Chapitre 20 - Amitié désorganisée

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Je me suis mis à errer dans la rue. Ici et là. Tournant parfois à droite et parfois à gauche. J'avais besoin de marcher. De prendre l'air. J'avais besoin de me rendre compte de ce qui s'était passé à l'instant. Avais-je rêvé ? Avais-je pris l'un de mes désirs les plus interdits pour une réalité ?

Mes lèvres s'en souviennent encore. On venait de me voler mon premier baiser. Lili...Me l'avait volé. Une Lili furieuse, rebelle, imprudente. Une Lili que je ne connaissais pas. Que je n'avais même jamais vu. J'ai encore comme gravée en moi, cette image de petite fille. Je revois cette Lili assise là, toute seule, pleurnichant sur son triste sort et celui de sa chaussure perdue.

Et avant même que je m'en rende compte, Lili était devenue une jeune femme capable de ce genre de chose. Pourquoi suis-je surpris ? Pourquoi est-ce que ça me choque ? Je devrais la connaître mieux que quiconque, je devrais savoir qu'elle est parfaitement capable de ce genre de chose et pourtant...Je ne m'en remets pas.

« - Tristan... »

Une voix m'interpelle. En levant les yeux, j'aperçois Leila, juste devant moi.

« - Qu'est-ce que tu fais là ? »

Ça me surprend ça aussi. Retrouver Leila ici, à quelques rues de chez moi en pleine nuit.

« - Je prenais l'air...J'habite non loin d'ici. »

Et je n'y ai jamais prêté attention. Il fallait dire que Leila, outre ses frasques et ses bêtises, n'a jamais su retenir mon attention. Jamais. Sauf depuis quelques jours où j'apprends et où je prends plaisir à la connaître.

« - Tu ne devrais pas traîner seule dehors en pleine nuit Leila. Ça peut être dangereux, tu sais ?

- Toujours aussi chevaleresque hein ? Te ferais-tu du souci pour moi ?

- Pas du tout, c'est un conseil d'ami...Prends-le comme tu veux.

- Parce que nous sommes amis ? »

La question qui pique. Nous n'avons jamais su définir notre relation elle et moi. Étions-nous amis ? Non. Ennemis ? Non plus. Disons que nous étions de ceux partageant quelque chose, quelques points communs et s'étant réunis grâce à cela, mais c'est tout. Ça s'arrête là.

« - C'est vrai...Nous sommes partenaires en affaire. Néanmoins, je n'aimerais pas savoir qu'il t'est arrivé quelque chose à quelques mètres de chez moi. Laisse-moi te raccompagner.

- Parce que tu habites dans le coin toi aussi ?

- Oui...À quelques rues d'ici tout juste.

- Bon...Eh bien...Je ne peux refuser une telle demande. Tu auras fait ta bonne action de la journée comme ça. Monsieur le preux chevalier. »

La vérité était que Leila me servait seulement d'excuse. D'excuse à oublier cette soirée. En discutant avec elle, j'oubliais Lili et son sulfureux, mais néanmoins scandaleux baiser. Je me sentais coupable d'aborder une telle attitude avec Leila, mais je n'arrivais pas à faire autrement.

« - Il faut croire que l'on en apprends un peu plus chaque jour sur l'autre hein ? »

Encore une fois, malgré le silence s'imposant entre nous, Leila met fin à mes rêveries en m'adressant la parole.

« - Qui aurait cru qu'un jour tu te montrerais aussi gentil avec moi ?

- Je ne sais pas si l'on peut appeler ça de la gentillesse...Et puis, je peux te retourner la question. Qui aurait cru qu'un jour tu cesses de me prendre la tête toutes les deux minutes ?

- Ahahaha ! Venant de toi, je pourrais presque croire qu'à cet instant nous sommes plus ou moins en bon terme.

- Plus ou moins...oui... »

J'avais juste envie, pour une fois, de faire des efforts. Non pas qu'elle les méritait, mais j'étais venu à penser qu'elle n'était peut-être pas l'horrible monstre auquel je pensais.

« - Bon bah...Nous y voilà. »

Je me retourne pour apercevoir un imposant portail gris métallique dissimulant une importante propriété au bout de laquelle trône un véritable manoir.

À cet instant, un léger sourire m'échappe.

« - J'aurais dû deviner que t'étais une fille de la haute société !

- Tu viendras ? Demain ?

- Je n'en sais rien...Oui, je suppose. Je me suis engagé.

- Rien ne t'oblige. Tu sais Tristan, on a passé tellement de temps à se détester que ces derniers jours, j'ai pris le temps de réellement t'apprécier. T'as un sale caractère, mais t'es un chouette type.

- Maintenant c'est toi qui me fais un compliment ?

- Je n'en sais trop rien...J'essaye de te dire les choses simplement. En dehors du campus et en dehors de cette affaire qui nous concerne...Je t'apprécie réellement.

- Je crois que c'est réciproque. »

Les mots m'ont échappé. Ou non. J'avais réellement envie, depuis peu, d'étendre mon monde que j'avais restreint autour de Lili. Mais je n'étais pas pour Lili ce qu'elle était pour moi. Je le savais. Je le sentais. Au fond, à cause de cette scène, j'en reviens à me demander comment Lili me voit ? Étais-je un ami d'enfance ? Un confident ? Cet éternel grand frère veillant sur elle ? Que pensait-elle de moi ? Que ressentait-elle pour moi ?

« - Bon...À demain alors. »

Au dernier moment, avant que Leila ne franchisse cette barrière nous séparant prochainement, ma main s'agrippe soudainement à son poignet, la retenant vers moi.

« - Attends ! »

Pourquoi ? Pourquoi n'arrivais-je pas à la lâcher ?

« - Qu'est-ce qu'il y a ?

- Hmm...Attends hein... »

J'attrape un stylo dans la poche de ma veste et griffonne mon numéro de téléphone dans sa paume. Comprenant certainement ce que c'était, elle me regarde complètement choquée.

« - Comme ça si un jour je dois rejouer le chevalier, tu n'auras qu'à m'appeler ! »

Je lui ai souri. Volontairement. Spontanément. Je lui ai souri.

Outre « 3173 » Leila était mon ennemie mortelle et pourtant, petit à petit, au fil des mots échangés, des disputes essuyées, des rendez-vous organisés, j'en viens à l'apprécier.

Au fond, c'est une chouette fille.

3173  : Attrape-moi si tu peuxWhere stories live. Discover now