Lui, tu l'aimes

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Constance

Peter se tient les côtes, un instant et se fait bousculer par la vieille Drusilla qui m'admoneste car son café est trop serré.

Il se décoince un peu et s'amène vers moi en disant plus bas :

— C'est une chose de te voir sortir avec ! C'en est une autre de te voir tomber amoureuse et lui dire ce que tu ne m'as jamais dis.

Je hausse les épaules, sur la défensive.

— Ça aurait changé quelque chose ? Tu n'aurais pas été coucher à droite et à gauche ?

— On ne le saura jamais puisque tu n'as jamais fait de moi ta priorité. Me lâche-t'il, mauvais.

J'ai bien une dizaine de nom d'oiseaux et de répliques mesquines qui me brûlent les lèvres mais je me retiens, monsieur Durand semble au comble du malaise.

Plus bas, je chuchote :

— De toute façon, il ne m'a rien dit en retour, tu peux donc jubiler.

Hervé s'approche et s'accoude sur Peter, l'air entendu, ils haussent tous les deux les sourcils.

— Ce que tu peux être naïve quand il s'agit de sentiments ma pauvre Constance. Mais c'est assez jouissif de te voir galérer autant avec lui que moi avec toi par le passé.

Et c'est bien la seule explication à laquelle j'ai le droit car ils partent tous les deux vers la table où squatte habituellement Hervé, tout en discutant de leur future collaboration. Je m'affaire avec le nettoyage du filtre de la machine à café quand un raclement de gorge se fait entendre. Durand se tient penaud contre le bar, le béret entre les mains.

— Docteur Adler ?

— Oui ? Vous voulez autre chose ?

— Heu ... Non... Je n'ai pu m'empêcher d'entendre votre échange avec Hervé et votre ami ORL... Je voulais vous montrer quelque chose.

Il sort de sa poche maladroitement, un vieux portefeuille en cuir d'où il extrait avec précaution une très ancienne photo d'un couple amoureux. La femme n'est pas très belle mais il se dégage d'elle beaucoup de charme avec ses grandes boucles brunes. Je m'arrête plus longuement pour observer l'homme qui, lui est en tenue d'aviateur, canon ! J'ai toujours été attiré par l'uniforme.... Mon sens de la logique et de l'investigation me poussent à remarquer qu'il ressemble à une version sublimée d'un Durand plus jeune.

— C'est ma Yvette.

Oh ... Que dire ? Je sens que cela va être triste.

— Et je voulais juste vous dire que je l'ai aimé à la folie, j'aurais tout donné pour elle.

Sa voix se casse et il range sa photographie, fébrile, en poursuivant.

— Je sais reconnaître un homme amoureux docteur et je l'ai senti avec le docteur Bastien depuis quelques semaines. Ce ne sont pas les mots qui comptent mais les petits gestes au quotidien, les regards et les soupirs.

Je ressens de la peine pour lui, je l'avais toujours perçu comme un client ou un patient et je découvre un homme touchant. Je lui touche l'épaule et il sèche une larme.

— Vous savez docteur, je vous avais mal jugé je vous croyais hautaine mais vous n'êtes pas comme ça.

Avant peut-être... Et même un peu encore dans le fond, mais je change... Moi qui croyais que jamais les gens ne changent.

Aimé arrive tard dans la matinée avec sa filleule et me laisse aller chercher Mamé. Mais pas avant de m'avoir étreint avec force.
Ma raison fait alors taire temporairement mon cœur.

Tout ça pour ça (terminée)Where stories live. Discover now