73. Dilemmes et jours qui passent

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Quand bien même cela ne lui prenait que quelques dizaines de minutes pour aller à l'escrime par ses propres moyens, Kilian adorait l'idée d'avoir un chauffeur pour se rendre à la salle d'armes. Cédric était tellement fier de son nouveau permis et de sa petite Twingo d'occasion financée en partie par ses économies et en partie par sa tante Suzanne qu'il se sentait obligé d'offrir ses services à tout le monde. Son blondinet de cadet avait été le premier à sauter sur l'occasion. Avec ce qu'il était censé suer lors de cet entrainement spécial en vue de la compétition de printemps qui, cette année, aurait lieu le premier samedi de la saison, être véhiculé était de la pure fainéantise. En même temps, cela lui permettait de parler avec son frère. Ces moments étaient rares, et l'année prochaine, ils seraient sans doute négligeables. C'était la vie. Maintenant que l'élève de terminale avait le droit de conduire, il n'avait plus qu'une seule chose à faire avant de pouvoir s'envoler pour l'étranger avec sa petite copine : passer ce foutu bac. Après quoi, à lui la liberté !

Pour profiter des derniers moments fraternels qui leur restaient avant cette séparation, Kilian lui raconta dans les moindres détails ces quelques jours de ski, sans doute les meilleurs de sa vie. Évoquer Aaron et leurs amusements n'était plus vraiment un problème. À la différence de ce qu'il pouvait bien ressentir pour Alia. Etonnamment, et il en était le premier surpris, le jeune adolescent n'avait que très peu évoqué la demoiselle avec son ainé, comme s'il avait peur d'être jugé en ayant un comportement dit « normal ». En fait, Cédric ignorait même qu'ils sortaient ensemble avec la bénédiction forcée d'un brun un peu jaloux. Et pourtant, à peine s'étaient-ils retrouvés en classe que les deux élèves étaient tombé dans les bras l'un de l'autre. Ces quatre premiers jours de reprise avaient été vraiment paisibles. Adan avait enfin appris à fermer sa gueule et Kilian n'avait même plus besoin de se cacher pour faire des petits bisous dans le cou de sa promise, à condition bien sûr de garder une certaine dignité dans leur relation. Mais tout cela, Cédric n'avait pas besoin de le savoir. Il aurait pu, mais cela n'avait tout simplement pas grande importance. Les questions du jeune adulte portèrent de manière naturelle sur un autre sujet.

« Et ton pote Gabriel ? Il fait pas trop la gueule que tu ailles à l'entrainement, là ? Normalement, tu passes tous tes jeudi soir chez lui, j'me demande même c'que tu peux bien y foutre. Si tu n'étais pas fou amoureux d'Aaron, je jurerais que tu y vas juste pour faire chier le pape. Faut avouer qu'il est mignon Gaby, quand même. »

Kilian baissa la tête en soupirant devant la lourdeur de son frère. Il s'était tellement fait incendier par son camarade quand il s'était excusé de devoir sauter une ou deux séances de dessin que Martin avait menacé d'appeler les pompiers si le châtain n'arrêtait pas tout de suite sa crise de nerf. En même temps, Gabriel était tout à fait excusé : un artiste se doit de savoir gérer ses muses pour que ça ne devienne pas trop rapidement le bordel dans son atelier. C'est de la conscience professionnelle un poil autoritariste, mais légitime. Mais là, le blondinet avait une bonne raison de se défaire de ses engagements : comme il venait de changer de catégorie d'âge par rapport à l'année dernière, s'il finissait premier ou deuxième, il se qualifierait non seulement pour les nationales de juillet mais aussi pour une compétition européenne en Italie qui avait lieu un an sur deux en juin. Pour se faire pardonner, il avait promis à Gabriel que, si jamais il décrochait son billet, ce dernier serait du voyage dans la voiture de son frère et qu'il aurait le droit de le dessiner sur la piste et en slip devant quelques monuments anciens. L'artiste avait râlé mais avait finalement accepté le deal.

« Gaby ? Tu m'imagines coucher avec ce putain d'hétéro ? Mais même pas en rêve ! Ou alors un tout petit peu, mais faudra pas le lui dire ! », finit par répondre Kilian en souriant.

Il trouvait vraiment amusant de brouiller les pistes. Et si le rêve éveillé qu'il avait connu une fois en octobre avait pu se reproduire, il n'aurait pas forcément dit non. Après tout, si les hétéros savaient tous s'y prendre aussi bien que le châtain, les filles avaient bien de la chance, alors.

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now