22. Memories

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Mes doigts se resserrèrent autour du rebord du lavabo. Mon regard se planta dans le miroir. Je sentais le sang battre dans l'artère de ma gorge. La colère avait pris le dessus sur la peine. J'aurais dû la tuer. Même si Ugo avait complètement désapprouvé cette idée, c'était que j'aurais dû faire. Une vie contre une autre. J'en venais presque à espérer la voir de nouveau pour venger Laura. Ugo disait que cela ne la ramènerait pas mais on ne pouvait pas savoir combien ce besoin de vengeance était irrépressible tant que l'on avait pas perdu injustement quelqu'un. Ugo disait que cela pourrait avoir de terribles conséquences mais c'était faux. Je ne risquerais rien. Cassandre était la personne la plus recherchée et dangereuse dans les alentours. Tout ce qu'il fallait faire c'était l'éliminer. C'était tout.
Je me passai de l'eau froide sur le visage et expirai longuement. C'était du délire. Tout ça, c'était complètement dément. C'était vrai, comment cela pouvait-il être plausible ? Cette histoire ne tenait pas debout. Sans y croire vraiment, je fermai les yeux. Tout cela n'était qu'un affreux cauchemar dont j'allais me réveiller. Mais bien entendu, c'est mon reflet que je vis en ouvrant les yeux à nouveau. J'inspirai profondément. Les enfants. Ils étaient tout ce qu'il me restait. Je devais assurer leur sécurité avant tout. Je devais les faire passer avant mes envies de vengeance. J'expirai enfin et quittai la salle de bain pour aller me coucher.

Les deux jours qui vinrent furent les plus longs et mornes de ma vie. J'avais retiré les enfants de leur école. De toute façon, même après en avoir longuement parlé avec Ugo, j'étais resté déterminé à aller vivre près de chez mes parents, à Quimper.
Lyna, Maël et moi devions changer de vie.
Laisser la maison et tous les souvenirs qui y étaient ancrés était vraiment difficile. Mais ces souvenirs n'allaient pas rester ici. Nous allions garder Laura avec nous.
En clair, ces deux jours s'étaient résumés à se lever, manger, tuer le temps, recevoir un coup de téléphone de la morgue pour dire que Laura allait être incinérée après l'autopsie et aller se coucher. J'avais refusé d'aller au crématorium. Je voulais me souvenir de Laura comme d'une femme belle, intelligente et courageuse. Je ne souhaitais pour rien au monde la voir dans une urne, son corps se résumant à un tas de cendres. Ma décision avait fini de rendre folle ma belle-mère. Elle avait même voulu récupérer les enfants, me considérant comme "un gamin narcissique et égoïste incapable de gérer la moindre responsabilité".
Mais Emma avait essayé de tempérer sa mère et elles avaient toutes deux assisté à l'incinération. C'était peut-être effectivement égoïste de ma part mais j'avais également préféré ne rien dire aux enfants. Le fait de savoir que leur mère allait être brûlée et réduite en cendres leur serait insupportable.
Lyna et Maël surmontaient cependant cette épreuve avec une maturité déconcertante. Lyna avait parfois des accès de colère mais je ne pouvais que la comprendre.

Tous les jours nous répétions les mêmes gestes, tous les jours nous vivions la même routine. Je couchai alors mes enfants à la même heure et en répétant le même rituel que les deux jours précédents. Puis, je me mis au lit et comme la veille et l'avant veille, je sombrai lentement une léthargie libératrice.

Trois coups répétés à la porte de la chambre me tirèrent du sommeil sans rêve dans lequel j'étais plongé. J'ouvris péniblement les yeux et découvris la petite silhouette de Maël dans l'encadrement de la porte. Il se justifia aussitôt :

"Je peux pas dormir, Papa. Maman m'a pas dit bonne nuit alors j'arrive pas à bien dormir..."

Je soupirai et lui chuchotai :

"Viens là, bonhomme."

Mon fils grimpa sur le lit et vint se glisser dans les draps à côté de moi. Je me rendormis en caressant les cheveux de Maël.

La sonnerie du téléphone m'agressa les tympans. J'ouvris immédiatement les yeux et me jetai sur l'appareil afin que mon fils ne soit pas réveillé. Je décrochai et jetai un coup d'œil rapide au réveil. Il indiquait sept heures et quart. Qui pouvait bien m'appeler à cette heure-ci ? J'articulai un faible "Allô" en sortant le plus silencieusement possible de la chambre. Une voix quasi inaudible au bout du fil me répondit :

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⏰ Last updated: Feb 05, 2017 ⏰

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