Chapitre 9

80.1K 6.2K 618
                                    

— Le coucher s'est bien passé ? demandai-je, en ne cessant de la fixer.

    Elle avala un dernier morceau de sa viande, puis acquiesça de la tête.

— Oui. Il n'a pas l'air très perturbé, dit-elle, en osant désormais me regarder.

— Puis-je te poser quelques questions ou cela serait déplacé de ma part ? demandai-je aussitôt, en la voyant déglutir.

— Sur quoi ? demanda-t-elle d'une petite voix, ce qui était à deux doigt de me faire perdre mon calme et de me jeter littéralement sur elle.

— Où est vraiment passé le père de Diego ? continuai-je, attendant avec impatience sa réponse.

    Sa fourchette tomba subitement dans son assiette, avant qu'elle ne passe avec nervosité une main dans ses cheveux bruns.

— Il m'a quittée...

— Dans quel pays se trouve-t-il, désormais ? questionnai-je, les muscles tendus.

— Je ne sais pas, dit-elle, en baissant les yeux sur son assiette.

— A-t-il été mis au courant pour cette grossesse ? repris-je, en devenant de plus en plus tendu et contrarié.

— Non... Enfin oui.. Enfin... murmura-t-elle, en commençant à inspirer difficilement.

    Je me levais de ma chaise, sous son regard rempli d'inquiétude et de questions, avant de venir m'assoir tout près d'elle.

— Comment s'appelait son père ? demandai-je, en posant une main possessive sur sa cuisse.

    Ma petite brebis sursauta, avant de commencer à gigoter. J'appuyais ma main contre sa peau, l'incitant bien à ne pas bouger. Camilla laissa échapper un soupir, avant de murmurer :

— Paul. Il s'appelait... Paul.

Paul.
Paul...

    Toujours cette même intonation de voix. Ces mêmes gestes...

— Je vois...

— Quel âge à Diego ? repris-je, après avoir laissé un lourd silence planer.

    Ses yeux s'illuminaient sans délai quand le prénom de son fils venait de franchir mes lèvres.

— Il aura deux ans dans trois mois.

— Déjà deux ans... répétai-je tout bas, en inspirant longuement.

    Je retirais ma main de sa cuisse, presque précipitamment, puis me levais. Camilla observa chacun de mes faits et geste, avant de se lever. Elle commença à prendre l'assiette et à débarrasser la table, mais je l'en empêchais aussitôt.

— Laisse faire, Camilla. Va te reposer un peu, tu es fatiguée.

— Je peux débarrasser un peu, dit-t-elle, tandis que ses joues devenaient roses.

    Sachant à quel point elle était têtue, je passais une main derrière ses jambes et son dos ; en un mouvement, ma brebis venait d'être emprisonnée. Camilla poussa un petit cri aigüe, avant de commencer à se balancer dans tous les sens.

— Tu essayes d'imiter Diego ? l'interrogeai-je, un sourire en coin.

— Mais non, souffla-t-elle, ses joues s'empourprant un peu plus.

    Mon cœur commençait à cogner fort dans ma cage thoracique. Jamais il n'avait repris cette allure depuis ce moment-là. Ce moment où je n'avais retrouvé qu'un lit vide, désert, les draps étant froids.

    J'empêchais mes pensées de gâcher ce moment, en commençant à me diriger hors de la pièce, toujours Camilla dans les bras.

— Lâche-moi... chuchota Camilla, en essayant de s'extirper.

    Pourtant elle arrêta de se secouer quand nous rencontrions certains gardes et domestiques dans les couloirs. Elle poussa un petit soupir, en tournant sa tête de mon côté. Contre mon torse.

— Eh bien ? Tu es intimidée ?

    Elle ne répondit pas à mon petit pic et j'en fus bien déçu. Enfin... jusqu'à que je ne sente des dents se planter dans ma main. Elle m'avait mordu.

    Un sourire se dessina sur mon visage, tandis que je franchissais la porte de sa chambre. Je me calmais dans mon allure, ne voulant pas réveiller le lionceau. Avec regret, je la fis glisser le long de mon corps, pour la déposer sur le lit.

    Elle peut se montrer calme, mignonne, remplie d'une douceur incomparable. Mais si quelqu'un la cherche un peu trop à son goût, l'adorable brebis se transforme aussitôt en un méchant loup. Je souris en repensant à des souvenirs lointains.

    Camilla avait ses bras croisés contre sa poitrine, en me fixant avec une étrange lueur dans son regard noisette. Je me penchais vers elle et je la sentis se raidir, au contact de mon souffle chaud se déposant sur son épaule.

— C'est l'heure de ta sieste, mia piccola pecora. Ma petite brebis, murmurai-je, avant de mordre délicatement son oreille.

    Elle poussa un cri, mais se ravisait en moins de deux, en repensant qu'elle partageait sa chambre avec Diego. Je la voyais serrer des poings et cela m'amusait encore plus en voyant ce petit air colérique qu'affichait son visage.

    Oui. Elle n'a pas changé. Mes sentiments n'ont pas changé.

Prince Emilio Where stories live. Discover now