Que le sang coule !

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Un doux souvenir resurgissait dans mon crâne. Je me rappelais d'un soir d'hiver, les premiers flocons commençaient à se déposer sur le sol épuisé et sec.

Ma mère était venue me chercher après l'école. Je me remémorais les murs froids et aseptisés de l'hôpital que j'avais traversé pour atteindre la minuscule pièce. Je me rappelais de l'instant étrange, où j'avais touché la main ridée et blanche comme la neige de ma grand-mère.

Quand j'avais regardé innocemment le visage doux et vieillissant de mon ancêtre qui s'éteignait. Les sanglots de ma mère qui retentissaient. Moi avec mon petit cœur chaud et jeune, mes pensées fluides et pures, je ne déversais aucune larme. Le visage de mon aïeule se tourna vers moi, un sourire rassurant sur ses lèvres. Sa paume se resserrant sur la mienne.

« Voilà ce que c'est d'être vivant, ma petite cigogne, un jour on regarde l'autre sans aller pour ensuite se retrouver un jour à sa place. »

A l'écoute de ses mots, une petite larme transparente s'écoulait de mon œil pour s'écraser sur le drap.

« Seule les personnes bienveillantes pleure,t promet moi Pénélope de ne jamais t'arrêter de pleurer. » J'acquiesçais.

J'espérais moi aussi, comme elle, tenir la main chaude de ma petite fille et m'en aller dans la paix.

Mais le sort en avait décidé autrement.

On me trainait de force et honteusement devant le village. Ma pudeur dévoilée au grand jour.

Les adultes ainsi que les enfants nous jetaient des pierres. Un énorme crachat visqueux et dégoulinant m'atterrissait en plein visage. Un autre profita d'un instant pour me frapper le dos, en plein sûr mes blessures ouvertes.

« Au bucher les sorcières ! » Hurla un affreux sans dent.

Ces humiliations étaient insupportables. Leurs traitements nous déshonoraient. Ils n'étaient que des bêtes, impatientes de voir de la violence injustifiée. Nous marchions enchainées en plein milieu de la foule avide de chair fraiche à carbonisé pour le spectacle.

On nous poussait, nous bousculait, nous frappait. La jeune femme châtain, tombée au sol, n'arrivait même plus à se relever tellement son corps était meurtrie extérieurement et intérieurement.

« Diablesse ! Démone ! Retourne en enfer ! » Me cria une femme folle de rage.

Soudain, Eléonore se débattait pour s'approcher de moi. Elle me regardait choquée et anéantie.

« Pénélope, mon Dieu, que ton t'il fait... Dit-elle avec les larmes aux yeux.

- Je te promets je vais te sortir de là ! S'époumona-t-elle pour me rassurer.

- Non, ne t'emmêle pas ! Sinon tu risquerais de nous rejoindre sur le bucher, lui ordonnai-je.

- Mais...

- Adieu, lui dis-je en larmes. »

Elle en resta figée sur place, me regardant me faire porter sur le bucher. Nous étions toutes les quatre accrochées sur un tronc au milieu de bois et de brindilles.

L'inquisiteur en face, sur une estrade demanda à l'assistance de se calmer pour commencer les jugements.

« Mes chers enfants, aujourd'hui est un jour béni, notre seigneur nous a permis de mettre en lumière ses femmes pécheresses. Chacune ayant souillé les ordres établis par le tout-puissant. Préférant honorer Satan lui-même. »

- Que le jugement commence ! » S'écria-t-il.

Le bourreau attrapa une barre de fer, et il la plongea dans un poêle de braises.

Le miroir d'un autre mondeWhere stories live. Discover now