Associés

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(LISE)

Sitôt la conversation avec Thiago terminée, je réalisai qu'un douteux et suspect silence régnait dans la pièce. Alex avait mis les voiles sans me prévenir et je savais pourquoi. Mon attention détournée par les révélations de mon mari, il avait du partir planquer ce fichue bout de papier qui faisait de lui mon associé à parts égales. Et redoutable comme je le connaissais, je pouvais toujours courir pour espérer le récupérer et en faire des confettis. Il devait maintenant être bien à l'abri dans le coffre de son bureau, plus sécurisé que Fort Knox, perdu au milieu de photos compromettantes et de vrais contrats en or massif. Quelle merde ! J'étais définitivement pieds et poings liés à Alex Miller, sans aucune perspective de m'en dépatouiller sans y laisser des plumes ou ma dignité ...

Je n'avais plus qu'à quitter cet oppressant salon pour retourner dans mon antre et préparer au mieux mon prochain tête à tête avec mon nouvel associé. Cette "union" forcée me prenait de court, j'avais rien préparé qui allait dans ce sens, pensant plutôt devoir entamer une procédure express de licenciement économique dès mon retour au bureau.

Une bruine glacée, typique d'un mois de décembre parisien m'accueillit dès que je mis un pied dehors. Complètement perturbée par l'appel de mon banquier deux heures plus tôt et par le risque de devoir venir avec ma cousine branchée sur du 100 000 volts, j'étais sortie précipitamment de L.C., absolument pas équipée pour affronter la météo changeante comme une girouette. Relevant inutilement le col de mon manteau, trop court pour me protéger de quoi que ce soit, maudissant bonnet et parapluie de m'attendre sagement, et au sec, dans mon bureau, je pressai le pas vers la station de métro la plus proche, le taxi n'étant plus maintenant réservé que pour les grandes occasions, vu les finances peu reluisantes de L.C. Mais alors que je patientai pour traverser la route, sautillant d'un pied sur l'autre pour tenter de grappiller un peu de chaleur, je vis une petite furie brune se jeter sur moi et m'entourer de ses bras chauds et molletonnés. Pas rancunière pour deux sous, Zoé était venue me chercher avec sa Mini fétiche, ayant deviné que j'aurais grandement besoin de réconfort.

- J'ai eu Nathan quand tu es partie comme une voleuse du bureau, il m'a expliqué pour Alex alors me voilà. Comment tu te sens ?

- A part trahie et humiliée .... hum attends que je réfléchisse ... déprimée, dégoutée, furax, au bout du rouleau ... ? 

- J'imagine bien ... Je serai pareil à ta place je crois ... Cela dit, j'ai eu un peu le temps de réfléchir en venant, il faut que je t'en parle mais pas ici, c'est trop déprimant. J'ai décidé qu'on allait se changer les idées, surtout toi. On décampe à Londres avec les filles ce soir pour le week-end, je te dépose au bureau et je file faire nos valises. Tu t'occupes de rien, et surtout tu bronches pas.

- Zoé ...

- Lise, c'est mon devoir de cousine chérie préférée. L'heure est grave, je peux pas te laisser commencer à bosser avec Miller dans cet état là, il va te bouffer toute crue. Tu dois absolument lâcher du lest pendant 48h, et crois moi, on va tout faire pour. On va te requinquer comme il faut toutes les 5, tu va tout déchirer en rentrant et laisser Alex sur le cul !

Sauf que pour l'instant, j'avais surtout peur de pas voir le week-end arriver du tout. Fidèle à son style de pure parisienne plus que rodée à la conduite urbaine, Zoé slalomait entre les voitures sans sourciller, frôlant de très près des cyclistes aventureux ou des piétons trop lents à traverser, franchissant des feux orange plus que murs, se trompant tout à fait délibérément de sens de circulation quand ça l'arrangeait. 15 minutes plus tard, soit 5 de moins que le taxi de l'aller qui avait pourtant déjà fait peu de cas de ma sécurité, j'étais devant mon bureau, verte comme une olive et tremblante comme une feuille, prête à retapisser mes chaussures de mon petit déj, et me jurant pour la millième fois que c'était ma dernière traversée de Paris au volant de l'engin de mort de ma folle de cousine.

Puissance 1 000 (Terminée)Where stories live. Discover now