2. Secret

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Les étudiants entrèrent avec une agitation qui leur était habituelle. Je me répétai comme un mantra que cette fille, Cassandre, était une élève comme les autres. Pourtant je savais bien que ce n'était pas le cas. Mais je tentais par tous les moyens de m'en persuader. Je n'aimais pas me mentir à moi même, seulement, je n'avais pas le choix.

Je commençai mon cours tant bien que mal et distribuai les consignes du TP aux élèves. Je n'adressai pas un regard à Cassandre quand je lui tendis sa feuille. Je m'y contraignis.
En retournant à mon bureau, j'entendis un élève ricaner dans mon dos. Je n'avais aucun doute sur l'identité de l'élève dont provenait ce rire suffisant. Je fis volte face et sans surprise, me retrouvai devant Maxence. C'était un garçon imbus de lui même et qui n'avait, semblait-il, aucune idée de ce que signifiait le mot "respect". Je ne pouvais pas le supporter. Mais puisque l'occasion se présentait, j'allais en profiter pour essayer de le mettre mal devant la classe.

"Maxence, au lieu de ricaner bêtement, tu vas nous expliquer l'objectif de l'expérience."

Le jeune homme me dévisagea, l'air agacé. Il souffla puis commença à aligner des phrases sans grande cohérence les unes avec les autres. Je le laissai tenter d'expliquer un court instant puis le coupai :

"Stop, c'est bon. Maintenant si tu pouvais juste te taire plutôt que de raconter ta vie, certes passionnante mais sans grand rapport avec le cours, à ton voisin ça serait parfait."

Maxence me jeta un regard noir mais ne pipa pas un mot.
Je finis ce qu'il avait médiocrement commencé et les élèves se lancèrent dans leur exercice.
Moi, je m'assis à mon bureau. Malgré l'aspirine, ma tête me faisait encore un mal de chien. Je n'en pouvais plus de cette journée, je n'avais qu'une hâte : qu'elle se finisse.

L'heure passa lentement, très lentement. Je croisai parfois le regard de Cassandre mais je détournai systématiquement mon regard. Je savais que si cette attirance était dévoilée, on dirait que c'était contre nature, répugnant. J'aurais peut être pensé ça moi aussi, si j'avais été extérieur à la situation. Maintenant, même si je savais que personne ne comprendrait, au fond de moi je savais que j'avais beau ne pas la regarder, je pensais à elle. Je pouvais bien avoir toute la bonne volonté du monde, je n'arrivais pas à changer ce que j'éprouvais. Pourtant j'aimais ma femme, cela n'altérait en rien mes sentiments pour elle.

Lorsque les élèves eurent terminé leur expérience, je passais dans les rangs pour vérifier leurs résultats. Je commençai par le premier binôme. Il était formé de Léanne, une bonne élève plutôt discrète en classe et Victoire.
Je m'approchai de leur table et demandai la feuille de résultats. Victoire me la tendit, un sourire éclatant sur les lèvres. Je lui souris en retour. Dans mon cours, c'était une élève agréable. Il fallait aussi admettre qu'elle était jolie mais trop "parfaite". J'avais cependant entendu des anecdotes à son sujet de la part d'autres professeurs qui m'avaient surpris. Mais du temps qu'elle restait à sa place dans mon cours, ce qui se passait dans celui des autres ne me regardait pas.
Je lui rendis sa feuille. Tous les résultats étaient corrects, ce qui n'était pas étonnant de la part de Léanne et Victoire.

Je passai ensuite auprès des autres groupes.
Je vérifiai à la hâte les résultats de Carla et de Cassandre, pour ne pas laisser mon esprit dériver. J'avais pourtant remarqué que Cassandre avait l'air crispé. Elle semblait tendue, en colère. Je ne pus m'empêcher de me demander quelle était la raison de son état mais me dis qu'il ne valait mieux pas lui demander maintenant. Je pourrais, au pire des cas, toujours lui poser la question à la fin du cours.

Je finis ma vérification par le groupe de Maxence. Quelques secondes après leur avoir rendu leur feuille, la sonnerie annonçant la tant attendue fin du cours résonna dans le couloir du lycée.

Enfin, la journée était terminée. Je m'appuyai contre l'armoire de la classe et me frottai les yeux. Ils me brûlaient, à cause de la fatigue sans doute. Lorsque je rouvris les yeux il ne restait qu'une poignée d'élèves dans la classe, rangeant leurs affaires. Je cherchai Cassandre mais elle n'était plus là. Cela m'étonna, il n'était pas rare qu'elle sorte la dernière de la classe. Parfois, elle me demandait de lui expliquer une notion mal comprise. Ce n'était pas pour me déplaire, à vrai dire. Aucune barrière n'était franchie. J'étais simplement un professeur aidant une élève ordinaire à comprendre une leçon. Mais il y avait ce petit quelque chose en plus. Ce petit quelque chose que seul moi ressentait vraiment mais que je gardais caché. C'était mon secret. Un secret que je n'arrivais pas à assumer.

"Au revoir, Monsieur. Je pourrais passer demain ? C'est parce que je n'ai pas bien compris le cours sur les énergies."

La voix de Victoire me ramena à la réalité.

"Euh, de quoi...? Ah oui oui pardon, oui bien sûr, tu pourras venir pendant l'inter cours.
-Merci Monsieur, au revoir."

Elle sortit. J'étais enfin seul. Je ramassai mes affaires en vitesse et partis du lycée.

Durant le trajet qui me séparait de chez moi, je ne pus m'empêcher de me demander ce qui avait mis Cassandre dans cet état. Cela m'embêtait qu'elle se sente mal et que je n'en connaisse même pas la raison. J'ouvris la fenêtre et inspirai une grande bouffée d'air frais.
Bien. Ce que se passait au lycée restait au lycée. Il fallait au moins que je ne pense pas à elle quand j'étais chez moi. Sinon j'allais devenir fou.

Lorsque j'ouvris la porte de la maison, mon fils me sauta au cou, suivit de près par sa grande sœur. Ils firent renaître un sourire sur mon visage instantanément.

"Lyna, Maël, laissez Papa se poser deux minutes." Leur ordonna Laura d'une voix douce mais ferme.

Mes enfants me lâchèrent et partirent en courant vers leur chambre. Comme j'aimerais avoir leur insouciance et pas ces problèmes insolubles qui me bouffent de l'intérieur. Laura s'approcha de moi et m'embrassa. Je lui rendis son baiser. Je l'aimais comme un fou c'était indéniable. J'en oubliai partiellement Cassandre, le lycée et tout le reste. Laura était vraiment exceptionnelle.

Elle recula un peu, me sourit et me dit :

"Je t'aime mon cœur et j'ai vraiment de la chance de t'avoir pour moi."

Elle se colla à moi et me susurra à l'oreille :

"On ne se quittera jamais, je suis tienne et tu es mien."

Un rire secoua ses épaules. J'adorais quand elle faisait ça. Bien sûr que j'étais sien.

Overwhelmed.Where stories live. Discover now