Lettre 3

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1 Février 2018

Sylvie,

Je ne vous connais pas, vous ne me connaissez pas, nous ne sommes donc personne pour nous juger l'un(e) et l'autre. Ce qui est une excellente nouvelle.

En lisant l'adresse au dos de votre enveloppe, j'ai d'abord pensé à Metias, avant que la réalité ne me rattrape, et que je me souvienne que c'était impossible.
Ma joie s'est vite transformée en colère quand j'ai compris que quelqu'un avait lu ma lettre. J'avais destiné ce mot à Metias, et à personne d'autre. J'avais l'impression qu'on s'était introduit dans ma vie privée, sans ma permission. Qui sait ce que j'aurais pu dire dans mon texte ?

Je n'avais donc pas envie d'ouvrir votre lettre et encore moins l'intention d'y répondre. J'avais sûrement peur de je ne sais quoi. J'ai laissé l'enveloppe attendre sur mon bureau une bonne semaine, avant d'enfin oser l'ouvrir.

J'aimerai dire que vous m'avez ému. Mais je crois que j'en suis arrivé à un stade où je ne sais même plus ce que veux dire ce mot.

Cependant, quelque chose m'a interpellé. Vos mots étaient bienveillants, et vous n'essayiez pas de vous excuser pour quelque chose dont vous n'étiez pas responsable (rien que pour ça, merci). Vous ne faites pas comme si vous me connaissiez, comme si mon chagrin était tout à coup votre seule préoccupation. Merci. Je ne vous parlerais pas de Metias ici, ou du moins je ne ferai que l'évoquer, je ne tiens pas à vous faire un portrait. Je veux que mes souvenirs à son sujet restent en moi, personnels.

Certes, ce que vous dites à propos des inconnus est sans doute vrai, mais j'aimerai ajouter que les gens que nous connaissons ont d'abord été pour nous des inconnus. Cependant je ne tiens pas à vous dévoiler ma vie sentimentale, j'espère que vous le comprenez. Mais dans tous les cas, je peux bien prendre le risque de vous écrire - et puis, je ne pense plus pouvoir perdre beaucoup, au point où j'en suis.

Je me doute bien que vous devez vous dire à ce stade que je ne suis qu'un(e) adolescent(e) qui s'apitoie sur son sort et s'invente des problèmes. Je veux bien admettre que j'ai l'air un petit peu fataliste dans mes lettres, cependant, j'ai l'impression que désormais plus rien ne m'atteint.

Vous avez parlé à un moment de votre adolescence. Je me doute bien que nous n'avons pas la même histoire, cependant, j'aimerai bien que vous me racontiez de la votre. Vous en savez bien plus sur moi que je n'en sais sur vous, et si je dois correspondre avec vous pour une quelconque raison j'aimerai que vous me parliez de vous, et qu'on ne m'évoque pas que moi. J'aimerai pouvoir imaginer ce à quoi vous ressemblez, et gommer les traits de Metias de mes pensées quand je lis votre adresse. Alors, pourriez vous me raconter vos souvenirs du lycée ? Je ne sais pas quel âge vous avez, mais je vous donnerai bien la trentaine. Au fond, une dizaine d'année nous séparerait donc. Et dix ans, ça peut être beaucoup, comme très peu.

Je pourrais vous faire une description physique, ou vous envoyer une photo de moi, pour que vous vous fassiez une idée de mes traits, mais je préfère rester anonyme. Et les écrits papier le permette bien mieux que n'importe quel moyen de communication.

Peut-être ai-je été brouillon dans cette lettre, et je m'en excuse. Mais je pense que ce texte (ou bordel de mots, appelez ça comme vous voulez) me représente bien.

Morgane, aujourd'hui du moins, perdue au milieu de ses pensées.

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Taquapax

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