Chapitre 16 [Calleigh]

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  Je cours. C'est la seule chose qui me reste à faire, la seule chance qu'il me reste de sauver ma vie. Au loin, les tirs continuent.

   J'ai perdu les autres de vue. J'espère qu'ils sont cachés, qu'aucune des balles qui vient faire voler les oiseaux de leurs nids ne les a touché. J'espère...

   Enfin, espérer est un grand mot, une notion abstraite qui a perdu tout son sens dans mon pauvre esprit égaré depuis que je me suis réveillée dans ces bois. Espérer, continuer, avancer, voilà trois verbes qui me sont devenus étrangers, trois actions qu'il m'est de plus en plus difficile de perpétuer.

   Mon manque de sommeil me demande de ralentir. La faim qui me rend tremblante depuis deux jours me dit d'arrêter. Mon coeur épuisé par ses battements beaucoup trop rapides parvient presque à me stopper.

   Mais je persévère. Il y a cette force en moi qui me pousse à continuer et porte mes pas, seconde après seconde. C'est sûrement l'adrénaline, ou l'instinct de survie. Après tout, s'il y a bien une chose pour laquelle nous avons été programmés, c'est survivre.

   Je continue à courir. Je place mes pieds l'un devant l'autre à un rythme qui me parait irréel aux vues de mon état physique et mental.

   Et puis, sans prévenir, quelque chose au sol enlace ma cheville et la plaque au sol. Mes bras me rattrapent de justesse. Ils réussissent à amortir la chute et le choc de mon menton s'écrasant au sol.

   Mais ma cheville me fait terriblement mal. Et dire que je croyais ne plus pouvoir ressentir la douleur après tout ça...

   Je n'arrive pas à me relever. Mon pied droit se dérobe sous mon corps trop lourd pour lui à chaque tentative. Je n'arriverai pas à reprendre ma course.

   Je suis foutue. C'est un euphémisme. Je suis déjà touchée, déjà morte et déjà enterrée dans ces bois si lointains et hostiles. Je mourrai sûrement au milieu des arbres et des corps en décomposition de ceux qui ont partagé mon sort.

   Calleigh, m'interpelle une voix lointaine. Je relève alors brusquement le buste et cherche aussi discrètement que possible de tous les côtés. Personne. J'hallucine. Passer autant de temps sans manger ni dormir doit sûrement me rendre folle.

   Mais la voix se répète, encore et encore, toujours sur le ton du chuchotement. Je continue mon exploration tout en commençant à ramper sans direction précise. Pourtant, rien d'autre que les coups de fusil éparses qui font tomber les feuilles et voler les oiseaux.

   Soudain, mon poignet se trouver entouré. Il est saisi par quelque chose qui m'emmène, sans grande force vers ma gauche. Je regarde derrière la masse de buissons d'où sort le bras qui s'aggripe au mien.

   Ivy. Oh mon Dieu! Elle est en vie. Elle a été épargnée. Je relâche mon souffle quand une nouvelle balle vient percer le mur du son me faisant sursauter.

   Je rejoint immédiatement mon amie derrière le petit ensemble de buisson qui suffit à peine à nous couvrir des regards. J'ai peur. Et elle aussi.

   - Tu as vu Tara? me murmure-t-elle.

   - Non... et Elijah.

   - Aucune idée, répond Ivy en baissant la tête. Mais il a l'air d'être un battant, il a dû s'en sortir.

   - Je sais pas... Son genoux...

   Un nouveau tir retentit, mais, cette fois, il est un peu plus proche de nous. Nous restons alors muettes, retenant la moindre respiration et priant pour que personne ne nous surprenne.

   Nous maintenons cette position pendant un temps qui me parait durer des heures, une éternité même. Mais plus aucun tir ne retentit. Je prends une bonne bouffée d'air et regarde les arbres devant nous.

   Ils sont si paisibles, si majestueux. Toute trace de violence a disparu pour rendre à la foret son calme si perturbent. Mais nous sommes toujours seules.

   - On devrait peut-être chercher les autres, murmura Ivy qui n'osait pas parler plus fort.

   - Bonne idée.

     À suivre...

  

Last Days of SummerWhere stories live. Discover now