Chapitre 15 - Mis à l'écart

476 91 9
                                    

À l'instant où nous sommes rentrés de vacances, nous savions l'un comme l'autre que la vie reprendrait son cours. Nous savions que le monde où nous étions que tous les deux, était dorénavant très loin. Mais je n'oublierai pas. Je n'oublierai pas tout ce que l'on s'est dit là-bas. Je n'oublierai pas tout ce qu'il s'est passé là-bas. Je ne peux pas oublier.

Tandis que Lili dormait dans le bus, sa tête contre mon épaule et la bouche grande ouverte, j'ai essayé de réfléchir, d'y repenser, ça m'a tourmenté pendant un long, très long moment et je ne peux pas abandonner maintenant. Je veux savoir pourquoi Lili pleurait.

À mon retour, ni ma mère, ni mon père n'étaient là. Personne pour me dire « Bon retour à la maison ! » ou pour me dire « Alors ? Tu as passé de bonnes vacances ? ». Il n'y avait que moi et le silence régnant en maître. Il n'y avait que moi et un éternel mot sur le frigo. Je sais déjà ce qu'il dit. Je sais déjà ce que je dois faire.

Alors, je monte à l'étage, je vide mon sac, je range mes affaires et je regarde toutes les photos que l'on a prises là-bas. Il y a plus de photos de Lili et moi que de paysages au soleil couchant, mais je ne vais pas m'en plaindre. Peut-être devrais-je le lui envoyer d'ailleurs ?

Je m'installe à mon bureau, allume mon ordinateur et tente de rattraper les quelques jours de retards que j'ai sur l'actualité. Il ne s'est sans doute rien passé, mais comme ça, ça me permettra de me mettre à jour.

Je clic machinalement en continuant mon rangement quand la page des gros titres apparaît enfin : « 3173 UNE MEURTRIÈRE ! »

Et là, je bascule. Je bascule de ma chaise, tombant les fesses par terre.

« - C'est quoi ce délire ? »

Je fais défiler la souris, lis en diagonale et j'apprends que selon les informations, elle aurait fait usage d'une arme à feu sur un policier lors de l'un de ces vols ? C'est une plaisanterie ?

Ils ne donnent pas de nom. Pas d'informations supplémentaires. Rien.

Ils ne donnent rien !

Soudain je réalise. Je réalise que je n'ai pas lu le mot sur le frigo. Je réalise que je n'ai pas allumé mon téléphone des vacances. Et si ?

Si...

Non, non, non. Ne panique pas Tristan. Calme-toi.

Je descends en toute hâte dans la cuisine et j'arrache le bout de papier faisant tomber par la même occasion l'aimant collé là. L'écriture est de ma mère :

« Tristan mon chéri,

J'ai essayé de te joindre plusieurs fois pendant les vacances, mais en vain, j'espère que tu vas bien. Je pars pour plusieurs jours, ton père est quant à lui à un séminaire à l'étranger également. Nous ne serons pas là pendant quelque temps. Prends soins de toi ! »

Mes jambes me lâchent et je m'affale contre le frigo, soulagé. Sur l'instant, j'y ai cru. J'y ai vraiment cru. Mais tout va bien.

Mon Dieu, quelques jours de vacances et me voilà hors de moi. Il faut que je me calme. J'ai l'impression que mon cœur va sortir de ma poitrine à tout moment.

Calme-toi imbécile.

Quand je remonte dans ma chambre, j'essaye de joindre Lili, voir si tout va bien pour elle, mais elle ne répond pas. Sans doute déjà assoupie ou trop occupée à ranger le bordel qu'était son sac. Cette fille n'a aucun sens de l'organisation, c'est monstrueux.

Je pense que je la retrouverais à l'université dans deux jours. D'ailleurs...ça me fait penser. Il faut que je m'excuse auprès de Leila. Ces quelques jours de vacances loin du monde m'ont permis de faire le point et j'ai vraiment été un abruti avec elle. Elle ne le méritait pas.

Mais pour l'instant, je crois que j'ai plus besoin de sommeil. Cinq heures de bus et tout ce stress, c'est mauvais pour mon cœur. Je ne vivrais pas vieux si ça continue comme ça. Des fois, je me demande pourquoi je ne suis pas un adolescent normal avec une vie banale. Le genre de vie qui vous fait dire « Bouge-toi ! Fais quelque chose ! ». Non, j'ai une vie trop mouvementée, prise tel un sandwich entre mes études désastreuses pour le moment, ma vie sentimentale ressemblait à un champ de mines et...Cette criminelle de bas étage qui commence sérieusement à me taper sur les nerfs. Jusqu'à présent, c'était sympa ce petit jeu entre elle et moi, mais là, apparemment, elle a décidé de changer les règles et je n'apprécie pas qu'elle décide ainsi sans moi.

Apparemment, une petite conversation s'impose entre elle et moi.

« - Hé salut Leila ! »

Je la regarde me passer devant comme si je venais de m'adresser à un mur. En langage courant, cela s'appelle : se prendre un vent.

« - Attends ! Je veux juste discuter avec toi ! »

Je la retiens par le poignet tandis qu'elle se retourne violemment pour me fusiller du regard. Je l'ai mérité. Je ne peux lui en vouloir de me regarder ainsi.

« - Qu'est-ce que tu veux, Monsieur Parfait ?

- Écoute...À propos de la dernière fois...Je voudrais m'excuser. Vraiment.

- Ah parce que tu t'excuses toi maintenant ? Ou alors tu me fais l'honneur de t'excuser étant donné que « tu ne me considères même pas » ? Parfois, je ne sais pas quel est ton plus gros problème, mais je pencherais pour ton égo. Maintenant lâche-moi, je vais arriver en retard en cours.

- Attends ! Je suis vraiment désolé ! »

Elle s'arrache de ma poigne sans aucune difficulté puis s'arrête au bout d'un moment, me tournant alors complètement le dos.

« - Je ne te pardonnerais que si tu me payes une glace. »

Sérieusement ?

« - Si tu veux. Après les cours ?

- Viens me chercher en salle B25. Je t'attendrais là-bas. »

Un pardon contre une glace ? Ce n'est pas cher payé mais venant d'elle, cela ne m'étonne même pas.

En repartant vers la bibliothèque, j'aperçois Lili en contre bas. Elle est avec Oliver. Pour changer. Soudain, elle me remarque et agite la main en l'air en criant mon nom, ce qui me vaut les salutations de son accompagnateur. Génial, me voilà obligé de sourire.

Mais cela n'enlève pas au fait que je ne sais toujours pas pourquoi Lili pleurait ce matin-là, ni pourquoi 3173 fait à présent usage d'une arme à feu. Elle n'a jamais été « violente » dans le sens propre du terme. Oui, elle assommait deux ou trois gardiens de musée. Elle droguait les collectionneurs privés, mais cela n'a jamais été aussi « fort ».

Je ne comprends plus rien. J'ai l'impression que le monde m'échappe depuis que je suis revenu de vacances et je déteste ça.

Je déteste me sentir comme ça, à l'écart.

3173  : Attrape-moi si tu peuxWhere stories live. Discover now