11. Trapped

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Les jours passèrent. J'avais retrouvé la vie d'un enseignant, d'un mari et d'un père ordinaire. Pourtant, quelque chose avait changé. Laura et Ugo marchaient constamment sur des œufs quand ils s'adressaient à moi. Ils semblaient avoir peur que je m'écarte du droit chemin à nouveau. Cela m'agaçait profondément. Mais je ne le montrais pas, à leur place, j'aurais probablement agi de la même manière.

Je n'avais pas adressé la parole à Cassandre depuis la découverte du corps de Julie. Je l'avais aperçue me regarder de façon insistante lors de la cérémonie en mémoire de Julie. Bien sûr, je l'avais eu en cours. Mais j'évitais au maximum de croiser son regard. Je passais devant elle en l'ignorant dans les couloirs. Elle semblait vraiment au plus mal, ça me brisait le cœur de ne pas pouvoir l'aider. Cependant, je ne devais pas oublier les règles que je m'étais fixées. Ne pas la regarder trop souvent, ne pas lui parler seul à seule et ne pas penser à elle.
Si je n'avais pas dérogé aux deux premières règles, la troisième me posait plus de soucis. C'est pourquoi je l'avais assouplie et elle était devenue "penser à elle le moins possible."
J'aurais tellement voulu parler avec elle, pouvoir voir son sourire à nouveau. Mais je ne pouvais pas. Je ne devais pas. Autrement, je serais le pire des égoïstes.

Cela faisait maintenant cinq jours que Julie avait été déclarée morte. Je me levai et me préparai pour aller travailler. Je ne pus m'empêcher de repenser à la veille. Cassandre avait séché mon cours, hier après-midi. J'avouais que cela m'avait quelque peu surpris et inquiété. Elle n'avait manqué aucune heure avec moi. De plus, Léanne et Sarah m'avaient assuré qu'elle était présente le matin-même.
Je secouai la tête. J'étais encore en train d'enfreindre la troisième règle.

Je descendis, embrassai mes enfants et Laura et sortis. Je montai dans la voiture et allumai l'autoradio. Les informations concernaient encore le lycée. L'enquête n'avançait pas beaucoup mais les médias s'enflammaient en lançant chacun leurs théories. Le proviseur donnait des interviews à chacun d'eux. Je trouvais cela grotesque. Il brassait du vent. On aurait dit qu'il utilisait la triste réputation de notre lycée pour se mettre sur le devant de la scène. Il jouait le rôle du sauveur de l'établissement. De quoi nous sauvait-il ? Je n'en avais pas la moindre idée.
J'éteignis alors l'appareil. Je n'avais pas besoin que l'on me raconte une version modifiée des événements que j'avais moi-même vécu.

En arrivant au lycée, je sortis le paquet de cigarettes que je conservais dans mon sac et en allumai une. Depuis quelques jours, fumer était devenu une habitude. Laura, qui avait pourtant horreur de cela, ne disait rien. Elle devait penser que c'était ma façon à moi de faire face. Elle avait voulu que je prenne rendez-vous chez un psychologue. "Pour pouvoir parler de ce qu'il s'est passé et pouvoir mieux avancer", comme elle disait. J'avais refusé. Selon moi, les psychologues avaient un effet placébo. Si l'on pensait que cela pouvait aider, on allait mieux. Dans le cas contraire, on perdait du temps et de l'argent.

J'écrasai le mégot sur le bitume gelé du parking. Je montai dans ma salle de classe et installai mes affaires. Je n'avais cours que dans deux heures mais j'étais tout de même venu au lycée. J'appréciais d'être seul dans ma classe de temps en temps. J'aimais penser en regardant à la fenêtre. Je m'appuyai contre le rebord de celle-ci. Les premiers élèves arrivaient et traversaient la cour. Un couple s'embrassa près du CDI.
Si le policier avait dit vrai, pourquoi Cassandre n'aimait-elle pas un étudiant de son âge ? Elle avait tout pour elle. Elle aurait pu être avec n'importe qui. Mais elle avait choisi une situation sans issue. La vie était vraiment étrange.

Trois coups successifs et rapides se firent entendre. Je fis volte-face. Cassandre, le souffle court et le visage pâle se tenait devant moi. Elle avait mauvaise mine. Elle semblait si triste et fatiguée. Je ne voulais pas, mais je ne pus m'empêcher de lui sourire tristement. J'avais de la peine pour elle. Mais elle devait s'en aller. Elle ne pouvait pas rester devant moi, comme cela. Il fallait que je sois ferme. Même si je devais passer pour le méchant. Je pris une inspiration pour lui demander de partir quand elle me devança.

Overwhelmed.Where stories live. Discover now