71. L'acharnement d'un petit blond

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Assis sur le trottoir, Kilian pouvait admirer à loisir ses magnifiques converses violettes. Cela lui donnait un style du tonnerre et allait à merveille avec son sweat de la même couleur. Le pantalon rouge, par contre, c'était avant tout une manière d'indiquer d'une teinte sanguine sa peine et ses blessures. Il avait une semaine devant lui, la première des vacances, pour convaincre le père d'Alia d'ouvrir les yeux. Il n'était cependant pas sûr que le dessin que Gabriel avait fait de lui le jeudi dernier – où on le voyait dans sa tenue habituelle en train de pleurer – soit du meilleur effet, mais il n'avait pas eu le courage d'indiquer sa perplexité à son camarade un peu fou.

Sa première tentative avait été un échec retentissant. Après s'être perdu dans les transports en commun, il était finalement arrivé devant l'appartement, vide, de sa camarade. Personne ne lui avait dit que le samedi était le jour des courses en famille à l'hyper du coin, ni que sa promise, pour la première fois de l'année, accompagnerait sa mère pour faire un stock de produits manufacturés. Seul dans la rue, il ne trouva rien d'autre de mieux à faire que de dialoguer avec ses godasses qui s'agitaient toutes seules devant son nez en attendant d'entendre la douce voix d'un petit brunet exilé qui mit bien du temps à décrocher son téléphone. Depuis le dernier week-end, pas un jour n'était passé sans qu'ils se parlent pendant au minimum plus d'une heure. C'était un simple retour à la normale : leurs cachoteries mutuelles leur avaient fait trop de mal. Pour la troisième fois de la semaine, Aaron raconta à quel point le blond était une couleur merveilleuse, surtout sur la tête de son chaton, et pour la cinquième, comment il avait fait craquer son ex-nouvelle prof en moins d'une demi-heure. Kilian, lui, quémanda surtout des encouragements. Il avait besoin que l'homme de sa vie le soutienne dans sa tentative de reconquête de la fille avec qui il voulait être. C'était plus commode et moralement moins compliqué comme ça. Ce paradoxe, il en était totalement conscient. Son cœur était coupé en deux. Et pourtant, les choses lui paraissaient plutôt claires. Les mots que son petit brun lui avait chuchotés à l'oreille lors de leur dernière union et qu'il lui répétait inlassablement au téléphone lui avait remis les idées en place : il ferait tout pour que son histoire avec Alia ait une belle fin en attendant que le garçon aux cheveux noirs ne reconquière son âme. Juste après avoir raccroché, Kilian sortit de sa poche la lettre froissée qu'Aaron lui avait adressée lors de son départ précipité l'année dernière. Comme à chaque fois qu'il la lisait, l'adolescent aux bouclettes dorées la mouilla d'une émotion sincère.

« Maintenant, vis ! Ne te préoccupe pas de moi, j'attendrai ce moment où nous serons de nouveau réunis et je ferai tout pour le provoquer au plus vite. Sois en certain, même si tu n'es pas libre, même si tu t'engages ailleurs, je n'hésiterai jamais à déposer un baiser sur tes lèvres chaque fois que je te verrai. Et je n'hésiterai pas à te gâter dans tous les sens du terme dès qu'on passera un petit week-end ou quelques jours de vacances ensemble. C'est aussi ça l'amour. On n'a pas besoin d'être un couple pour s'aimer. »

Comment diable ces dernières semaines avait-il pu oublier ces quelques mots? Pour le week-end et les vacances qui approchaient, Aaron avait tenu parole. Cela confirmait au blondinet sa liberté. Les nœuds au cerveau causés par ce triangle amoureux, il se les réservait pour plus tard.

Le dimanche, il passa sa journée à jouer aux jeux vidéo avec Martin. Après tout, il fallait bien qu'il s'accorde un peu de repos avant de passer aux choses sérieuses. Cela lui permit surtout de penser à un plan d'attaque pour la suite des évènements.

Le lundi, il vint frapper au milieu de l'après-midi chez sa camarade, qui lui ouvrit la porte puis la lui claqua immédiatement au visage. Le seul mot qu'il entendit fut « dégage ! », ce à quoi il obéit sans grincher. Après tout, il s'y attendait. Si pendant une semaine complète, elle l'avait fui au lycée, ce n'était certainement pas pour taper la discussion tout sourire devant un thé à la menthe. Et pourtant, les quelques dixièmes de seconde pendant lesquels le blondinet avait vu son visage lui avaient suffi pour affirmer sans crainte que sa visite surprise l'avait émue plus que choquée.

Ce qu'il voulaitWhere stories live. Discover now