Les amants maudits

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La nuit avait déjà englouti la totalité du royaume. Mon épée accrochée à ma ceinture, ma chevelure glissant sur mon armure sombre, j'étais comme une ombre, passant la sécurité. Les soldats n'étaient que des idiots beaucoup trop occuper à boire et discuter, plutôt que de stopper l'arrivée d'une sorcière.

Je rentrais dans le château. Marchant dans les couloirs, traversant les salles vides.

Tout me paraissait différent. Les tristes événements m'avaient fait oublier les doux souvenirs que j'avais accumulés ici. Les murs étaient froids, on aurait dit que la faucheuse avait envahi cet endroit.

Je ressentais les respirations, de tous ces êtres humains endormis, qui pensaient être en sécurité dans leurs lits bien chauds. Je croisais le regarde terrorisé d'une servante. Un souffle au creux de ma main, et le sortilège faisait tomber comme une mouche la jeune femme sur le sol en pierre. Rien ne pouvait m'arrêter.

J'eus un instant d'hésitation avant de rentrer dans la chambre de mon amie. L'odeur de fleur fraîche me montait aux narines, je pouvais la voir dormir paisiblement. Doucement, sans faire aucun de bruit, je m'approchais d'elle. Elle était tellement belle, tellement tranquille, ses cheveux dorés étalés sur son traversin blanc. Je me posais sur le rebord de son lit.

« Je suis tellement désolée, chuchotai-je tout bas.

- J'aurais tellement voulu rester auprès de toi, de ton frère. Mais ce mal, comprends-tu, me détruit et me ronge chaque jour. Ce que nous a fait ce prêtre, les sévices, ses paroles... Je ne serais plus jamais la même. Oréna ne méritait pas se sort, aucune jeune femme, sorcière ou non, ne mérite cela... »

Une larme coulait de mon œil, je l'essuyais avec le dos de ma main.

« Et je sais, je l'ai lu dans des livres de mon époque, jamais ils ne cesseront ces persécutions. Le sang des miens a beaucoup trop coulé. Si pour sauver toutes ces femmes, il me faut sacrifier ce que j'ai de plus cher... Murmurai-je torturée.

- Mon cœur me hurle de tout abandonner, mais mon âme de sorcière m'ordonne d'agir pour mes semblables. J'aimerais tellement que tu puisses me conseiller. Mais, plus jamais je ne te mettrai en danger. »

Je caressais ses cheveux, et déposais un baiser sur son front.

« Adieu Éléonore, oublie-moi. »

Je disparaissais après mes confessions dans le vide. Je déambulais comme un fantôme blessé, hantant les couloirs, réfléchissant une dernière fois avant d'agir. Puis je me retrouvais devant cette porte tant redoutée.

Mon cœur battait à une vitesse folle, mon esprit était perturbé, ma gorge était sèche, mes yeux étaient inondés de larmes. Mon front collé contre le bois, je remuais une dernière fois mes réflexions, pour ne pas faire la plus grosse erreur de ma vie.

J'imaginais déjà ses yeux, sa bouche, ses long cheveux bruns immaculés de sang par ma faute. Cette vision me paraissait horrible...

Il fallait que je sois forte, que j'oublie mes sentiments, que je les enferme au plus profond de mon être pour les oublier à tout jamais.

Hésitante, j'attrapais la poignée et poussais silencieusement l'entrée.

Comme une meurtrière, sans émotion, je rentrais dans la pièce.

Il faisait sombre, les rideaux avaient été tirés. Seul une étrange petite lumière éclairait un coin. Je ne voyais pas grand-chose dans cette pénombre. Je m'approchais de l'étincelle de la bougie pour l'éteindre. Préférant faire mon sacrifice sans voir le visage de mon amant. Mais un bruit étrange de métal me perturba avant que je puisse passer mon doigt mouillé sur la source.

Le miroir d'un autre mondeWhere stories live. Discover now