Lettre 5

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9 Février 2018

Sylvie,

J'aimerai dire que je suis désolé pour vous, mais je pense qu'on vous l'a assez répété, et qu'être prise en pitié est la dernière chose que vous désirez. Bien que cette phrase soit absolument cliché, je le pense. Cependant, je suis heureux pour vous, si vous avez pu vous reconstruire, ce n'est pas donné à tout le monde.

Dans mon lycée, il y a un garçon, Mat, qui s'est suicidé, à cause du harcèlement l'année dernière. Une grosse partie du lycée s'était déplacée pour son enterrement et moi aussi, j'y étais. Toute sa famille était là, en pleure, mais celle pour qui j'ai eu le plus de peine, ça a été la petite soeur. Elle n'avait que quatorze ans, et on lui avait enlevé son frère. Le harcèlement détruit des personnes mais aussi des familles, et, à pars quand on l'a vécu, je pense qu'on ne s'en rend pas tellement compte, moi le premier.

Le harcèlement ne fait pas partie de mon quotidien, je suis de ces gens qui ont cette chance là. Les autres ne sont pas mes démons, mon enfer, c'est moi-même. J'aimerai détester des personnes qui me font du mal, ce serait tellement plus simple. J'aurais un visage fixe sur mon cauchemar, sur ma plus grosse peur. Je pourrais alors en venir aux mains...

Dans mon cas, celui que je haïs, c'est mon corps et parfois, ma personnalité. Ou plutôt mes personnalités. Je hais Morgane, son côté trop efféminé, son envie de porter des robes et de se maquiller, ses complexes ridicules, sa timidité envahissante, tout comme je déteste Morgan, ses muscles trop peu développé, sa voix en train de muer et son corps trop masculin. Je les hais car les deux ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre, et que ces deux facettes me tuent à petit feu, se tuent à petit feu. Le matin, je ne sais jamais qui je serais. Serais-je plutôt côté Morgane ou coté Morgan ? Je suis​ l'imprévu personnifié, et à la longue, c'est épuisant.

C'est une lutte contre moi-même, et, je l'avoue, il m'arrive parfois de craquer. Pas de la bonne façon, je ne me défoule pas d'une manière saine, et à la base, mes parents m'ont emmené chez un psy pour ça. C'était avant qu'ils découvrent que leur fils désirait être une fille, sans pour autant être assez déterminé pour laisser son corps d'homme. Ils ont dût se dire que ça passerait avec le temps. Pourtant, j'en suis toujours au même point, et, en trois ans, je suis loin d'avoir progressé. Du temps de Metias, il est vrai que ça allait mieux. Mais ça, c'était avant, comme dit cette pub.

Est-ce que je me fais toujours du mal à moi-même ? Oui. Je ne l'avoue pas, je le cache comme je le peux, mais c'est un fait. La seule manière que j'ai trouvé pour me défendre, c'est celle-ci. Peut-être avez vous déjà essayé, et dans ce cas, vous savez qu'il s'agit d'une drogue, et qu'une fois que l'on a commencé, c'est dur de s'arrêter.

Morgan.e.

m_khdx
Taquapax

Morgan.e.Kde žijí příběhy. Začni objevovat