Chapitre 24 - ELIE

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Je n'aimais pas cette journée. Je n'aimais vraiment pas cette journée. J'étais assis, seul, contre la fenêtre sur mon minuscule bureau donnant sur la cour de récré. Ma seule consolation fut d'avoir une vue imprenable sur la cour de récré.

« - Tristan ? »

Je ne répondrais pas à la maîtresse. Je n'en ai pas envie.

« - Tristan...Peux-tu répondre à la question ? »

Non.

« - Tristan, s'il te plaît. Prête attention à la classe. »

Pourquoi faire ?

Lili n'est pas là.

Quand Lili n'est pas là, tout est dénué de sens pour moi. Je le sais bien. Quand elle est là, je la regarde elle. Je l'écoute quand elle donne une réponse, même erronée. Je ris de ses erreurs et je la corrige en silence, dans ma tête. Elle n'a jamais été très maline Lili. Elle était maladroite. Elle se précipitait parce qu'elle voulait être la première à répondre.

Elle voulait toujours être la première. Je ne sais pas pourquoi.

Mais quand Lili n'est pas là, je m'ennuie. Je m'ennuie même terriblement. Quand Lili n'est pas là, j'ai l'impression que rien ne m'intéresse. Pas même un cours élémentaire. Rien.

« - Tristan... »

Je ne répondrais pas.

******************

« - Tristan !!! »

Un sursaut me ramène à la réalité quand je vis le visage de Leila au-dessus du mien.

Où est-ce que l'on est ? Chez moi ?

Mon dieu, j'ai l'impression d'avoir une horrible gueule de bois, comme si j'avais toute une fanfare dans la tête.

« - Dieu merci... »

Elle s'assoit par terre, apparemment soulagée et je ne comprends toujours pas ce que Leila fait ici, chez moi. Comment était-elle entrée d'ailleurs ?

« - Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je ne t'ai pas vu de la journée...Je pensais qu'il t'était arrivé quelque chose...Et voilà que je te retrouve par terre, dans ton salon. »

De la journée ? Hein ? Mais non, c'est ...

« - Lili !! »

Mon premier réflex malgré l'immense douleur qui me fracassait le crane à chaque son que je pouvais entendre, fut de me précipiter dans ma chambre et je ne fus même pas étonné de voir que le classeur que Leila m'avait confié avait disparu.

« - Ce n'est pas vrai ! »

Je m'effondre sur mon lit, les mains sur le visage, pris d'un élan d'incompréhension avec une pincée de désespoir puis Leila finie par me rejoindre, s'adossant à hauteur de ma porte, les bras croisés contre sa poitrine.

« - Elle l'a pris hein ? Plutôt maline la petite. »

J'ai vraiment été trop con.

Dans tous les sens du terme.

« - Tu le savais ?

- Qu'est-ce que je savais ?

- Tu le savais, n'est-ce pas ?!

- De quoi ?

- Que Lili était liée à tout ça... »

Comment n'avais-je pas pu deviner ? Comment n'avais-je pas pu voir ce qu'il y avait sous mon nez depuis si longtemps ? Comment...Ma propre meilleure amie... ?

« - Pourquoi tu ne m'as rien dit ? »

Je pensais avoir mis toute ma haine et ma colère de côté. Je pensais que j'arriverais à mettre mes sentiments de côté. Je pensais vraiment...Et pourtant, pris d'un élan de colère, je me lève précipitamment de mon lit tendant les bras vers Leila comme si j'allais la saisir au cou et avant même que je ne l'approche d'assez près, d'une prise simple, elle me plaqua ventre contre terre, me retournant un bras dans le dos.

Depuis quand Leila maitrise-t-elle un art martial ?

« - Calme-toi Tristan.

- Comment veux-tu que je me calme ?! TU LE SAVAIS BON SANG !

- Et alors ? Qu'aurais-tu fait de plus ?

- Pourquoi ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Ça te plaisait de me voir galérer c'est ça ? Tu prenais ton pied à te foutre de ma gueule ?

- Tu n'y es pas...Tu es à côté de la plaque, comme toujours.

- ALORS EXPLIQUE-MOI BORDEL !!! »

J'ai cette impression terrible que le monde est en train de s'ouvrir en deux sous mon corps. J'ai l'impression qu'il va m'avaler tout entier. J'ai l'impression que je vais me noyer dans cette masse noire. Que je vais me faire engloutir et ne jamais en ressortir.

« - Je t'expliquerais quand tu te seras calmé...Je ne discute pas avec les énervés du ciboulot !

- Ça va...Je suis calme.

- Non, tu ne l'es pas. »

Elle n'a pas tort. Je ne le suis pas. Je suis un volcan à deux doigts de l'explosion. Je veux exploser.

Je m'en veux. Ô comme je m'en veux. De n'avoir rien vu. De n'avoir rien compris.

Alors tandis que sous l'emprise des nerfs, les larmes me viennent, Leila attrape mon bloc note et un feutre, se met en face de moi et commence à griffonner des caractères.

« - Tu as toujours eu la réponse sous le nez, abruti. »

Lili n'a jamais été Lili.

Lili n'était que l'abréviation de son véritable prénom : ELIE

ELIE qui écrit à l'envers donne...

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3173  : Attrape-moi si tu peuxOnde histórias criam vida. Descubra agora