Contre le temps - Umbrella Academy fanfiction

Chapitre 106

- J'aurais jamais cru dire ça un jour, mais j'suis plutôt contente que quelqu'un soit mort avec moi.

Luther et moi sommes allongés sur une place de sable fin. Le soleil caresse nos visages et nous profitons de notre mort en nous délectant de chaque instant.

- Je suis d'accord, répond mon frère, être seul ici, ça serait vraiment horrible à la longue.

J'hoche lentement la tête, bien que je sache qu'il ne me voit pas, et reprends ma contemplation du ciel. Je comprends maintenant pourquoi Klaus a aussi peu de considération pour la vie. Une fois qu'on a goûté au plaisir de la mort, le retour à la réalité peut-être dur. Étrangement, je n'ai pas envie de bouger, de faire quoi que se soit. Je veux juste me reposer et rester là pendant des années. Ma soif d'agir semble m'avoir quitté. Je ne doute pas qu'elle reviendra bientôt au galop et que je pêterais un câble à force d'être ici à ne rien faire, mais pour le moment, j'écarte cette pensée pour profiter de l'instant.

- Tu sais, même si je suis heureux d'être là et que je n'y suis pour rien si je suis mort, je peux pas m'empêcher de me dire que je suis lâche.

Je me tourne vers Luther pour observer son profil pendant qu'il continue, sans lâcher le ciel des yeux.

- J'ai abandonné Sloane, je n'ai pas voulu tenter d'aller à Oblivion...

- Non, dis-je en secouant la tête, ne pas aller à Oblivion, c'était le choix le moins désespéré.

Luther tourne son regard vers moi sans comprendre.

- Mais tu as voté pour y aller.

Je souris tristement avant de me rallonger.

- Ouais, je sais, c'est justement pour ça que je te dis ça. Tout ceux qui ont voté pour y aller étaient désespérés. Allison car elle a perdu Ray et Claire, Ben car il se sent à part, moi car rester sans rien faire me rendait malade et que je préférais mourir plus tôt mais en ayant fait quelque chose, plutôt que plus tard les bras croisés...

Luther ne répond rien, il réfléchie aux paroles que je viens de prononcer, et un petit silence s'installe entre nous avant que je ne reprenne.

- D'ailleurs, qu'est-ce que tu faisais dans la suite du Bison blanc ?

Je me serais plutôt attendu à ce qu'il soit avec Sloane en train de profiter de ces derniers instants avec elle plutôt qu'avec papa. Luther lâche un petit rire sans joie.

- J'étais parti chercher des glaçons, notre machine ne marchait plus, quand j'ai trouvé papa seul dans la suite. Puis on a commencé à parler de notre fin imminente, et je lui tenais tête pour montrer que rester était ce qu'on voulait. Je lui ai dit que pour une fois, je ne ferais pas ce qu'il voulait. Et il m'a dit que j'étais un homme remarquable. Sur le coup, j'ai pensé que Klaus avait raison, que papa n'était pas le même, mais avec le recul, j'ai vraiment été stupide de le croire...Il m'a demandé de lui pardonner, et j'ai accepté. Je croyais vraiment qu'il avait changé...Et là, quand il m'a pris dans ses bras, son bras extraterrestre est sorti de nul part pour me poignarder. Je me suis jamais senti aussi débile de toute ma vie.

Papa nous aura vraiment manipulé jusqu'à notre dernier souffle, qu'elle enflure.

- Je suis désolée. Mais tu n'y es pour rien, c'est un connard narcissique.

Luther m'offre un petit sourire avant de me retourner la question.

- Je comptais aller à Oblivion seule.

Mon frère se redresse, incrédule, et je lui lance un petit regard triste.

- T'es étonné par ma débilité ou par le fait que j'ai fait ça de mon propre chef ?

Devant son air perdu, je me redresse en position assise et observe l'océan.

- Papa m'a dit que je n'avais jamais rien fait par moi-même, qu'il fallait toujours que j'ai l'approbation de Cinq ou Ben. Alors quand il m'a vu débarqué dans la suite, il a été assez étonné que j'ai enfin fait quelque chose seule.

Je tourne mon regard vers Luther, qui a une expression triste sur le visage. Je dois faire pitié à voir, j'en suis sûre. Mais je sais que Luther pense que c'est un peu vrai au fond. À chaque fois qu'il faut faire quelque chose, je cherche l'approbation de quelqu'un, peu importante qui. Je n'agis jamais pour moi. C'est pour les autres que je le fais. Même ma mort le prouve.

- Tu veux savoir le plus drôle ? Même en crevant, c'était pas pour moi. Quand je t'ai vu baigner dans cette marre de sang, je suis devenue folle et j'ai voulu tuer papa pour lui faire payer. Autant te dire qu'il m'a rapidement eu avec ses tentacules...

Luther pose sa main sur mon épaule et je lève les yeux vers lui. Il a un petit sourire et semble compréhensif, ce qui me fait un bien fou sans pour autant que je sache pourquoi.

- Je pense pas que se soit une mauvaise chose. Ça veut simplement dire que tu veux le meilleur pour les gens qui t'entourent. C'est loin d'être une faiblesse.

Mes yeux commencent à se mouiller de larmes que je retiens tant bien que mal. Je pose ma tête sur la main de Luther.

- Merci...Toi non plus, je pense pas que pardonner se soit une mauvaise chose. Tu donnes la possibilité à ceux qui se sont trompés de se racheter, et tout le monde n'en est pas capable.

Luther sourit avant de m'attirer vers lui pour m'enlacer. Je n'ai pas le souvenir que nous nous soyons un jour fait un câlin, et c'est exactement ce dont j'ai besoin maintenant. Me sentir proche de ma famille et savoir que peu importe ce que je fais ou dis, elle m'aimera toujours. Je ne sais pas combien de temps nous restons tous les deux à regarder les vagues aller et venir, enlacés, mais quand je relève la tête, le ciel commence à devenir plus sombre.

- Tu sais quoi Luther ? Dis-je en regardant les premières étoiles pointer le bout de leur nez, on peut être fier de notre mort.

Il acquiesce en silence avant de reporter son attention sur les étoiles, puis nous finissons par tomber de sommeil.