Chapitre 22 - Attention...

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Je l'ai suivie, tout bêtement, promenant mon regard à droite et à gauche. Je l'ai suivie, sans trop me poser de questions. C'était la première fois. Ma première fois. Notre première fois. Depuis quelque temps, j'apprenais à connaître la Leila d'en dehors du campus et petit à petit, je m'étais aperçu que malgré moi, je l'appréciais. Petit à petit, tout naturellement, elle s'était fait une petite place dans mon petit monde, moi qui ai passé tant de temps, non pas à la détester, mais presque.

Mais là, c'était différent. Depuis que nous avions décidé de mettre nos différends de côté, j'avais l'impression de fréquenter une nouvelle personne. Une personne plus calme. Plus posée. Plus réfléchie.

Une Leila différente. Une Leila que je ne connaissais pas.

Actuellement, mon monde, mes préjugés, mes appréhensions, tout s'effondrait. Absolument tout.

Lili. Leila. Tout ce que j'en pensais venait de s'effriter. Je ne savais pas comment remédier à cela. Je me sentais dépassé, débordé, submergé. C'était comme se prendre une grosse vague d'un coup alors qu'on ne l'a pas vu venir. C'était se faire entraîner dans un flot incroyablement puissant. Trop pour pouvoir en ressortir la tête.

« - Et puis...Je crois que l'on a fait le tour, voilà. »

Déjà ? Je ne pensais pas que ça serait aussi rapide. Ai-je raté quelque chose ?

« - Tu veux boire quelque chose ? Je peux demander à Claude de nous monter quelque chose.

- Monter ?

- Bah oui, on va aller dans ma chambre. »

Je crois que c'est à cet instant que j'ai arrêté de réfléchir. Je veux dire...Aller dans la chambre d'une fille. De Leila en particulier. J'imagine une chambre rose Barbie avec des peluches licornes de partout et des figurines de petites fées. Au fond, cela ne m'étonnerait même pas.

La suivant dans les escaliers, elle ouvre la porte tandis que mon corps se refuse de faire un pas en avant. Je reste tout bêtement planté là, sur le seuil de sa chambre.

« - Tu es certaine que... ? Enfin...Je veux dire...Ce n'est pas un peu trop...Brusque ? »

Elle me dévisage comme perdue puis finit par éclater de rire.

« - Ahahaha ! Détends toi Tristan, je ne compte pas te séquestrer et te violer non plus. Tu n'es même pas mon genre de toute façon. C'est juste qu'ici, nous pouvons être tranquilles. »

C'est presque vexant. C'est vrai que je ne suis pas un chanteur de Boys Band ou la dernière star du cinéma, mais je ne crois pas que je sois vilain pour autant. Bon ok, mes cheveux sont carrément en pétard et ma chemise est mal boutonnée, mais ça ne se voit presque pas.

« - Aller, entre. Je te promets que tu ne risques rien. »

Je m'exécute presque à contrecœur comme si je redoutais quelque chose. Je ne saurais dire quoi, mais cela ne me m'étais pas spécialement à l'aise que d'être seul avec Leila. Surtout dans sa chambre. Jusqu'à présent, malgré tous les efforts que nous faisons, elle reste pour moi la fille pour qui « la fin justifie les moyens ». Leila est prête à tout. Absolument tout. Je l'ai déjà vu. Je la connais. C'est certainement parce que cette image est profondément ancrée en moi comme marquée au fer rouge que j'ai du mal encore avec cette nouvelle « elle ». C'était comme être avec une nouvelle personne.

Une personne différente.

Alors quand je suis entré dans sa chambre, toutes mes idées reçues se sont envolées. Je pensais réellement au rose et aux licornes, mais au lieu de ça, les murs étaient d'un bleu azur rappelant la couleur du ciel et la décoration pourrait presque faire croire à la plage.

« - Sympa la déco... »

Des petites bouées affichées au mur, une lumière d'appoint en forme de coquillage, le bruit des vagues en fond...C'était relaxant.

« - Ah...Oui. Merci. »

Elle referme la porte derrière elle et sort alors un gros classeur de son armoire avant de me le tendre.

« - Tiens. Cadeau.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Je viens de le dire...Un cadeau. Pour toi. »

Sceptique, je le prends et commence à feuilleter le contenu.

Il ne fallut que quelques secondes pour que mes yeux se relèvent en sa direction tandis qu'elle affichait un sourire fier.

« - Où est-ce que tu as eu tout ça ?

- Oh...ici et là. Tu crois quoi ? Qu'il n'y a que toi qui travailles en ce bas monde. Certes, je n'ai pas ton talent, je veux bien l'admettre, mais je ne suis pas idiote non plus.

- Je n'ai jamais dit que...Enfin bref, passons. »

Ce classeur était une mine d'or. Une merveille. Un trésor.

Ce classeur réunissait toutes les informations connues ou presque qui pouvaient concerner de près ou de loin notre chère « 3173 ».

« - Mais à ta place, je ne le lirais pas de suite.

- Pourtant, tu viens de me le donner non ?

- C'est vrai, mais je préfère te prévenir. Si tu le lis d'un coup, ta vision changera quant à certaines choses. Tu te mettras à douter de tout et de tout le monde.

- Pourquoi tu me dis ça ?

- Parce que je tiens à le faire, c'est tout. Après comme je l'ai dit, ce n'est qu'un avertissement, tu es libre de l'écouter ou non. »

Sauf que je ne suis pas assez sage pour ça. Il y avait là tout ce que je ne savais sûrement pas. C'était beaucoup trop tentant. Comme si l'on tendait le pouvoir de la vue à un aveugle...Il ne se gênera pas pour le saisir. Peu importe le prix. J'étais pareil.

Pareil avec la nuance de me sentir comme à la veille de Noël.

« - Leila...Pourquoi me donnes-tu ce classeur ? Réellement.

- Parce que, je veux que tu comprennes quelque chose et je veux que tu m'aides.

- Que dois-je comprendre ?

- Que les sentiments aveugles, Tristan. Je fais ça pour toi. »

Je n'aimais pas ce genre de sous-entendu. Je n'en ai jamais été très friand non plus et ce n'est pas la première fois que l'on m'en fait. Surtout en si peu de temps.

« - Dois-je le lire chez moi ?

- Honnêtement ? Oui. »

Je suis alors reparti avec l'ensemble sous le bras et aussi étrange que cela puisse paraître, dès que je suis rentré, j'ai posé le classeur sur mon bureau et je l'ai fixé le reste de la soirée. Je ne l'ai pas approché. Je n'y ai pas touché.

J'avais peur. Peur de ce qu'il pouvait y avoir. Peur de me rendre compte de quelque chose, d'un détail. Un détail qui m'aurait échappé depuis bien trop longtemps maintenant.

« - Aller Tristan...Tu peux le faire. Tu peux le faire...Fais-le. »

Et au moment même où je m'apprêtais à lire ce qu'il y avait dans ce classeur, on sonna en bas de chez moi. Je descendis pour ouvrir, découvrant Lili sur le seuil de ma porte.

« - Il faut que l'on parle Tristan... J'ai quelque chose à te dire. »

À cet instant je ne savais pas. À cet instant, je ne compris même pas. J'étais un parfait ignorant et j'étais loin de me douter de ce qui allait se passer ensuite. J'étais loin de me douter de ce qui découlerait de cette conversation à cœur ouvert.

J'étais loin de savoir que trois jours plus tard ma vie à jamais changera.

3173  : Attrape-moi si tu peuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant