aurait dit un lutin.

- Réunion en bas pour tout le monde, déclare une voix peu amicale. Chayse si tu veux prendre ma fille par derrière va falloir attendre encore un peu.

Je déglutis violemment. Il est de retour. Mon père dans toute sa splendeur. Direct, violent, blessant. Je n'ai pas encore choisi lequel mais les trois ensembles vont très bien. Je les suis en silence. Toute la famille est réunie. Jace est assis dans un fauteuil avec un verre de tequila dans la main. Cooper fume discrètement dans un coin. Ma mère est sur un canapé droit comme un I parfaitement habillé et maquillé. Spencer se trouve au bar de la cuisine avec une bière. Mon père rejoint le centre de la pièce et Chayse va à côté de Cooper et lui pique une cigarette. Je décide de me faire discrète. Je crois que je m'en suis pris assez dans la gueule pour aujourd'hui.

Ma mère salue Chayse et lui dit qu'il est le bienvenue dans la famille. Elle lui fait également une critique sur ses cheveux verts, ceux à quoi le tueur répond qu'il a perdu un gage avec un ami qui l'a mis au défi de se teindre les cheveux. Mes yeux s'écarquillent sous la stupeur. Chayse me lance un regard qui semble dire " à charge de revanche". Je reporte alors mon attention sur le chef de famille. Le King sénior. Grand, châtain, des yeux bleus que les jumeaux et Spencer ont hérité, James King a un charme fou. II porte une barbe de trois jours rasée de près. Il est toujours tiré par quatre épingles comme ma mère. Elle aussi est grande. Ma mère a de beaux cheveux bruns qu'elle adore rejeter en arrière dans un geste théâtrale. J'ai hérité de ses cheveux bruns et de ses yeux verts alors que mes frères ont pris leurs teints hâlés et Spencer et moi la pâleur vampirique de notre père.

Mon père croise les mains, roule ses épaules et se racle la gorge. C'est important vu comment il agit.

- J'ai une grande nouvelle, commence t-il. Votre mère et moi avons trouvé notre prochain coup. Maria a toi de jouer.

Ma mère se lève, va éteindre la lumière et allume le vidéo projecteur. Si on a le droit à une projection, ça veut dire que c'est un gros coup. Ma mère lisse sa robe, rejette ses cheveux en arrière et sourit. La femme d'affaire est de sortie.

- Très bientôt, Chicago recevra un diamant exceptionnel pour une exposition sur les pierres précieuses. C'est la première fois que son propriétaire le sort de sa collection privée.

Elle change d'image et nous montre un diamant noir immense. Il est magnifiquement taillé. Un travail très minutieux et extrêmement précis. Il n'a pas été fait industriellement. C'est du fait main.

- Ça à l'air de te parler Sky, dit ma mère en souriant. C'est l'œil d'onyx. Il a une énorme valeur. L'exposition n'a lieu qu'un mois. Le système de sécurité est en train de se mettre en place. Il va nous falloir le maximum d'informations puis un plan complet de la salle. Skylar, il va falloir que tu recrée la diamant à l'identique. Il faut qu'il ait l'air tellement vrai que personne ne s'en rendra compte plus tard. Le plus tard possible.

Je hoche la tête. Cela va être un travail très compliqué. La précision du diamant est unique. Mon père m'observe et ce n'est pas bon signe.

- Rentrer dans le bâtiment sans se faire repérer et voler le diamant devrait être un jeu d'enfant. La difficulté de la mission va être le diamant en lui-même. Sa copie doit avoir le même poids, la même taille au micromètres près et le taillage parfait.

Je sens tous les regards sur moi. Je déglutit. Je rougis violemment. Mes joues chauffent. Mon père s'approche de moi et se plante à quelques centimètres de moi. Je baisse les yeux et me mords la joue intérieure. Je fais craquer mes doigts et me prépare mentalement à l'affront de mon père.

- Tu sais faire autre chose que de la peinture? crache t il.

Je hoche la tête mais cela ne semble pas satisfaire le grand patron de la famille King qui se redresse de toute sa hauteur. Le King est de sortie et le petit poussin va se faire écraser.

- J'ai déjà créé plusieurs imitations de pierre précieuse, soufflais-je.

Mon père s'approche de moi et attrape mon bras. Mes yeux s'écarquillent et je fais un pas en arrière. Ses yeux me lancent des éclairs. Il serre la main et se penche vers moi.

- Toute la mission repose sur ce diamant, dit-il. Donc tu as intérêt à ne pas te planter sur ce coup là parce que sinon crois moi que tu vas le regretter toute ta vie.

Ses mots résonnent en moi avec une impression de déjà vue.

Tu vas le regretter toute ta vie si tu ouvres ta bouche.

Je plisse les yeux et secoue ma tête pour chasser mes démons. Je ne dois pas craquer maintenant. Pas devant mon père. Pas devant ma mère. Pas devant mes frères. Devant plus personne. Je ne dois plus montrer que l'on peut m'atteindre.

Mon père m'attrape l'autre bras et me secoue. Je ferme les yeux et pousse un petit cri de détresse. Les souvenirs affluent de plus en plus dans ma tête. Je ne parviens pas à retenir tous les souvenirs. Je me dégage de la prise de mon père et place mes mains sur ma tête. Je ne comprends pas pourquoi mon père me déteste autant. Il a une haine tellement forte envers moi. Je me sens de plus en plus oppressé dans cette pièce. Tous les regards sont toujours rivés vers mon père et moi. Je n'en peux plus.

- Ecoute moi bien jeune fille, enchaîne mon père. Si tu ne parviens pas à faire cela, ta vie deviendra invivable.

Invivable? Encore plus que maintenant? Laissez moi rire! Entre mes cauchemars qui gâchent mes nuits, les crises qui gâchent mes journées et ma capacité hors norme à me mettre dans des situations impossibles. Je crois que question vie invivable mon père aura du mal à faire pire que ce que je ne fais déjà seule.

Le pauvre petit poussin a déjà brûlé ses ailes... pensais-je.

Mon père quitte alors la pièce. Ma mère me regarde avec pitié. Je n'en ai pas besoin de sa pitié juste d'une mère qui me prend dans mes bras, qui me dit que tout va bien, qui me berce quand je hurle la nuit à cause d'un cauchemar. Je sais que tous les membres de ma famille m'entendent quand je me réveille mais aucun d'eux n'est jamais venu me réconforter.

Je serre les dents, retiens les larmes qui menacent de couler et redresse la tête. Je vois que tout le monde ne me lâche pas du regard. Ma mère sourit tristement, rallume la lumière, éteint le projecteur, corrige un pli invisible sur sa robe, jette sa chevelure en arrière et soigne évidemment sa sortie. Je regarde les personnes devant moi. Encore une fois, j'ai été seule face au grand méchant loup et le petit poussin a besoin de s'isoler pour se réparer. 

Faux airWhere stories live. Discover now