Chapitre 16 - Partenaires en affaires

495 92 9
                                    

Comme convenu avec Leila, après les cours, je partis la récupérer en salle B25 pour une glace. Sur le moment, elle ne m'a pas remarqué. Elle avait le nez plongé dans ses bouquins avec ses petites lunettes rondes.

Je reste un moment, appuyé à la porte, à la regarder. Je me dis que les choses auraient pu être différentes entre nous. Je me dis que si j'étais moins borné et que si ce n'était pas une peste, on pourrait presque s'entendre. Je souligne le « presque ».

« - Leila ! Y'a quelqu'un pour toi ! »

Je me fais repérer par une autre fille d'un petit groupe voisin et soudain, elle lève le nez et souris instantanément dès qu'elle me voit. Son humeur massacrante semble s'être évanouie. Tant mieux.

« - Donne-moi cinq minutes, j'arrive. »

Elle range ses affaires, classe ses livres par ordre de taille, dépose ses lunettes dans son étui et défait l'élastique retenant ses cheveux en un chignon sauvage. Elle finit par attraper la lanière de son sac puis se précipite vers moi.

« - Tu crois qu'ils sont ensemble ?

- Sûrement...Il est venu la récupérer. »

Je vous arrête là de suite les commères, c'est une glace pour négociation. Cela n'a rien à voir avec un rendez-vous galant.

Je ne sortirais jamais avec Leila en rendez-vous galant d'ailleurs. Je préférerais me casser une jambe.

« - Donc ? Où est-ce que tu veux aller pour prendre ta glace ?

- J'ai entendu dire qu'il y avait un tout nouveau glacier pas loin de la fac. On pourrait essayer non ?

- Si tu veux... »

J'en avais entendu parler. Il a ouvert peu de temps avant les vacances, mais je n'ai pas eu l'occasion d'aller déguster là-bas. À vrai dire, j'attendais l'occasion. L'occasion parfaite...Avec Lili. Mais il faut croire que je suis condamné à me traîner Leila comme un boulet jusqu'au glacier.

Il n'y avait pas grand monde à mon grand étonnement et tandis que j'étais occupé à admirer la décoration assez rétro, Leila se précipita vers la carte et les divers parfums qui étaient alors proposés.

« - Ça a l'air bon ! Ça aussi ! Oh et puis ça !! Mais il y a ça et...

- Hé ! Je ne suis pas riche non plus alors n'abuse pas.

- Radin.

- Non, économe, je préfère ce terme. »

Quoiqu'elle n'avait pas tort. J'étais radin. Je n'aimais pas dépenser inutilement.

On finit par choisir et on nous encaisse directement. S'installant sur une petite table nous permettant de nous mettre face à face, Leila savoura sa glace tout en me dévisageant.

« - Je suis tout de même étonnée que tu ais accepté de m'emmener ici. Aurais-tu eu une prise de conscience durant les vacances Tristan ?

- Comme je te l'ai dit, je regrette mon comportement donc si une glace suffit à me faire pardonner...Moi ça me va.

- Hop là ! Je n'ai jamais dit que je te pardonnais ton comportement. À vrai dire, j'ai même une condition. »

Je suppose que j'aurais dû m'y attendre. Jusqu'à présent, tout se déroulait trop bien.

« - Tu as une condition ?

- Oui. »

Et soudain, je remarque cette intensité dans son regard et ce léger sourire commençant à se dessiner sur son visage. Je n'aime pas ça. Je n'aime pas quand elle a ce regard-là. Cela n'annonce rien de bon et je n'en ai pas besoin en ce moment. J'ai tellement de choses à régler.

« - Je t'écoute. Que veux-tu de moi Leila ? »

Elle lèche sa cuillère et finit par s'adosser au fond de son siège, croisant ses bras et poussant un grand soupir.

« - Je veux que l'on fasse équipe toi et moi. Je veux que l'on attrape 3173, ensemble. Et je le veux encore plus depuis qu'elle a tiré sur un ami.

- Attends, attends...Tu connaissais le policier ?

- Oui. C'est pour cela. Je veux ton aide. Je n'ai pas tes capacités, mais je ne suis pas stupide non plus. Et tu sais très bien que tu n'y arriveras pas seul. Alors, je te propose un partenariat longue durée. Le temps que l'on mette fin à tout ceci. »

Et c'est là que je suis supposé lui dire que je refuse. Lui dire « non ». Je suis supposé me retirer du marché à cet instant précis.

Mais je ne bouge pas. Bien au contraire, une partie de moi devient intéressée par cette proposition indécente. Pourquoi ? Jusqu'à présent, je m'étais toujours refusé de travailler avec Leila. Parce qu'elle était dangereuse. Elle n'écoutait pas. Elle n'en faisait qu'à sa tête.

Alors pourquoi cela changerait-il maintenant ?

« - Ok. Supposons que j'accepte. Tu devras m'écouter, et ce, à la lettre. T'en sens-tu capable ?

- Je tâcherais de faire un effort si tu en fais un de ton côté. Ça marche comme ça non ?

- Alors, c'est marché conclu ?

- Partenaires en affaire ?

- Partenaires ! »

Je saisis sa main tendue à mon égard sans l'ombre d'un doute tandis que mon for intérieur hurle à la folie. Je ne sais pas pourquoi soudainement, je me suis intéressé à l'offre insensée de Leila. Je la connaissais. Depuis quelques années maintenant, je sais quelle catastrophe elle est et pourtant, je suis là, à croire subitement qu'elle a changée ? Je suis là, à croire qu'elle m'écoutera ?

Lili avait raison et je le savais, je devais lui donner sa chance. Je devais faire un effort et prendre sur moi. Leila n'est pas stupide et c'est une fille vive d'esprit et assez douée en général...C'est juste qu'elle ne fait que foncer dans le tas et ce n'est pas comme ça que ça marchera.

Je ne veux pas que Leila risque sa vie bêtement, surtout que depuis peu, notre adversaire commun a changé les règles du jeu.

Peut-être n'avait-elle pas tort ? Peut-être qu'à deux, pour une fois, nous serons capables d'inverser les choses ? Peut-être qu'à nous deux, nous pourrons enfin faire quelque chose contre elle ?

Que valaient deux étudiants tout juste compétents contre une voleuse armée jusqu'aux dents ?

Nous allons très vite le savoir de toute façon.

3173  : Attrape-moi si tu peuxWhere stories live. Discover now