Quand il a fallu s'excuser (1/3)

9.9K 1K 317
                                    

Après les révélations douloureuses de Gaen, je n'avais plus souhaité discuter avec lui. Sa présence, encore agréable quelques heures plus tôt, m'oppressait à présent. Fuyant son regard en attendant que la journée arrive à son terme, je n'avais pas quitté le ciel des yeux jusqu'à ce que la dernière lueur s'en échappe.

Le soleil couché, les néons des immeubles de la ville n'avaient pas tardé à s'allumer, annonçant à l'horizon le réveil unanime des éternels.

*

Après qu'Adeline soit venue nous chercher, Gaen s'était retiré dans sa chambre sans que nous échangions le moindre au revoir. J'étais prête à partir, enveloppée dans mon manteau, assise sur un tabouret à proximité de la porte d'entrée, les chaussures aux pieds.
La journée passée à l'extérieur, à la manière d'une nuit blanche, m'avait épuisée autant physiquement que mentalement. Je baillai à plusieurs reprises, nerveuse et déprimée, attendant le retour du Maître avec impatience. J'étais pressée de quitter ce lieu où je ne me sentais plus à l'aise et de retrouver mon lit pour m'y reposer.

S'ajoutant à la fatigue, la faim commençait à me ronger l'estomac. Je me souvins de la pomme verte que Gaen avait cueillie pour moi ; elle était encore dans ma poche, entière.

Je jetais un regard rapide vers Adeline qui était occupée à mesurer des tissus sur une table adjacente au divan. Trouverait-elle impoli que je mange cette pomme, ici et maintenant ?
L'optique de me faire gronder était suffisante pour m'en dissuader. Je lâchai un long soupir qui ne manqua pas d'interpeller la créature alerte. Son regard vif croisa le mien.

— Qu'as-tu dans ta poche ? s'enquit-elle, ayant surpris ma main y entrer avidement à plusieurs reprises.

— Une pomme de votre jardin, avouai-je rapidement avant de préciser : C'est Gaen qui me l'a donnée.

— Ah, un fruit de son pommier, pensa-t-elle tout haut avant de reposer ses yeux sur son patchwork. Et tu aimes ça ?

Je n'étais pas sûre de pouvoir lui répondre, n'ayant pas goûté à une pomme depuis des années. À l'exception de quelques rares repas passés dans des restaurants d'une piètre qualité, le Maître ne me nourrissait que d'aliments déshydratés et compacts, semblables à de gros biscuits.

— Je crois que j'aimais bien, avant, murmurai-je tout bas. Ça ne peut pas être pire que les croquettes...

Les fines lèvres d'Adeline dessinèrent un sourire.

— J'ai quelque chose de meilleur pour toi, dit-t-elle d'une voix doucereuse, me faisant signe d'approcher du regard.

Je quittai mon siège d'un pas hésitant. Je m'arrêtai du coté opposé de la table, baissant les yeux pour observer la multitude de tissus colorés qui recouvraient celle-ci.

— Tu veux du chocolat ? m'interrogea-t-elle soudain.

Sa question me laissa sans voix. Percevant mon embarras, elle ajouta :

— J'en ai reçu il y a peu, c'est rare et ça vient de loin. Tu en veux ?

Bien que ses yeux soient teintés de malice, son visage dessinait un sourire sincère.

— Mais pourquoi m'en offririez-vous ? bredouillai-je maladroitement.

La femme ouvrit un tiroir et en extirpa une boite transparente qui contenait plusieurs plaques emballées dans du papier blanc. Elle m'en tendit une.

— C'est un cadeau pour avoir remis Charles à sa place, loua-t-elle. Il méritait bien plus qu'un coup de poing, tu peux me croire !

Je pris délicatement la barre de chocolat entre mes doigts comme s'il s'agissait d'un trophée, sans lâcher mon regard hébété du visage railleur d'Adeline.

Les chiens des vampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant