Quand nous sommes allés à une soirée (1/2)

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Je levai la tête pour essayer de mesurer la hauteur du portail d'entrée de la grande maison où nous nous rendions. Il était bien trop haut pour moi, et pour le Maître aussi. Quelle frime ! pensais-je, habituée à l'appartement modeste de Meiré. Les vampires riches avaient des goûts grandioses. Leurs maisons ressemblaient à des salles d'opéra, avec des parois recouvertes de tissus rouges satinés.

Pourtant, une fois passé le portail doré, je fus surprise de découvrir un intérieur qui avait pris de l'âge, mal entretenu, sentant le vieux et la moisissure.

- C'est plus sale que chez vous, Maître, dis-je en chuchotant pour que l'hôte ne m'entende pas.

Meiré se contenta de resserrer sa poigne sur mon épaule pour me faire comprendre que mes remarques n'étaient pas les bienvenues ici.

- Bonsoir, Meiré, ça fait plaisir de te revoir après tant d'années ! confia une Maîtresse avant de poser ses lèvres sur les siennes. Tu ne répondais pas à mes messages !

- Bonsoir, Adeline, répondit Meiré d'un ton calme. C'est vrai que ça fait longtemps.

La dame aux cheveux orangés laissa place à un autre Maître, au visage plus jeune.

- Ah, Meiré, tu as finalement accepté de venir, cette fois ! fit remarquer Fred, avant de venir embrasser la joue de Meiré. Installe-toi, nous avons plein de choses à nous raconter.

Fred pointa du doigt un coin où deux grands canapés de cuir étaient installés l'un en face de l'autre. Une quatrième personne les y attendait.

- Tu peux laisser ta chienne avec les autres, dit-il naturellement, sans même me regarder.

Je serrai les dents, outrée. Personne ne m'appelait comme ça, pas même mon Maître. Pour Fred, c'était pourtant normal. Voilà pourquoi je n'aimais pas sortir voir d'autres vampires. Ils brisaient l'illusion que j'étais bien traitée et me ramenaient au pied du mur, niant mon existence même. Je n'étais rien d'autre qu'une chienne. Un animal de compagnie pour vampire. L'émotion grimpa jusqu'à mon visage et mes yeux se mirent à briller, humides.

- Tu peux l'appeler Camille, corrigea Meiré.

Je sentis sa main me caresser l'épaule comme pour me réconforter. Ma colère retomba à ses mots.

- Ah, répondit le jeune Maître, un poil surpris. Je ne savais pas, Meiré, tu sais, le mien vient des vaches et je ne lui ai même pas donné un nom !

- Toujours aussi sentimental, Meiré, fit Adeline en ricanant.

Si Meiré n'avait pas été le plus vieux et le plus respecté des trois, elle se serait accordé une petite moquerie à mon égard. Au lieu de ça, elle me prit froidement par la main et m'emmena vers les trois autres humains qui attendaient, assis sur une couverture, au sol.

- Reste ici avec eux. Ne t'avise pas d'ouvrir la bouche.

Alors que les quatre Maîtres s'installaient confortablement sur leurs canapés tout en discutant, je me posai sur la couverture froide, les genoux contre ma poitrine. J'échangeai un rapide regard avec les autres. Il y avait une fille et deux garçons, jeunes, comme moi. Ils portaient tous un collier. Le premier garçon avait des yeux très bleus et de longs cheveux bouclés. Il était un peu barbu et maigre. Ses yeux croisèrent les miens et nous nous fixâmes quelques instants. Je levai une main discrète pour le saluer, il hocha la tête en guise de réponse, sans un mot. Le second garçon, lui, était plus gros, n'avait pas un cheveux sur la tête et semblait complètement idiot. Il contemplait le plafond du manoir, tel un drogué, sans se soucier de ma présence.
Finalement, j'analysai la jeune fille. Elle ne me ressemblait pas du tout. Ses cheveux noirs étaient plus longs que les miens, elle paraissait bien plus jeune et avait la peau mate. Croisant mon regard de ses yeux bridés, elle baissa immédiatement la tête et se mit à trembler.
- Hein ? Mais pourquoi tu trembles ? m'inquiétai-je. Je lui tendis la paume de ma main pour la rassurer, doucement. À mon approche, elle poussa un cri qui me déchira le cœur.
- Mais.. ! Mais je ne te veux pas de mal, pourquoi ? lui chuchotai-je avec insistance.

Les chiens des vampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant