Mirage

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Le tournoi se prolongea encore 2 jours.

Un concours de tir à l'arc et une joute annoncèrent la fin de la compétition. J'y assistais sans envie et stoïque attendant avec impatience la fin de la journée.

Depuis l'agitation du premier jour, chaque soir je retournais au chevet de Godfrey. Celui-ci avait repris des couleurs et portait désormais son bras cassé en écharpe.

- Bonjour, comment vas-tu?

- Mon sauveur ! Beaucoup mieux, je te remercie, me répondait-il avec un sourire timide aux lèvres.

- Je suis vraiment désolé d'avoir interrompu le combat, je ne savais pas que cela entacherait l'honneur de ta famille.

- Je n'en ai que faire de l'honneur. Mon père m'a obligé à participer à ce tournoi, assurant ma mort par la même occasion. Je déteste me battre et je suis heureux que ça soit terminé.

- Oh je vois.

- J'aime lire, écrire des poèmes. Mais mon père n'a jamais accepté ma différence, étant son seul héritier. Il m'a obligé à suivre des cours de maniement d'épée. C'était un calvaire.

N'as-tu jamais eu l'impression que ton destin était ailleurs ? Me questionna-t-il.

- Si tous les jours.

C'était un garçon enjoué qui malheureusement ne pouvait accomplir ses rêves, j'étais attristé pour lui. De plus, cela fessait 3 jours que le garçon était cloitré dans l'infirmerie et pourtant je n'avais jamais vu la présence de sa famille.

Mademoiselle Eléonore entra dans la tente.

- Comment se remet le jeune homme ? commença-t-elle

- Il est courageux, je pense que d'ici ce soir il pourra sortir.

- Génial, il pourra donc participer au bal.

- Au bal ? dis-je étonnée.

- Oui le bal pour célébrer la fin du tournoi, tout le monde est obligé d'y participer.

Je vous dis donc à ce soir, salua-t-elle gaiement en sortant.

Dans mes espaces privés, je me nettoyais avec un minuscule seau d'eau que m'avait fourni Marius. Le manque de salle de bain commençait à sérieusement me gêner. Mon hygiène devenait douteuse, je rêvais d'une baignoire pour me prélasser, pendant des heures, dans la mousse parfumée.

Affuté d'un ensemble en soie vert foncé que m'avait offert Eléonore, j'étais bien décidé à m'amuser pour oublier ces troublants derniers jours. Mes cheveux cachés dans un chapeau, je partais chercher mon amie dans sa chambre. En entrant, je découvrais une Eléonore toute en beauté. Elle portait une longue robe en satin verte claire, avec un laçage doré et des longes manches entrouvertes, bordées de broderie dorée. Elle était étrangement assortie à ma tenue. Je l'enviais.

Moi aussi j'ai envie d'avoir mes cheveux tressés avec des fils d'or.

Quelque minute plus tard, j'entrais dans la salle de bal avec la belle demoiselle à mon bras. Tous les regards se retournaient sur nous.

On doit vraiment former un beau couple. Quelle ironie !

Les individus buvaient sans limite et l'orchestre jouait avec entrain de la musique traditionnelle, provoquant dans son sillage, la danse effrénée des convives.

Le Comte de Torth m'apporta un verre rempli d'un vin velouté, il était déjà tout rouge à cause de ses excès de boissons.

- Amusez-vous mon ami, profitez de la fête et oubliez les tracas de ses derniers jours.

J'acceptais son présent, le buvant d'une traite, ce qui le fit rire aux éclats.

Ce vin est super bon, m'étonnais-je.

Pendant plusieurs heures, je dansais, je chantais, je buvais et discutais avec n'importe qui, profitant au maximum de ma soirée.

Une femme rondelette se confia en gloussant :

- Vous devriez faire attention jeune homme, vous convoitez une jeune femme qui est déjà depuis longtemps la cible d'un autre.

Elle me montrait au loin Charles Edagne qui regardait intensément ma partenaire de soirée.

- Pff ! Je n'ai que faire d'Eléonore, j'aime les hommes, les vrais. Laissais-je échapper complètement pompette

- Oh mon Dieu, beugla la femme horrifiée en faisant un signe de croix.

- Oula ! Combien de verres ai-je bus ?

- Beaucoup trop mon ami, plaisanta Henry.

- Oh Henry ! Que vous êtes bien habillé ! En même temps c'est normal comme vous êtes le Châtelain. Votre vin est *Hic* dé-li-cieux.

- Je préfère vous voir comme ceux-là, qu'au tournoi.

- Le tournoi, j'ai détesté ça. Juste une occasion de montrer qui sera le plus fort, qui aura la plus grande épée, m'exclamais-je éméchée.

- Oui, j'ai vu votre réaction.

- Une réaction de froussard et de faible, ajouta Charles Edagne, fier de sa victoire.

- Ou de compassion quelque chose qu'apparemment vous ne connaissiez pas !

C'était la première fois que je le voyais sans son équipement, cela ne retirait en rien à sa carrure imposante. Il m'énervait avec sa beauté sauvage, ses cheveux bouclés bruns et sa mâchoire carrée. Même sa cicatrice au niveau de la joue droite lui donnait un côté mystérieux. Je comprenais mieux l'engouement des jeunes filles pendant le tournoi.

- N'avez-vous jamais assisté ou participé à un combat à l'épée auparavant ? me demanda Henry étonné.

- Non, pas que je m'en rappelle.

- Venez donc à mes entrainements, je vous apprendrai les rudiments du combat.

- Il est trop chétif, il n'arrivera même pas à porter une épée, ricana Charles.

- Ce sera un plaisir. Et il ne faut jamais sous-estimer son adversaire, protestais-je en regardant avec insistance le prétentieux.

Eléonore m'attrapa la main et m'invita à aller danser.

- Je vous laisse mon devoir de partenaire de soirée m'appelle. Bonsoir Henry et bonsoir... Tête de Gland, lâchais-je en rigolant.

- Tête de Gland ?

Je voyais son agacement, de me voir partir avec la main féminine qu'il convoitait tant.

Nous dansions gaiement main dans la main, j'essayais de suivre tant bien que mal les pas de la chorégraphie. Le vin me montait aux joues, ma vue se brouillait, la foule autour de moi tournait.

Je me laissais aller à bondir, à sautiller dans tous les sens, souriant à ma partenaire qui avait l'air enchantée.

Puis mon regard s'arrêta net sur une petite femme brune dans la foule.

Le temps et l'agitation autour de moi se figèrent, comme si plus rien n'avait d'importance.

Mon cœur s'arrêta lui aussi quand je reconnu les traits de l'individu.

Mais ce n'est pas possible !

Des larmes de joie coulaient sur mon visage.

Ce ne peut pas être elle !

Mina ?

Le miroir d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant