Mardi c'est ravioli

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Aimé

Le soir en rentrant, j'attrape mon ordinateur et reste bouche-bée devant les résultats de la recherche. Je me sens complètement con.

Le docteur constance Adler agressée en plein milieu d'une intervention par le mari de la patiente.

Je referme mon ordinateur, je n'ai pas le droit ni l'envie d'en lire plus. Je retiens deux choses, elle est bien plus qu'elle ne veut laisser paraître et je suis bien plus intrigué que je ne veux me l'avouer.

Je rouvre l'ordinateur pour l'éteindre et ne peux m'empêcher de lire la phrase qui suit.

La patiente décède, le docteur Adler gravement blessée...

J'éteins définitivement l'ordinateur, une vague envie de vomir me soulève l'estomac.

Je l'entends d'ici s'énerver sur les murs de la maison de Juliette. Hervé m'a raconté que dans l'après-midi elle était montée avec une masse et avait commencé à charger dans une remorque attachée à l'arrière de ma titine, des pierres énormes.

Son nom danse dans ma tête depuis plusieurs jours. Adler Constance, Constance Adler ... je pensais que c'était parce qu'elle m'intriguait mais je commence à douter que ce soit la raison.

Je passe la soirée à réfléchir et vais chercher mes revues médicales. Je feuillette le dernier numéro et retire une immense satisfaction.

Je savais que son nom me disait quelque chose. Elle a publié tout un article sur la régénérescence des tissus cicatriciel en anglais. L'article est très bon, ça me fait un peu mal de le reconnaître. Admiratif, je prépare une tisane et descends avec mon thermos la voir.

En m'apercevant, elle soupire. Ça fait toujours plaisir !

— Je suis désolé pour tout à l'heure.

Ça a l'air de la dérouter que je sois sympa, alors que franchement je suis vraiment sympa comme garçon ! Elle ne le sait tout simplement pas parce qu'elle est agaçante et que je me suis comporté -peut-être - de manière un peu bourrue avec elle ces derniers temps.

Elle s'assied à côté de moi sur la murette et prend la tasse que je lui tend.

— Aimé, pourquoi c'est si difficile ici qu'on me foute la paix.

Je hausse les épaules. Je n'en sais rien moi-même.

— Je suppose que tu n'as pas pu t'empêcher de regarder sur internet qui j'étais.

— J'ai ... Peut-être un peu, j'ai juste lu très rapidement un titre et j'ai refermé l'ordinateur.

— Tu es un sacré emmerdeur Aimé. Ce prénom ne te vas pas du tout.

— Le tien te vas très bien, tu m'agaces ... de manière constante.

On sourit tous les deux en même temps et je redemande.

— Tu as quel âge ?

Elle me pousse de l'épaule et j'insiste.

— C'est quoi ton but Aimé, qu'on flirt ensemble et tu cherches à savoir si je suis dans ta tranche d'âge ? Ou qu'on soit amis et auquel cas on s'en fiche ?

— Te draguer ? Ça ne va pas !

— C'est bien ce que je me disais.

Elle s'est appuyée contre moi et je sens qu'elle évacue sa colère lentement. Il fait froid et c'est agréable de sentir sa chaleur corporelle contre moi. Elle boit lentement sa tisane pour se réchauffer.

— J'ai trente quatre ans.

— Ça devrait le faire, c'est dans ma tranche d'âge.

On rigole doucement. Même si elle m'ennerve prodigieusement j'aime bien sa compagnie finallement, elle me détend.

— Finalement je me dis que si tu t'étais appelé Bastien en prénom et non en nom de famille, ça te serait mieux allé.

— J'adore les compliments, continue.

— Tu savais que les personnes ayant un prénom pour nom de famille ont souvent dans leurs ancêtres une personne adoptée ?

Je déglutis et ne répond rien dans un premier temps, elle continue.

— Quand un enfant était abandonné on leur donnait des prénoms pour nom.

Je sais.

Elle relève le regard et rencontre mon visage attristé. Elle se lève et s'en va vers la voiture et je réalise que sa remarque n'était pas anodine, elle savait très bien ce qu'elle faisait.

Je ne comprend pas pourquoi elle a fait ça.

*

Constance

En redescendant à l'hôtel, je me sens assez mal pour ce que je viens de dire à Aimé. Il a été plutôt attentionné de venir me voir. J'ai toujours cette tendance à repousser les gens qui s'intéresse de trop près à moi. Comme pour me défendre et empêcher les gens d'approcher.

Et je veux qu'on me laisse tranquille ! Pourquoi personne ne veux le faire ? Hier, la femme du garagiste est venue me parler et me proposer une visite de la ville, elle m'a même invité à dîner. Les mamies bigoudis m'ont alors alpagué sur leur banc et m'ont questionnée pendant une heure parce qu'elle m'avaient vu avec la voiture d'Aimé et parler avec la femme "arabe"

Quelle bande de vielles biques racistes.

Je me gare et claque la porte rageusement. Pourquoi m'a t'il poussé dans mes retranchements a essayer de savoir ce qui s'était passé ? Qui j'étais ? Pourquoi ne puis-je pas tout recommencer de zéro à l'autre bout du pays sans qu'on vienne m'emmerder ?

Une main se pose sur moi et je me mets à hurler. C'est le sans abris.

— Mon Dieu ! Vous êtes fou ! Vous m'avez fait peur !

Il me regarde, inquiet.

— Quoi ?

Il ne parle pas et continue de me regarder.

— J'ai été dégueulasse avec lui et alors ? Il m'y a poussé ! Tout le monde ici veut savoir qui je suis, d'où je viens ! Mais je m'en fou de tout ça, je ne sais même plus moi-même. Pourquoi ça n'intéresse personne de me foutre la paix ?

Il hausse un sourcil.

— Quoi ? J'ai fais pareil avec vous ? Excusez-moi d'avoir cru que vous vouliez de l'aide et être secouru.

Nouveau haussement de sourcil.

— Vous voulez dire que c'est ce qu'il a fait ?

Je réfléchis et m'assoit sur le banc des mamies bigoudis.

— Peut-être que vous avez raison.

Je remarque enfin un léger sourire de sa part et l'entend baragouiner.

— Chica loca.

La fille folle.

Ok, là j'ai touché le fond.

Il me montre une cigarette, il voulait juste du feu. Je sors les allumettes à l'effigie de l'hôtel de la place que j'ai piqué parce que je les trouvais jolies.

— Gardez-les.

Et il repart dans la nuit.

Je reste seule, comme je l'ai souhaité.

Le pire dans tout ça, c'est que je n'ai qu'une vielle boite de ravioli qui m'attend là-haut.

Tout ça pour ça (terminée)Where stories live. Discover now