Chapitre 18 [Ivy]

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   Encore une fois à gauche, et une à droite, et puis de nouveau à gauche. Ma tête tourne, mon cou devient douloureux mais je ne perds pas espoir. À chaque retournement de nuque, j'espère apercevoir quelqu'un. Tara, Elijah, n'importe qui...

   Mais plus nous avançons, Calleigh et moi, plus j'ai l'impression que nous sommes seules, que tous les autres ont disparu à tout jamais, que nous tournerons en rond dans ces bois pour l'éternité. Même les coups de feu nous ont abandonné.

   Je ne sais pas ce qui est le plus effrayant: sentir notre coeur battre au rythme d'incessants coups de feu ou ne plus les entendre sans savoir s'ils recommenceront.

   - On ne les trouvera jamais, se désespère Calleigh à mes côtés.

   Elle a toujours du mal à marcher. J'espère que nous n'aurons pas à courir.

   - Je suis sûre que...

   Je m'arrête. Je ne sais plus quoi dire. Ces mots me paraissent vides de sens désormais. Je me tais, c'est peut-être le mieux à faire maintenant. Je ne veux pas décourager encore plus Calleigh. Ses yeux sont aussi vides que mon estomac, un vrai trou noir.

   Soudain, quelque chose bouge dans les buisson sur ma gauche. Je m'arrête net, Calleigh aussi. Nous restons figées sur place, telles deux statues, pendant quelques secondes.

   Et puis, un écureuil passe devant nous, nous ignorant totalement. Je le regarde s'éloigner au loin, à travers les arbres. Je rêve ou... Non, j'hallucine.

   - Tu as vu ça? murmure Calleigh toute tremblante et le regard toujours aussi troublé.

   - Je... oui... tu parles de... sa fourrure?

   Elle bouge doucement la tête de haut en bas sans pour autant m'adresser un regard.

   - Elle... est rouge... on est d'accord?

   - D'accord, confirme-t-elle.

   - On doit aller voir...

   Sans prendre la peine de me répondre, elle se dirige vers les buissons. Elle les écarte et je la rejoins.

   Avant de regarder, je prends une grande inspiration qui réveille la douleur qui sévit dans mes cotes depuis que nous sommes ici.

   Une main. Noire. Ensanglantée. Pas de bras. Oh non, pas encore...

   C'est celle d'un homme. Et elle n'est pas vraiment en état de décomposition avancé...

   - Ryan, articule Calleigh.

   - Pourvu qu'on n'en trouve pas d'autre...

   Avec Calleigh, nous nous regardons dans les yeux pendant un long instant. Ce n'est pas la première partie de corps humain qu'on voit ici... et ce ne sera certainement pas la dernière à ce rythme.

   Ça ne me fait plus le même effet. Je n'ai pas à me retenir de vomir, cette fois. Je n'ai pas non plus l'impression que je vais m'évanouir. Je ne souhaite plus rentrer chez moi au plus vite. Cette simple pensée ressemble plus à un rêve inaccessible désormais.

   J'en ai marre. Des bois, de ma blessure aux cotes, de mon estomac vide. De tout. Je n'en peux plus. Je ne sais même pas comment j'ai fait pour survivre jusqu'ici...

   C'est alors que je la vois... usée comme mon âme, fragile comme mes pieds, aussi paisible et déstabilisante que les arbres autour de nous depuis que les tirs ont cessé.

   Je n'y avais même pas fait attention. Mon esprit est tellement fatigué qu'il ne fait plus attention aux détails...

   Un détail gros comme une maison... ou plutôt une cabane, une grande cabane au bois passé de couleur et qui semble sur le point de s'effondrer.

     À suivre...

Last Days of SummerWhere stories live. Discover now