Chapitre 9 : restaurant

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Shikamaru était installé chez Ichiraku, un bol de ramen fumant posé devant lui. Bien qu'il faisait semblant de ne pas y prêter attention, il sentait la présence de Temari, à quelques centimètres à peine de lui, électrisante. Une fois de plus, il soupira. Qu'est-ce qui avait bien pu lui prendre de l'inviter ici ? Cette question, qui passait en boucle dans son esprit, ne trouva guère plus de réponses qu'auparavant. Pourtant, il était devenu un professionnel dans l'art d'éviter les choses chiantes et personne, non personne, ne savait mieux que lui qu'une fille, c'était la chose chiante par excellence. Sans compter que Temari était plutôt bien classée dans sa catégorie... Alors pourquoi n'avait-il donc pas été fichu de fermer sa grande bouche ? Pourquoi avoir renoncé à une bonne douche et à un lit douillet juste pour satisfaire la faim d'une fille ?

L'humeur du jeune homme s'assombrit encore plus lorsqu'il se rappela qu'il n'avait plus ni « bonne douche » ni « lit douillet ». Son entrevue avec Tsunade-sama lui revint en mémoire et il se maudit une nouvelle fois. Inviter une fille au restaurant, c'était déjà une énorme bêtise... Quand, en plus, elle avait d'excellentes raisons de déprimer, c'était pire que tout.

Au fond de lui même, il aurait bien aimé lui être d'une aide quelconque mais son cerveau le conjurait de ne pas aggraver sa situation avec une autre merveilleuse inspiration. Non seulement il n'était pas censé être au courant de quoique ce soit mais, en plus, il allait finir par s'attirer des ennuis plus gros que lui. Quelle galère...

Il soupira une nouvelle fois, essayant de remettre de l'ordre dans ses pensées. Il se sentait totalement idiot, assis là, seul avec elle, sans savoir ni quoi dire ni quoi faire. Mais qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ? Quelle idée de génie vraiment ! Le silence se faisait de plus en plus pesant et le jeune homme cherchait désespérément ce qu'il pourrait bien lui raconter, le tout en écrasant consciencieusement ses pâtes avec ses baguettes.

-Tu n'as pas besoin de faire cette tête.

Le ton moqueur de la jeune femme le fit sursauter. Il leva les yeux vers elle. Le léger sourire qu'elle affichait ne parvenait pas à lui ôter cet air sombre que Shikamaru lui trouvait depuis que Tsunade-sama l'avait mis au courant de la situation. C'était peut-être une simple impression mais, maintenant qu'il savait, une multitude de détails lui sautait aux yeux, lui prouvant que Temari avait le moral au trente-sixième dessous.

-Quelle tête ? s'étonna-t-il en reposant immédiatement ses baguettes d'un air coupable.

-La tête du mec qui se demande ce qu'il va bien pouvoir raconter pour que la fille assise à côté de lui n'ait pas l'air de s'ennuyer ferme.

Shikamaru ne put s'empêcher de rougir. Pour cacher sa gêne, il maugréa :

-Tu lis dans les pensées maintenant, fille galère ?

-Heureusement pour toi, non, répliqua la jeune femme sans le quitter des yeux.

Shikamaru acquiesça, on ne peut plus sérieux. Effectivement, si Temari avait eu un tel don, il n'aurait pas donné cher de sa pauvre peau...

-Tu as tant de choses à te reprocher que ça ? plaisanta-t-elle en observant sa réaction.

Shikamaru ne parvint pas à soutenir son regard et préféra changer de sujet, histoire de s'aventurer sur un terrain un peu moins glissant. Bizarrement, Temari arrivait à le mettre dans des positions assez embarrassantes et il risquait de finir par se trahir s'il la laissait guider la conversation ainsi.

-Tu comptes faire quoi demain ? lui demanda-t-il d'un ton qu'il essaya de rendre parfaitement naturel, en priant pour qu'elle ne se rende pas compte de sa dérobade.

Le visage de Temari se crispa et elle repoussa son bol de ramen à moitié plein. Visiblement, la parade du jeune homme avait réussie. Malheureusement, alors qu'il pensait lancer une conversation anodine, l'idée d'avoir un jour de congé ne réjouissait pas du tout la jeune femme et Shikamaru le comprit, à peine trop tard. Si lui, quand il allait mal, préférait oublier ses soucis en regardant les nuages ou en restant enfoui sous sa couette, les personnes comme Temari détestait l'inactivité qui les forçait à ressasser leur triste situation. Faire des missions et rester avec ses coéquipiers, c'étaient le genre de choses qui occupaient assez la jeune femme pour lui changer les idées. Elle finit par lui répondre d'un ton vague:

-Rien. J'irais peut-être me promener un peu... Et toi ?

