Chapitre 28 - Trop Tard

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Les bras croisés derrière la tête, les yeux rivés vers le plafond blanchâtre, j'ai attendu. Attendu que le temps passe. Que les minutes défilent. Que les secondes s'évanouissent. J'ai attendu là, bêtement.

Un coup d'œil au réveil électronique sur ma table de chevet m'indique qu'il est bientôt l'heure.

Il est bientôt l'heure et je ne suis pas prêt.

Les yeux rouges, gonflés, le nez irrité, je ne suis pas prêt.

Je n'irais pas.

Mon téléphone est sous mon oreiller et par moment, il vibre. Toutes les dix minutes approximativement et je devine sans le regarder que cela doit être Leila m'attendant certainement.

Je n'irais pas. Pas cette fois.

Après tout ça, après sa venue, je ne peux pas y aller. J'ai la tête ailleurs, le cœur en morceaux, l'estomac complètement noué. Je ne peux pas y aller.

Alors, je laisse les minutes défiler sous mon nez.

Quand je regarde une nouvelle fois, je m'aperçois que l'heure est passée. Elie a dû faire son œuvre.

Il est 20h30. Cela doit être terminé et mon téléphone a arrêté de vibrer depuis un bon bout de temps maintenant.

Et puis merde.

Je me redresse, attrape mon sweat et me précipite dehors. Je dois toujours avoir l'adresse que Leila m'a donnée dans l'une des poches de mon jean. Normalement, ce n'est pas très loin de chez moi.

J'enchaîne les ruelles en guise de raccourci.

Au loin, je pouvais sans mal entendre les sirènes.

Les lumières rouges et bleues clignotent et j'atteins finalement la foule rassemblée devant un bâtiment. Les bandeaux jaunes sont tirés, les policiers bloquent tout le monde.

« - Reculez ! Il n'y a rien à voir.

- Mais nous avons entendu des coups de feu ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

Des coups de feu ?

Derrière l'imposante barricade humaine faite par les policiers, je remarque la silhouette de mon père qui me repère immédiatement. Il s'approche de moi, le souffle court, le regard grave.

« - Papa !

- Tristan...Dieu soit loué tu es là ! »

Il passe par-dessus le bandeau et me prends dans ses bras, m'écrasant littéralement contre lui.

« - Papa ?

- Dieu soit loué...Mon dieu...Je me suis fait tellement de souci. Je pensais que tu étais là-dedans. »

J'essaye tant bien que mal de regarder par-dessus son épaule pour trouver Leila, mais je ne la vois pas.

« - Papa...Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Je suis désolé Tristan...

- Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? »

Il ne dit rien. Il préfère baisser le regard et tandis qu'il se mue dans un inquiétant silence, je me souviens des paroles des passants.

« Nous avons entendu des coups de feu. »

Non.

Pas ça.

Tout, mais pas ça.

S'il vous plaît.

Par pitié.

« - Papa...Où est Leila ? »

Il n'ose même pas me regarder.

« - Elle vient de partir pour l'hôpital le plus proche. Dans un état critique...Je peux t'y cond.. »

Le reste de ses mots, le reste de sa phrase se perdent dans le brouhaha dû au voisinage. Mes bras tombent le long de mon corps et j'ai l'impression que mes jambes menacent elles aussi de me lâcher.

J'aurais dû venir. J'aurais dû y aller.

Je n'aurais pas dû la laisser seule. Je n'aurais pas dû...

S'il vous plaît...S'il y a un dieu ou quelqu'un tout là-haut...S'il vous plaît, ne la prenez pas. Ne prenez pas Leila.

Ne me la prenez pas. S'il vous plaît.

Pas elle.

3173  : Attrape-moi si tu peuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant