Chapitre 5 [Calleigh]

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Une légère brise provenant des bois traverse notre campement improvisé. La nuit a été froide et rude malgré nos tentatives pour nous réchauffer par la chaleur humaine. Beaucoup d'entre nous n'ont pas dormi, moi la première.

J'espère qu'on aura pas à passer une nuit de plus ici car, si c'était le cas, je ne sais pas si nous pourrions survivre à une nouvelle insomnie causée par la peur. Tandis que nous nous relayions régulièrement pour surveiller ceux qui ne se sont pas réveillés depuis la sortie du bus, des bruits se sont faits entendre dans les bois.

Les sons étaient flous et ressemblaient parfois plus à des murmurs mais nous savons tous plus ou moins qu'elle est leur origine. Ce sont des cris de bêtes, des animaux sauvages qui devaient nous épier depuis la lisière des bois et repérer les plus faibles, ceux à qui ils pourraient s'en prendre en premier. Cette pensée ne me rassure pas le moins du monde.

- Ça va? me demande Ivy qui a sûrement dû voir d'immenses valises sous mes yeux.

En guise de réponse, je lui fais un oui hésitant de la tête accompagné d'un léger sourire qui se veut rassurant (bien qu'avec mon visage épuisé, il doit plus faire peur qu'autre chose). Je n'ose pas lui poser la question en retour. La simple vue de son visage me donne une réponse des plus claires: ses yeux bridés sont aussi cernés que les miens. Quand à son dos relâché, il lui donne une taille encore plus petite que la veille.

- Tu penses qu'on peut monter cette pente? m'interroge-t-elle en désignant l'immense colline boisée que le bus a dévalé la veille.

- On ne pourra pas le faire avec les blessés.

- Tu as raison, intervient alors Noah dans mon dos. Je pense qu'on devrait envoyer quelques personnes en éclaireurs.

- Oui, on ne peut pas risquer d'aggraver l'état des blessés, approuve Caleb en désignant le genoux d'Elijah.

La solution est donc toute trouvée: trois d'entre nous tenteront l'ascension de l'immense colline tandis que les autres resteront sur place et prépareront de quoi tenir une nuit de plus, au cas où. J'espère de tout mon cœur qu'il y a bien une route ou quelque chose en haut car c'est sûrement notre seul moyen de nous en sortir.

Nous avons bien retrouvé quelques portables mais la plupart d'entre eux sont inutilisables. Quand aux autres, le réseau est inexistant ce qui ne nous aide pas du tout. Nous avons tout de même essayé d'appeler les secours mais l'appel n'a même pas été lancé. Si nous n'étions pas au beau milieu d'une forêt aussi dense, je croirais qu'il y a des brouilleurs de réseau à proximité.

- On devrait partir tous les deux avec Bryan, propose July à Noah.

- Non, j'interviens. Vu que Luke et Daniel ne sont pas revenus, Noah et toi êtes les deux seuls capables de nous aider à comprendre la forêt. On a besoin de l'un de vous deux pour nous aider.

- Elle a raison, me soutient Noah. Je vais rester ici. Tu n'as qu'à prendre Dylan avec toi, il a l'air d'être très sportif.

July montre son mécontentement mais finit par accepter la proposition. Je suis soulagée que Noah ait accepté de rester car je ne vois pas comment on aurait pu faire des provisions sans lui.

***

Je regarde July, Bryan et Dylan s'éloigner et commencer l'ascension de la grande colline. Ils sont pleins d'espoirs, comme nous tous. L'espoir, c'est tout ce qui nous reste à présent.

- On devrait s'organiser, conseille Noah qui m'extrait par la même occasion de mes pensées.

L'espoir, c'est bien, ça nous permet de nous accrocher, de survivre, mais s'il est brisé, la réalité devient alors le plus grand des malheurs. J'ai vécu trop de fois cette situation pour ne pas la reconnaître: on espère, enfermés dans notre bulle de bonheur et d'innocence et puis, la bulle éclate et on chute dans le désespoir. Je ne peux pas laisser ça m'arriver une fois de plus.

- Calleigh, tu as l'air de t'y connaitre un peu en pansements. Tu peux t'occuper des blessés, s'il te plaît?

En tant normal, j'aurais acquiescé sur le champ mais aujourd'hui c'est différent. S'occuper des blessés, c'est s'occuper d'Elijah, lui parler pour s'assurer qu'il va bien, qu'il ne développe pas je ne sais quel syndrome post-traumatique et je ne pense pas en avoir la force sachant que je suis déjà à bout.

- Je vais t'aider, me rassure immédiatement Ivy qui doit voir l'appréhension dans mon regard.

Je la remercie et nous nous dirigeons vers la partie du campement où nous avons allongé les blessés les plus graves. Sur le chemin, Ivy se montre cependant plus curieuse qu'auparavant:

- Qu'est-ce qu'il y a entre Elijah et toi?

- Rien. Pourquoi?

- Tu l'évites tout le temps et tu ne le regardes même pas dans les yeux... Au début, j'ai pensé que tu le trouvais beau. Après tout, il est pas mal du tout sur le plan physique... Mais j'ai aussi remarqué qu'il te regardait beaucoup trop souvent...

- On se connaît, d'accord? Mais j'ai rien de plus à te dire à son sujet, je lui réponds sur un ton un peu froid.

Suite à cela, nous nous attelons à nôtre tâche dans le plus grand des silences. J'en profite pour regarder le genoux d'Elijah: il ne s'est pas beaucoup amélioré. Je commence à penser qu'il pourrait faire une infection. Et ce n'est pas le peu de compresses et de bisceptine que nous avons trouvé dans la boite de secours du bus (qui, Dieu merci, était en métal) qui vont nous aider. D'autant plus qu'il n'est pas le seul à en avoir besoin...

Ivy est sur le point de terminer le pansement d'Elijah quand quelqu'un se plaint de graves douleurs, quelques mètres plus loin. Elle me regarde d'un air interrogateur et je lui assure que je peux prendre le relais.

Après avoir terminé de recouvrir la plaie de Tara qui, elle aussi, m'inquiète, je vais voir le brun aux yeux d'ébène. Comme je m'y attendais, il entame la discussion:

- Tu as réussi à dormir?

- On fait comme on peut...

Contrairement à mes attentes, il n'insiste pas plus. Ce qui est très étonnant le connaissant. De mon côté, le silence me fait penser à un détail et je ne peux m'empêcher de lui poser la question:

- Pourquoi as-tu pris le bus alors que tu as largement les moyens de prendre l'avion en première classe? Tu savais que j'y serais?

- Non, m'assure-t-il aussitôt. Je ne m'en doutais pas du tout. En fait, j'ai choisi le bus car il faisait une escale d'une nuit à Chicago. C'est là qu'habite ma tante Carole... Elle a un cancer.

Je me sens soudainement honteuse. Comment ai-je pu penser qu'il s'amusait encore à me torturer en venant dans n'importe quel endroit où je me trouve?

- Comme je te l'ai sûrement déjà dit, reprend-il, mon père et sa sœur sont en très mauvais terme et c'était ma seule chance d'aller la voir...

Je suis encore sous le choc de cette révélation lorsqu'un cri émerge à ma droite et que tout le monde tourne la tête dans cette direction. Revenant à la réalité, je fais de même. Je mets quelques secondes avant de comprendre ce que tient Caleb dans sa main mais, quand j'y arrive finalement, je manque de hurler à mon tour: un doigt. Caleb tient dans sa main gauche un doigt humain plein de sang.

À suivre...

Publication du prochain chapitre: Samedi 12 août

Last Days of SummerWhere stories live. Discover now