-Oh, comme d'habitude. J'irai voir Kurenai et son fils puis je passerai chez mes parents, histoire de convaincre ma mère que je suis parfaitement capable de m'en sortir tout seul.

Cette remarque réussit à dérider la jeune femme qui ne put retenir un sourire.

-Si tu la croises, essaie de ne pas préciser que je fais mal la cuisine..., poursuivit Shikamaru, ravi de voir le visage de Temari s'éclairer. Je ne tiens pas à ce qu'elle recommence à me déposer des vivres tous les jours devant ma porte.

-Je lui dirais que tu es très galant et que tu m'as invité au restaurant, lui souffla Temari sur le ton de la confidence.

Cette fois-ci, ce fut au tour du jeune homme de rire. Finalement, ce n'était pas si dur de discuter avec une fille...

-N'en fais pas trop quand même, précisa-t-il, elle ne te croira pas. Après tout, c'est elle qui m'a élevé.

Il hésita quelques secondes, regarda le visage enfin joyeux de Temari et se décida. La jeune femme l'écouta alors raconter son enfance, sans pouvoir s'empêcher de sourire aux anecdotes qu'il racontait. Elles étaient le plus souvent drôles, parfois touchantes, toujours divertissantes. Jamais Shikamaru ne s'était autant dévoilé à personne, ni avec autant de facilité. Habituellement, il parlait peu de lui et préférait observer ce qui l'entourait, glissant une remarque par-ci par là. Mais là, c'était différent. Parce qu'il savait qu'elle en avait besoin. Et peut-être un peu aussi parce qu'il aimait sa façon de l'écouter sans l'interrompre, attentive et bon public.

Quoiqu'il en soit, les rires de Temari l'encourageaient et, après son enfance et sa rencontre avec Chôji, il passa au crible ses relations avec sa mère, aimante mais exaspérée par son attitude clairement désinvolte et je-m'en-foutiste. Il n'omettait rien : ni les querelles, ni les réconciliations. De plus en plus confiant, il dépeignit un portrait fidèle de son père, homme intelligent et fin stratège qui se faisait mener à la baguette par sa femme. Les anecdotes se multiplièrent, de leur rencontre (Shikaku avait bousculé Yoshino sans s'excuser, ce qui lui avait valu la remontrance du siècle) à leur mariage (« Une si petite tâche sur mon costume... Inutile de t'énerver, on ne la verra même pas ») en passant pas la naissance de Shikamaru (« Il n'y a aucun doute, vu sa fainéantise, c'est bien ton fils... »).

Lorsque Temari parvint enfin à contrôler son fou rire, elle laissa échapper un soupir léger et leva les yeux vers Shikamaru, le regard brillant. Elle avait déjà entrevu, lorsqu'ils préparaient ensemble l'examen Chuunin quelques années auparavant, cette facette du jeune homme qui faisait de lui, quant il le voulait bien, un garçon plein de ressources et de charme, attendrissant même.

C'est à ce moment-là que le jeune homme croisa le regard de Temari, à la fois doux et reconnaissant. Comme happé, il ne parvint à détourner les yeux et déglutit avec difficulté.

-Merci, lui murmura-t-elle en inclinant la tête.

Le jeune homme la regarda, encore plus surpris.

-Pour... Pourquoi ? souffla-t-il.

La jeune femme se leva, sans le quitter des yeux. Elle se sentait enfin apaisée et joyeuse, alors qu'elle aurait pourtant juré ne plus jamais pouvoir ressentir de tels sentiments avant bien longtemps.

-Pour essayer de me remonter le moral. Pour ne pas me poser de questions.

Soudain, sans même qu'elle ne réfléchisse à ce qu'elle faisait, mue par une sorte d'impulsion inexplicable, elle se pencha légèrement et déposa un baiser sur la joue du garçon. Puis, elle se recula de quelques pas et ne put retenir un sourire en regardant le visage interloqué du jeune homme. Il porta ses doigts à sa joue et se tourna vers elle, la bouche grande ouverte, le regard interrogateur. Temari se contenta de hausser les épaules d'un air énigmatique, le sourire aux lèvres.

-Ferme la bouche, lui souffla-t-elle, agrémentant sa remarque d'un clin d'œil espiègle.

-Galère, pensa le jeune homme en s'exécutant. Et je suis censé faire quoi, moi, maintenant ?

Un peu nerveux, il tira son portefeuille de sa poche et paya. Puis, il rejoignit la jeune fille et ils rentrèrent en silence, chacun plongé dans ses propres pensées.

OoOoO

Y a Une Fille Chez Moi [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant