1er matin

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(LISE)

J'ai pas fermé l'œil de la nuit, évidemment. Je me repasse sans cesse la soirée de la veille, et comme toute vraie fille qui se respecte j'analyse chaque mot, chaque geste, chaque sous-entendu, pour en arriver toujours à la même conclusion : mon patron a eu envie de me sauter.

J'avoue ne pas connaître grand-chose aux hommes, mes relations jusque-là n'ont pas été éblouissantes, surtout la dernière qui m'a laissé un goût franchement qu'amer, et mes expériences sexuelles sont plutôt limitées.

Mais je n'ai aucun doute quant à ce que j'ai lu dans son regard hier soir : un désir violent, féroce, sans concession. J'ose même pas imaginer ce qui se serait passé si j'étais restée.

Parce que je dois l'avouer, son corps près du mien me plaquant contre ce mur, ses mains sur ma peau, ces mots crus que je ne m'attendais pas à entendre, son parfum puissant envahissant mon espace vital m'ont fait disjoncter.

Sauf que ce matin, la réalité m'a rattrapée de plein fouet. Complètement dégrisée, fatiguée, et de mauvaise humeur, il faut bien que je me décide à aller l'affronter.

Je suis en retard, très en retard, pour la première fois depuis que j'ai commencé ce travail. Pour la première fois depuis que j'ai commencé à bosser tout court à la réflexion.

Mais étrangement ça ne me stresse pas. J'ai l'impression que quelque chose a changé en moi hier.

Il est 10 heures quand je franchis la porte de mon bureau. Comme s'il avait un radar l'avertissant de ma présence il aboie immédiatement

- MADEMOISELLE CAMINSKY, DANS MON BUREAU, TOUT DE SUITE !

Ma voisine de bureau sursaute

- Bah dis donc, il est encore plus de mauvais poil que d'habitude.

- Je sais, je suis en retard, il va me couper la tête.

- Qu'est ce qu'il s'est passé, t'as eu un problème ce matin ? T'es pas malade au moins ?

- Non non t'inquiète, juste une panne d'oreiller

- Ouille, trouve mieux que ça à lui répondre parce qu'il t'attend de pied ferme depuis une heure, il est venu au moins 12 fois dans le bureau voir si tu étais arrivée. Il était fou de rage.

- Super, autant en finir alors !

Je prends mon courage à deux mains et frappe à son bureau

- ENTREZ !

Je pousse la porte et y reste adossée une fois refermée, les mains glissées dans mes poches arrière. Je sais pas du tout ce que je fais mais je suis prise d'une confiance inédite.

Je reste là, sans parler, à le regarder droit dans les yeux. Après un temps qui me paraît interminable, il se lève et s'avance vers moi doucement, tout en soutenant mon regard.Mon cœur s'emballe, j'ai l'impression de jouer dans un film qui n'est pas adapté à mon âge et dont l'intrigue me dépasse.

Quand enfin il n'est plus qu'à deux pas de moi, il s'arrête. Aucun mot n'a encore été prononcé.

La tension qui règne dans la pièce pourrait déclencher un feu de joie sur un simple claquement de doigts. Il se rapproche, nos corps ne sont plus séparés que par quelques centimètres maintenant. Je n'ai pas lâché son regard mais je me sens de moins en moins sûre de mon audace tout à coup.

Ma tête, relevée vers lui, lui intime de parler en 1er, de rompre ce silence étourdissant.

Sans prévenir, il franchit la faible distance qui nous séparait encore et enfouit sa tête dans mon cou. J'ose même plus respirer tellement cette situation est folle. Je sens ses lèvres chaudes frôler ma peau qui réagit immédiatement à leur contact. Il s'approche de mon oreille et je l'entends respirer avant de se lancer.

- Ne me faites plus jamais ça Lise. Plus jamais.

- Plus jamais quoi monsieur Miller ?

- Ca pour commencer. M'appeler Monsieur Miller. Je m'appelle Alex.

- Je sais parfaitement que vous vous appelez Alex. Mais je préfère m'en tenir à Monsieur Miller. Je suis votre assistante et non votre copine.

J'entends un grognement sourd et reçois en punition 10 000 volts quand il prend mon lobe dans sa bouche et le titille du bout de sa langue. Je dois être en train de rêver, cette situation n'arrive jamais dans la vraie vie. Maintenant j'ai le choix, ou je le laisse faire et j'y laisse mon corps et mon âme, et accessoirement mon job, ou je prends les commandes.

Sauf qu'avoir une réflexion claire et objective avec la langue de votre patron qui parcourt maintenant tout votre cou, c'est juste impossible. Surtout quand votre boss est Alex Miller

- Monsieur Miller ?

- Hum ?

- Voulez-vous bien décoller votre corps du mien s'il vous plaît ? J'aimerais aller travailler si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Car c'est à ça que vous me payez si je ne m'abuse.

Stupeur. Incompréhension. Recul immédiat.

J'ai comme l'impression que pas grand monde a osé dire non à Alex Miller avant moi.

Ma peau est brûlante, comme si un incendie l'avait consumée, je pourrais suivre du doigt le trajet exact de sa bouche dans mon cou. Mais je ne veux pas lui céder.

Car petit à petit une idée tordue a commencé à s'immiscer dans mon cerveau en ébullition. L'alerte rouge de ma parano s'est déclenchée en mode raz de marée.

Et si tout ça n'était qu'un petit jeu pour me faire perdre la tête là dans son bureau. Et me faire chanter ensuite. Je suis sûre qu'il a des caméras planquées ici. Il pourrait me proposer un échange. Ce que je sais et ce que j'ai vu contre ma réputation vierge de toute sextape !

Je me mets à rire soudainement comme si le diable venait de me chatouiller les pieds et sors de son bureau.

Ca a l'air tellement évident maintenant.

Pourquoi je me suis torturée toute la nuit ?

Comment j'ai pu croire que le dangereux, l'incontrôlable, l'insatiable Alex Miller avait pu avoir envie de moi juste comme ça?

Moi sa petite assistante qu'il n'a jamais regardée depuis qu'il l'a recrutée.

Je tape sans réfléchir dans la porte que je viens de refermer. Je suis furieuse. Après lui, de m'avoir prise pour une vierge effarouchée et pathétiquement conne. Et après moi surtout d'avoir failli me faire avoir par son numéro bien rôdé de baratineur.

C'est à ce moment précis que je prends conscience du pouvoir que j'ai désormais sur lui. L'avoir surpris avec cette fille, c'était déjà mal engagé pour lui. Mais avoir figé la scène sur mon téléphone, à la place de la toile que je venais discrètement prendre en photo pensant le bureau vide, l'achèvera à coup sûr quand il connaître son existence.

Puissance 1 000 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant