6. Interdits

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Avant que je ne puisse prononcer le moindre mot, Cassandre s'empressa de parler :

"J'ai changé d'avis. Je voudrais vous parler de quelque chose qui me tracasse.
-Entre, bien sûr. Je t'écoute." Lui répondis-je.

Je me sentais encore fébrile à cause de Marine mais j'étais heureux que Cassandre vienne enfin me parler. Elle osait s'ouvrir à moi, elle me faisait donc confiance. Je lui souris et elle s'avança vers mon bureau. Elle marchait lentement, elle ne semblait pas sûre d'elle. On aurait dit qu'elle avait peur de quelque chose. J'aurais tant aimé savoir ce qu'elle pensait à cet instant précis. Elle se plaça bien en face de moi et avoua :

"Et bien voilà, cela fait un moment déjà que je fais des crises d'angoisse à répétition, je ne parviens pas à me calmer. J'ai parfois l'impression que je vais y rester. J'ai peur constamment, pour moi et pour les gens autour de moi...je...je me sens étouffée."

Je me reconnaissais tant en elle. J'avais réellement la sensation que nous étions pareils tous les deux. Je restai devant elle, sans dire un mot. J'observai chaque trait de son visage, ne détachant pas mon regard de ses yeux. Ils avaient vraiment une couleur splendide.
Elle avait le même problème que moi. C'était dans mon devoir de l'aider. Je pouvais lui donner ma boîte de pilules. Je pouvais m'en passer pour le reste de la journée. L'essentiel était qu'elle se sente mieux.

"Je comprends, moi aussi quand j'avais ton âge j'étais constamment stressé, toujours sous pression...je ne sais pas ce que je peux faire pour t'aider mais le fait de te voir comme ça...je peux te donner quelque chose qui t'aidera peut-être."

J'avais décidé de lui mentir. C'était inutile qu'elle connaisse les bas fonds de ma vie. Je ne voulais pas qu'elle se dise que j'étais faible. De plus, c'était elle qui avait besoin d'aide et pas l'inverse.
Je me retournai et allai chercher les médicaments dans mon sac, près de la fenêtre. Ce que je faisais était absolument interdit et je le savais. Donner des calmants à une élève sans raison apparente pouvait sembler être une aberration. Mais ça ne l'était pas pour moi. Pour une fois, je me sentais utile. Je voulais qu'elle aille mieux.

"Tu le fais aussi parce que tu veux qu'elle te soit redevable et qu'elle t'idéalise. Que tu sois en quelque sorte son Dieu vivant." Me souffla une petite voix intérieure.

Y avait-il une part de vérité là dedans ? Probablement. J'avais honte, mais je voulais qu'elle ait la meilleure image de moi. Je voulais qu'elle voit en moi quelqu'un sur qui compter. Je voulais qu'elle pense à moi le plus souvent possible. Réalisant ce que je venais de m'avouer, je me stoppai une fraction de seconde. Cela avait-il une quelconque signification ? Je ne pouvais pas avoir un réel penchant pour elle. Ce n'était pas moi. Ce genre de choses était sévèrement puni.

Un petit bruit me ramena à la réalité alors que j'avais enfin mis la main sur cette foutue boîte. Je fis volte-face et revint rapidement vers Cassandre qui sortit sa main de son sac comme si elle s'était brûlée. Son visage rougit. Elle me regarda avec de grands yeux. Pourquoi réagissait-elle comme cela ? J'espérais que je ne l'intimidais pas. Ce serait extrêmement ironique.
Je lui tendis la boîte et lui expliquai :

"Ce sont des anti-stress. J'en ai toujours sur moi, tu verras ça marche bien."

Elle me sourit. Son sourire avait quelque chose de vraiment charmant. Les fossettes qui se creusaient dans ses joues l'étaient encore plus.

"Merci, c'est très gentil..."

Sa voix était légère, claire et résonnait dans ma tête.

"Souris Cassandre, c'est comme ça que tu es la plus jolie."

Overwhelmed.Where stories live. Discover now