Lettre 6

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13 février 2018

Morgan(e), 

Je commence à mieux vous cerner, bien que votre histoire me soit encore totalement inconnue. Je tenais à rebondir sur ce que vous avez dit au début de votre lettre. Vous avez affirmé, je cite : «je suis heureux pour vous, si vous avez pu vous reconstruire, ce n'est pas donné à tout le monde. ». Sache que c'est faux. Se reconstruire est donné à tout le monde, il suffit simplement de laisser faire le temps. Je comprends tout à fait qu'à ton âge on se dise que tous les vieux sont des cons et qu'ils ne savent pas ce que l'on ressent, mais crois moi, je suis peut-être une vieille con mais je suis passé par là aussi. Et contrairement à ce que tu peux croire, l'adolescence ne change pas avec le temps. Ça reste toujours les mêmes épreuves pour tous les jeunes, même si le temps évolue.  

Je voudrais simplement vous parler d'un jour qui m'a extrêmement marqué. Il me semble que j'étais à la fin de ma classe de seconde, l'enfer avait déjà commencé depuis quelques mois. Cette fois-là, notre classe avait sport. Je détestais ça à cette époque, je détestais tout à cette époque. La vie ne m'avait pas fait de cadeau, et j'avais perdu toute joie de vivre. Tous les jours de ma vie étaient les-mêmes, des heures que je trouvais trop longues. Des minutes qui me semblaient infiniment grandes et je me demandais constamment pourquoi je vivais. Je ne trouvais pas ma place. Alors je me laissais aller dans cette obscurité, cette noirceur continue. 

Mais pourtant, malgré que tous mes jours ont été tristes et moroses, il y a ce jour-là en particulier qui m'a marqué. Nous étions dans les vestiaires, rien qui ne sorte de l'ordinaire. Jusqu'à ce qu'il y ai des garçons qui entrent dans la pièce. Ils étaient trois, et j'ai tout de suite compris qu'ils venaient pour moi. Je ne pourrais plus vous décrire toute la scène car ça remonte à trop longtemps et que c'est au-dessus de mes forces de faire tout un travail de remémoration, j'ai tellement essayé d'oublier.

Ils étaient trois au début, ils m'ont poussés dans les douches, ce qui n'était pas si dur que ça, je ne me débattais pas, je me laissais plus ou moins aller.  Ensuite, ils m'ont arraché mes vêtements, ils m'ont recouverte de chantilly, ils criaient des insultes en même temps. Ensuite, il y a un tas d'autres personne qui se sont ajoutées, elles criaient toutes. C'était affreux, j'étais au sol, en train d'essayer de couvrir mon corps au milieu de ce vacarme. 

Ça m'a hanté, c'est à partir de là que mon harcèlement à vraiment commencé à me toucher.  Si je vous raconte tout cela, c'est parce que bien des années plus tard, j'ai entendu une chanson à la radio. Cette chanson je suis sûre que vous la connaissez. Elle raconte l'histoire d'une petite fille, heureuse mais qui malheureusement connaît le harcèlement à cause de son physique. Et à la fin, elle se suicide, après que ses camarades l'ai dénudé dans un vestiaire. Comme je l'ai vécu.

Vous comprenez ? Les choses ne changent pas. J'ai vécu, bien des années avant quelques chose qu'un chanteur dénonce presque une décennie plus tard en parlant d'un sujet d'actualité.  Les temps évoluent mais les situations ne changent pas. 

Croyez moi lorsque je vous dis que je vous comprends. J'ai vécu ce que vous vivez aujourd'hui différemment,car nous n'avons pas la même histoire, mais avec le même ressenti. Alors croyez moi également lorsque je vous dis que chacun peut se reconstruire, avec le temps.

N'oubliez pas Morgan(e) que personne n'est un exclu de la société, on finit tous pas trouver notre place.

Sylvie

Taquapax
m_khdx

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