Chapitre 13 - Jalousie sous l'oreiller

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On s'est retrouvé chacun dans sa chambre, enfermé. Lili avait délibérément fermée sa porte et j'en avais fait de même. J'avais besoin de me calmer. De réfléchir. J'avais besoin de trouver l'excuse qui nous ferait rester ici. La parfaite excuse, mais la vérité était que j'avais beau y réfléchir, je ne trouvais pas. Je ne savais pas comment la convaincre.

La dernière fois que Lili et moi nous nous sommes battus, c'était il y a deux ans que je suis sorti de l'hôpital et tous les jours, quand je m'habille et que je regarde la cicatrice que cet incident m'a laissé, je repense à chaque fois à ce qu'elle m'a dit ce jour-là.

« - Je me suis fait du souci pour toi. Est-ce que tu le sais c'est ça ? Est-ce que tu imagines la peur que j'ai ressenti quand on m'a dit que tu t'étais fait tirer dessus ?»

Et j'eus pour seule réponse à ça de lui rire au nez en lui disant « C'était une balle perdue, elle ne m'était même pas destinée ». En gros, à ce moment-là, je l'ai écarté de cette affaire, mais la vérité est que j'ai vraiment, vraiment eu peur. Je veux dire, ce n'était pas anodin comme fait et je crois que ça m'a définitivement fait passer l'envie de jouer au héros.

Je n'avais pas envie de réitérer l'expérience. Non merci.

Peut-être que cette fois, c'était la même chose. Je m'inquiétais pour elle. Je m'inquiétais pour ces yeux rouges que j'ai vus me regardant avec tellement de désolation. Je me suis inquiété pour ce visage bouffi pleurnichant dans son coin. Sur le moment, j'aurais aimé pouvoir la consoler et la faire sourire. Parce que je ne l'aimais pas quand elle faisait cette tête-là.

Alors, je ferme mon sac, m'habille avec ce que j'avais posé là, sur un coin du lit et au moment où j'ouvre ma porte, Lili sors aussi.

On se regarde un long moment avant de détourner le regard, se bousculant dans le couloir jusqu'à ne plus pouvoir en sortir côte à côte. Ce n'était définitivement pas fait pour supporter deux personnes en largueur.

« - Pousse-toi. »

Je la regarde, choqué avant de lui tirer la langue.

« - Toi, pousse-toi.

- Et la galanterie, tu ne connais pas ? Les femmes d'abord.

- Ça compterait si t'étais une femme, mais ce n'est même pas le cas.

- Ah ouais ? Tu veux vraiment la jouer "gamin de cour de récré" ? Pas de soucis. »

Elle me donne un coup d'épaule le tout accompagné d'un sourire légèrement hautain et fier.

« - C'est petit comme attitude ce que tu fais là.

- Que veux-tu ? C'est comme ça. Aller, pousse maintenant ou on va rater le bus. »

Dans ce cas, ratons-le.

Je la pousse et au même moment, elle s'accroche au col de ma chemise, basculant en arrière et m'entraînant dans sa chute. Par réflexe ou par automatisme, mais principalement par miracle, j'ai réussi à atterrir le premier par terre, sur le dos, Lili et son sac vautrés sur moi.

« - Aïe...Petite, mais pas légère hein... »

Elle se redresse légèrement pour me fusiller du regard avant de me mettre une pichenette sur le front.

« - Tu n'es qu'un imbécile quand tu t'y mets Tristan.

- Je sais. »

On est restés là. Par terre, à se dévisager mutuellement.

« - Je suis désolé. »

Ces quelques mots, sortis dans une synchronisation ridiculement parfaite, nous firent alors éclatés de rire tous les deux.

« - Vraiment...Il faut qu'on arrête ça Tristan. Je n'aime pas quand on se bat.

- Moi non plus. Je m'excuse pour tout à l'heure.

- Non, non, tu as raison...C'est à moi de m'excuser.

- Mais je présume que tu ne vas toujours pas me dire ce qu'il y a ?

- Non...Je ne peux pas. J'aimerais que tu comprennes.

- Oh, mais je comprends et je le respecte. Après tout, je ne peux pas être le centre de ta vie. »

Et au fond, bien malgré moi, ces mots énoncés tout haut me firent réaliser à quel point j'étais devenu dépendant et pathétique vis-à-vis d'elle.

« - Bon...On se le fait ce petit-déj ? »

Elle se relève avec le sourire et le nuage gris planant au-dessus de mon cœur s'efface soudainement.

« - Aide-moi à me relever avant. Je viens de me faire plaquer par un sumo, j'ai mal partout.

- Hé !

- Ahahaha ! »

Elle me tend la main et me tire vers le haut, laissant nos deux sacs l'un à côté de l'autre.

Peut-être que je devrais laisser tomber. Peut-être que je ne devrais même pas m'en mêler.

On s'est remis naturellement à rire. À parler. Ce qu'il s'était passé précédemment n'était plus qu'un lointain souvenir.

Non pas que ça ne comptait pas, mais il valait mieux que ça en reste ainsi. C'est ce que l'on faisait depuis que nous étions tous petits : les disputes on ne les gardait pas en mémoire. À quoi ça servait ? Garder de la rancœur envers l'autre pourquoi ? Ça ne nous fait pas avancer et généralement ça nous bouffe littéralement.

« - Au fait !

- Hmmm ?

- Tout à l'heure, tu m'as parlé d'Oliver. Tu fais une fixette sur lui ?

- Hein ? Non, non, pas du tout.

- T'es sûr ? Ce n'est pas la première fois que tu m'en parles pourtant. Avant que l'on parte aussi t'étais pareil. Je te trouve bizarre en ce moment...

- Si tu le dis... »

Et parfois je remercie le seigneur, tous les jours, que Lili soit naïve.

Ainsi, elle ne saura ou ne se doutera jamais de ce que j'éprouve.

C'est pour le mieux, j'en ai l'intime conviction...Il ne faut pas qu'elle sache. Jamais.

Sinon, qu'adviendra-t-il de ce qu'elle piétine allègrement depuis quelques temps déjà ?

Oui, oui, je parle bien de mes sentiments.

3173  : Attrape-moi si tu peuxWhere stories live. Discover now