Plan d'attaque

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ALEX

Après un passage express, et infructueux, chez Léo, je gagnai St Pancras au pas de course et sautai dans le 1er Eurostar sur le départ. Et depuis 25 minutes maintenant, bien calé au fond de mon fauteuil, je regardai les km défiler entre Londres et Paris en tentant de comprendre comment tout avait pu merder à ce point.

Comment grâce à un improbable concours de circonstances, j'avais pu passer de l'euphorie la plus complète au désespoir le plus pathétique ?
Comment la meilleure nuit de ma vie avait pu déboucher sur le pire matin de mon existence ?
Comment la femme que j'aimais avait pu me jeter comme le dernier des pouilleux ?
Bref, comment en moins d'une minute, elle avait pu envoyer au tapis le trentenaire arrogant, calculateur, foutrement sexy et allergique à toute forme d'engagement que j'étais pour faire réapparaitre l'ado timide et angoissé qui doutait de tout, à commencer par lui ?

Mus par l'habitude, mes doigts firent défiler les contacts sur mon téléphone pour trouver celui de Julian. Mon fidèle acolyte depuis 15 ans aurait surement une idée de génie pour me sortir de ce guêpier. Ou pas. Mais de toute façon il fallait que je vide mon sac et Julian était le mieux placé pour ça depuis toujours.

Après 3 sonneries dans le vide, je tombais direct sur sa messagerie. A cette heure-ci, un dimanche, il devait encore être en train d'émerger entre les cuisses d'une rousse minuscule et volcanique, ses deux critères de prédilection en matière de femme, auxquels il ne faisait que très rarement des infidélités. Je raccrochai sans prendre la peine de laisser un message qu'il n'écouterait de toute façon probablement jamais, et lui envoya un simple "Lise" par sms à la place.

Moins de 15 secondes plus tard, mon téléphone vibrait et mon meilleur ami me murmurait un bonjour lascif et trainant. Suivi d'un "t'arrête pas bébé, je parle juste un peu à mon pote". Un bruit de succion légèrement étouffé m'indiqua que le "bébé" en question avait compris les instructions et les suivait à la lettre. Et y mettait même un sacré coeur à l'ouvrage d'après la respiration hachée de Julian.

- Vas y Alex, je suis tout à toi. Enfin sauf ma queue qui est à Veronica pour le moment, qui entre nous, suce beaucoup, beaucoup mieux que toi et moi.

Je posai instinctivement la main sur ma braguette en un geste protecteur et avalai rapidement ma salive, tentant d'apaiser ma bite qui venait de se ratatiner par réflexe.

"Tout doux ma belle, tonton Julian est très très loin, tu es en sé.cu.ri.té "

Visiblement j'avais rassuré la bête à voix haute. Le rire de Julian, si caractéristique, perça mon tympan gauche et m'empêcha de garder mon sérieux bien longtemps, refoulant cet horrible souvenir bien au fond de sa boite.

- Marre-toi connard, mes parents m'en parlent encore. Toi et tes idées à la con quand même ! Quand je pense que t'avais des bagues, bordel, mais comment j'ai pu te laisser faire ? !

- Allez, y 'a prescription maintenant. Et puis t'auras un truc marrant à raconter à tes mômes Alex !

- Wow wow wow ... parce que tu crois vraiment que je vais leur raconter que leur père quand il avait leur âge, s'est tellement bourré la gueule avec son meilleur pote qu'ils ont eu la brillante idée de s'essayer à la pipe l'un sur l'autre, juste pour "pas mourir idiot" ?

Mais Julian ne me répondit pas. Je dus attendre que son fou-rire se calme, et qu'il délivre la pauvre Véronica qui s'étouffait à chaque soubresaut, avant de pouvoir continuer notre conversation. Son rire communicatif finit par me contaminer définitivement quand il me rappela la tête de mes parents débarquant à l'infirmerie de St Justin en catastrophe, persuadés que leur fils avait été castré. L'école ne sut jamais vraiment ce qui s'était passé, ou du moins ne voulu pas creuser bien loin et le renvoi nous fut donc épargné à Julian et moi. Il faut dire que les gâteries entre élèves n'étaient pas vraiment cautionnées par la direction catholique de l'établissement à l'époque ... Mes parents en revanche, une fois rassurés par un spécialiste sur la toujours intacte virilité de leur petit dernier, réussirent à me tirer les vers du nez, usant et abusant de toutes les techniques parentales connues. Et après un bien trop long débat sur l'abus d'alcool et ses fâcheuses conséquences, le sujet, ainsi que mon amour-propre, furent enterrés pour le bien de tous.

Puissance 1 000 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant