44. Purification par l'eau d'un corps meurtri

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Dans le rôle de gardien de but, Gabriel assurait comme personne. Malgré la seule année de pratique du handball qu'il avait derrière lui, il ne lui avait fallu que quelques semaines pour se faire adopter par son nouveau club et pour obtenir une place de titulaire. Il n'avait pas peur de la balle, c'était la balle qui le craignait. Et avec elle, toute l'attaque adverse.

En lui permettant de faire le vide dans son esprit, la branlée que son équipe avait infligé à ses adversaires lui avait fait le plus grand bien. Pourtant, sur le chemin du retour après, il ne put s'empêcher de penser à Kilian et à la gifle qu'il lui avait mise l'avant-veille. Depuis l'incident, il n'avait pas reparlé au blondinet. Ou plutôt, ce dernier avait tout fait pour éviter que leurs regards se croisent. Sur le moment, le châtain avait fait ce qu'il croyait être dans l'intérêt de son camarade, mais après coup, il avait regretté son geste. La violence n'est jamais une solution. Il s'en voulait, mais il n'y pouvait rien. Quand, après une longue réflexion en solitaire, il arriva enfin chez lui, il aperçut un mot sur la table, signé de sa mère.

« Suis chez mon mec jusqu'à demain midi – stop – il faudrait que je te le présente un jour – stop – il y a à manger dans le frigo – stop – ne fais pas de mal au chat – stop – je t'aime – stop – Maman. »

Gabriel ricana. C'était vrai que, depuis la rentrée, il n'avait toujours pas rencontré le nouvel ami de sa daronne. Il s'en fichait. Tant qu'elle était heureuse, c'était le plus important. Et puis, les absences répétées de sa génitrice lui donnaient l'impression d'être libre, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Après une douche rapide et après s'être vêtu d'un caleçon à carreau, d'une paire de chaussettes grises et d'un t-shirt à manches longues blanc et rouge, il s'assit dans le canapé du salon, alluma machinalement la télé pour combler le vide et brancha son ordinateur dans l'hypothétique attente d'un camarade avec qui discuter, avant de se lancer dans quelques petits dessins minimalistes au crayon. En regardant la pendule, il se fit la remarque que Kilian avait dû terminer sa compétition d'escrime et que Martin devait encore trainer avec Yun-ah, vu qu'il ne s'était toujours pas connecté. Quelques dizaines de minutes plus tard, après avoir noirci plusieurs pages, il bailla. Entre le lycée et toutes ses activités extrascolaires, il n'avait aucun problème pour s'endormir le soir. Mais avant de se coucher, il devait manger. Accroupi dans la partie cuisine du duplex, le chat entre les genoux, il regarda son tupperware tourner dans le micro-onde. Même si ce que lui avait laissé sa mère n'était pas forcément appétissant, cela avait au moins le mérite d'être comestible, à la différence de ses propres préparations. Après quelques bouchées, il se sentit rassasié et laissa au félin le soin de lécher son assiette. L'animal s'en donna à cœur joie, ce qui poussa son maitre à le traiter de gros hypocrite plein de poils qui ne savait pas ce qui était bon. De retour dans le canapé, Gabriel zappa jusqu'à trouver une émission à même de le divertir avant de sombrer dans les bras de Morphée. Tout était plutôt calme, ce qui ne manqua pas de l'intriguer quelques secondes, avant qu'il ne hausse les épaules. Après tout, il était un adolescent comme un autre, sa vie n'était pas romanesque au point qu'un de ses camarades se pointe chez lui à pas d'heure à moitié à poil pour lui demander asile. En réalisant la stupidité de cette idée qui lui avait parcouru l'esprit, il sourit. Son imaginaire était quand même bien tordu. Au moins, cela confirmait toutes les raisons qu'il avait de se présenter lui-même comme un fou que l'asile avait volontairement laissé s'échapper après qu'il en ait repeint tous les murs aux couleurs de l'arc-en-ciel.

Alors qu'il était sur le point de s'assoupir, le lycéen entendit la sonnette retentir. Après avoir tourné machinalement la tête du côté de la porte, il en conclut que la fatigue lui avait joué un mauvais tour. Il n'attendait strictement personne, il avait certainement dû rêver. Pourtant, lorsque juste après, la sonnette s'activa à nouveau et tinta de manière ininterrompue pendant de longues secondes, il dut se rendre à l'évidence : il y avait bien quelqu'un qui semblait s'être endormi sur l'interphone. Sans trop réfléchir, il ouvrit. Et ce qu'il découvrit quelques instants plus tard derrière sa porte lui glaça le sang.

Ce qu'il voulaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant