Le Directeur

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La nuit était tombée. Les façades sombres des bâtiments de l'école rendaient encore plus effrayants les lieux. Une foule énorme d'élèves se pressait dans la cour. La totalité des élèves en réalité. Ils se massaient devant le portail, attendant avec impatience l'arrivée du Directeur.

Car c'est de cela qu'il s'agissait. Depuis la fondation de l'école des psychopathes presque quatre mille ans plus tôt, le Directeur ne s'était montré qu'une dizaine de fois, et ne restait que sur une période très limitée de temps. De tous les Professeurs présents, soit au moins trois cents, seulement une dizaine avait eu l'occasion de le voir. Dont le Professeur Corbeau. Ce dernier, près du portail, avait un petit sourire aux lèvres. 

Depuis son enfermement dans un artefact du nom d'Âme des Âmes, il avait été contraint d'habiter un nouveau corps, et lorsqu'il avait rejoint l'école trois jours plus tôt, nul ne l'avait reconnu. Alors que d'habitude il montrait une apparence grande, mince et assez effrayante, son nouveau corps présentait un embonpoint assez marqué. Son crâne chauve et son bouc taillé à la perfection provoquaient un décalage encore plus marquant. En revanche, il gardait les yeux blancs sans iris ni pupilles de son ancien corps.

Un craquement retentit, et un éclair s'abattit sur un arbre au loin. Le Professeur Corbeau entendit un craquement. Une fine pluie se mit à tomber. Il vit des Professeurs s'agiter : c'était un événement trop important pour qu'une simple bruine vienne les empêcher d'y assister.

Devant le Professeur, l'ombre d'un réverbère se déforma. Elle grossit, trembla, puis se modélisa en formant un cocon. L'amalgame d'ombre s'ouvrit pour laisser apparaître un être très grand, maigre et à la peau si blanche qu'il en semblait mort. Il cachait son corps dans un grand manteau noir qui dissimulait également ses pieds, de sort que seuls ses mains et sa tête étaient visibles. Sa tête n'était qu'un ovale plat comme un masque et percé par deux trous où brillaient des yeux noirs. Un sourire gigantesque barrait son visage, tel une cicatrice terrifiante. En le voyant apparaître, tous sans exception sentirent un frisson leur parcourir l'échine. Il s'avança presque en glissant, s'arrêta devant le Professeur Corbeau, et tendit sa main droite.

- C'est un plaisir de revenir ici, après toutes ces années....

La voix, spectrale, avait résonné dans le crâne de toutes les personnes présentes. Une voix qui provoquait une douleur aiguë. Le Professeur Corbeau serra la main de l'étrange être en disant :

- Bienvenue, monsieur le Directeur.

Le sourire du Directeur s'élargit encore plus. Il se dirigea vers le foule rassemblée, et demanda :

- Qui parmi vous est le professeur Lina ?

Une fois de plus, tous frémirent, puis une femme s'avança devant les rangs. Petite, maigre, elle portait un manteau à capuche noir et légèrement abîmé. Une cicatrice barrait son visage, partant de son menton et remontant jusqu'à ses cheveux noirs mi-longs. Ses yeux couleur bordeaux aux pupilles de chat fixaient le Directeur avec une certaine appréhension.

- Bien...Alexandre, Ayano, je veux vous voir aussi...reprit la voix spectrale.

Comme leur professeure quelques secondes plus tôt, deux élèves sortirent des rangs. Le premier, un adolescent d'à peine seize ans, était grand, assez maigre et possédait de courts cheveux noirs. Il portait l'uniforme des élèves, une tenue de combat. La seconde était une fille d'environ 18 ans. Plutôt grande, elle avait le même uniforme que Alexandre. Ses cheveux formaient une queue de cheval et elle avait le regard un peu vide. 

Le Directeur leur fit signe de le suivre, et traversa la foule qui s'écartait au fur et à mesure. Le Professeur Corbeau jeta un regard inquiet au Directeur. Le groupe de quatre poursuivit sa route et entra dans un bâtiment. Arrivé au milieu d'un hall, le Directeur s'immobilisa brusquement. Il se retourna, et dit :

- Salutations Professeur Lina. J'ai quelque peu observé votre parcours, et j'en suis très satisfait, notamment avec les deux élèves ici-présents.

- Je vous remercie, monsieur le Directeur, répondit le Professeur Lina.

Les deux élèves ne dirent rien. Pour Ayano, la conversation n'avait aucun intérêt, et Alexandre considérait qu'il valait mieux ne rien dire lorsque on n'avait rien à dire. Le Directeur reprit :

- En fait, notamment pour Ayano, je n'avais pas vu de pareils résultats depuis le Zodiaque, bien que, ne vous leurrez pas, vous êtes encore loin de ses résultats. Mais je suis venu aujourd'hui pour vous proposer quelque chose...

-Et qu'est-ce que vous avez à nous proposer, monsieur le Directeur ? interrogea Ayano, soudainement intéressée.

- Oh, tout ce que vous voudrez....Mais il y a un prix...Ce que vous me demanderez, je vous le reprendrai au bout d'un an. Alors ?

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