11. Pour quelques tours de piste...

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Gagner. Juste Gagner. Kilian avait beau être plutôt facile à vivre, il n'en restait pas moins un véritable compétiteur, ce qui lui avait souvent valu des résultats excellents dans son sport, l'escrime. Aaron, lui, ne visait pas forcément la victoire quand il se confrontait aux autres, il détestait juste perdre. Il ne pouvait pas être faible, il n'en avait pas le droit. À ses yeux, la défaite n'était jamais une issue envisageable. Et ce mardi après-midi-là, s'ils enchainaient les queues de poisson et autres manœuvres douteuses au volant de leur kart respectif, c'était uniquement pour l'honneur et pour s'impressionner l'un l'autre.

Le reste des adolescents présents, une dizaine de garçons et autant de filles, avaient bien compris qu'une fois Aaron et Kilian sur la piste, il valait mieux se mettre à l'écart et se pousser gentiment sur le bas-côté pour ne pas les gêner dans leur lutte pour la première place. Après plusieurs tours de chauffe, une compétition avait été organisée avec dix-huit volontaires, réunis en groupes de six. Les deux premiers de chaque course passaient en finale. Le blondinet et son adversaire brun avaient eu la chance de s'affronter dès le premier tour. Aaron avait pris le dessus sur son camarade dans le dernier virage, mais tous deux avaient été qualifiés pour la suite, laissant sur le carreau un Guillaume furieux qui leur promit la pire des vengeances. Un jour. Peut-être. Enfin, la tapette prendrait cher, c'était sûr et certain. Quand ? Cela restait encore à déterminer.

Dès le drapeau indiquant le départ baissé et après un démarrage des plus osés, Kilian prit la tête. Dans son sillage, Aaron tenta à plusieurs reprises de le dépasser de manière non conventionnelle, avant de réussir à prendre l'aspiration à l'intérieur d'une courbe. Mais après à peine un tour, il partit à la faute à cause de la pression de son poursuivant. Un léger tête-à-queue plus tard, il repartait en chasse et arriva sans peine à recoller au train de son adversaire. Sur le bord de la piste, bien qu'aucun compétiteur ne pût entendre les spectateurs à cause du bruit et de la pression, Arthur encourageait Kilian en admirant cette bataille à armes égales, pendant que Thomas gueulait sur Aaron pour lui mettre du baume au cœur.

Mais après plusieurs tours d'une lutte serrée, ce qui devait arriver arriva et l'accrochage des deux conducteurs dans une ligne droite les envoya immédiatement en hors-piste. Le temps qu'ils prirent à se remettre en selle permit aux autres participants de revenir à leur hauteur. La course était plus ouverte que jamais et trouva une conclusion des plus inattendues dans le dernier virage. Toujours à la lutte pour la première place, Aaron et Kilian ne virent pas un de leurs adversaires prendre l'extérieur à vitesse maximale. Le brunet avait volontairement freiné pour fermer la porte à l'intérieur et bloquer le blondinet derrière lui. Alia avait profité de ce mauvais choix stratégique pour les dépasser tous les deux et franchir en tête la ligne d'arrivée.

« Belle course les garçons, mais une fois encore, c'est une nana qui gagne ! Peut-être qu'un jour, vous admettrez que vous êtes le sexe faible ! », lâcha-t-elle, moqueuse, en direction des deux battus du jour.

Tandis qu'Aaron jetait son casque au sol et que Kilian ouvrait la bouche en mode gobage de mouche, toutes les filles se jetèrent instinctivement sur leur fière représentante pour la féliciter. Pour le pauvre adolescent, perdre contre son brun, bien qu'habituel, était déjà quelque chose de difficile à vivre. Mais se prendre en prime une branlée par une gonzesse au sourire charmeur et à l'esprit taquin, c'était une véritable gifle. Et les reproches que lui adressa le garçon aux cheveux noirs à cause de sa faute qui les avait tous les deux envoyés dans le gravier et qui avait permis à la gazelle de les doubler piqua les joues du blondin de l'intérieur. S'il avait eu une coquille d'œuf à disposition, il se la serait immédiatement mise sur le crâne en criant « c'est trop injuste ! » avant d'aller bouder. N'ayant pas de poule à disposition, il alla juste faire la tête à l'ombre du paddock, collé bien malgré lui par Julien. Le petit binoclard avait trouvé la course si impressionnante qu'il décida de considérer Kilian comme son héros, malgré la défaite. Le garçon aux yeux verts lui aurait bien fait avaler ses lunettes pour le faire taire, mais ce comportement n'était pas très gentleman. Et il y avait des dames autour de lui qui le regardaient avec insistance, ce qui l'empêchait de céder à ses pulsions.

Ce qu'il voulaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant