La pêche aux sortilèges

Chapitre 4

Morgane fit mine de partir mais Jasper, qu'elle avait surnommé l'Indésirable, la retint...encore.

- Je suis désolé, dit-il.

Elle haussa les épaules.

- Je me fiche de ce que tu as à dire. Ne m'approche plus jamais.

- Écoute, je ne suis pas très bon pour discuter avec des filles, surtout lorsqu'elles sont belles.

Il venait de lui faire un compliment ?

- Je deviens un vrai crétin, poursuivit-il. Je ne voulais pas te rembarrer. Je respecte le fait que tu ne saches pas nager. Mais j'aimerais aussi qu'on respecte mon choix de garder qui je veux à distance.

- Je respecte ton choix. Salut.

Elle se retourna pour partir.

- Je n'ai pas dit que je voulais TE garder à distance.

- Non, mais tu me l'as clairement fait comprendre et ça ne me dérange pas le moins du monde. Alors, ignorons-nous et ça va être parfait.

- Si je t'avais ignorée, je t'aurais laissée au fond du lac.

Sans y penser, son poing parti et Jasper l'intercepta juste à temps. Il éclata de rire.

- D'où l'expression '' Frapper comme une fille'', précisa-t-il. Ne te vexe pas, Morgane, je voulais seulement dire que depuis que je t'ai sauvée, c'est difficile de t'ignorer.

Morgane fulminait. Il n'avait pas le droit de lui parler comme s'il était son ami. Pas après ce qu'il lui avait dit.

- Je n'ai jamais vu quelqu'un avoir si peu de tact et, crois-moi, j'en ai vu de toutes sortes.

- Je suis une espèce rare, dans ce cas, plaisanta Jasper.

- Tu es plutôt une espèce à fuir, alors va-t-en et laisse tomber.

- Je ne suis pas le genre de gars à laisser tomber facilement, répondit-il.

- Et moi, je ne suis pas le genre de fille facile à approcher

- On verra bien. Je parie ma canne à pêche que d'ici demain, tu vas faire une autre bêtise.

- Et moi, je parie que d'ici demain, j'aurai une preuve que tu es gay.

Il la regarda avec stupéfaction. En fait, c'était la seule chose qu'elle avait trouvée pour le déstabiliser. Après tout, si personne ne le voyait avec des filles, il devait bien y avoir une raison !

- Gay ? s'étonna Jasper. Elle est bonne, celle-là ! Je peux tout de suite de prouver le contraire. Tu n'auras pas besoin de chercher bien loin.

Elle ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais il la serra alors contre lui et plaqua ses lèvres sur les siennes en lui donnant le baiser le plus extraordinaire qu'elle n'ait jamais eu. Il toucha doucement sa joue, mais elle eut l'impression qu'un milliers d'électrochocs la traversaient. Sa langue trouva le passage jusqu'à la sienne, laissant la jeune fille sidérée par son aplomb.

Tout compte fait, il été bel et bien hétérosexuel. La passion dont il faisait preuve en l'embrassant le démontrait. Ses lèvres avaient l'air d'avoir été conçues pour embrasser. Elles se fondaient parfaitement aux siennes.

Lorsqu'il se recula, Morgane était pétrifiée...ainsi qu'une bonne dizaine de filles autour d'eux.

- Ne dit plus jamais que je suis gay, dit-il alors en tournant les talons.

- Et toi, ne m'embrasse plus jamais, lança-t-elle dans son dos.

Qu'est-ce qui lui avait prit d'embarquer dans son jeu ? Ce gars-là était dangereux pour elle. Elle devait rester loin de lui.

Morgane observa le lac. Est-ce que rester sur le quai enfreindrait le règlement ? Probablement que tout le monde était obligé de faire du canot. Elle aurait peut-être dû accepter l'offre de Jasper pour les cours aux débutants...

Elle secoua la tête en refusant de le regretter, puis jeta un coup d'œil sur son smartphone. Les ondes ne rentraient pas dans ce trou perdu! Elle observa l'image de fond d'écran. C'était une photo d'elle en train de danser. Son amie Flore l'avait prise en photo en cachette pendant l'avant-première de leur spectacle. Ce fut la dernière fois qu'elle dansa avant de se blesser.

Morgane soupira et ferma les yeux en se remémorant les moindres détails de ce spectacle. Elle avait le goût de se mettre à danser, mais sa jambe ne le lui permettait pas .
Elle rouvrit les yeux et regarda les jeunes autour d'elle. Ils avaient l'air heureux d'être en vacances et riaient entre eux. Elle vit Jasper plaisanter avec ses amis. Comme s'il avait senti son regard sur elle, il leva les yeux, mais Morgane détourna aussitôt le regard. Elle se demanda s'il s'était rendu compte qu'elle l'observait, mais un coup d'œil rapide lui confirma qu'il s'était remis à jaser avec ses copains.

L'heure du midi approchait et ils allèrent manger sous la grande tente. Des tables à pique-nique étaient alignées en longues rangées.

Morgane, ne sachant pas trop où s'asseoir, s'installa à la même table que Geneviève et son groupe d'amis, mais elle ne dit pas un mot jusqu'à ce qu'on la remarque.

- Tu ne manges pas plus que ça ? Lui demanda Corinne en regardant la moitié de hamburger que Morgane avait laissée dans son assiette.

- Non, je n'ai pas très faim, répondit-elle.

En fait, elle était habituée à un régime très strict et elle ne voulait pas prendre vingt livres pendant l'été.

- Es-tu anorexique ? Lui demanda Jenny, parce que tu sais, ma cousine l'était et elle est allée à un endroit où ils l'ont aidée...

- Je ne suis pas anorexique, la coupa Morgane. Je suis juste difficile en matière de nourriture.

- Je gage qu'une fille dans ton genre ne mange que des sushis et de la salade, fit alors Jasper.

Quoi ? Pour qui il se prenait, celui-là ?

- Une fille dans mon genre ? Répéta-t-elle en essayant de rester calme.

- Ouais, une fille qui apporte une valise a roulettes en campagne et qui garde son smartphone sur elle même s'il n'y a pas de réseau. Je suis sûr que tu gardes ta vie au complet en images la-dedans.

Quel con, celui-là !

- D'abord, je suis allergique aux fruits de mer, alors au diable les sushis et, ensuite, je me fiche éperdument de ce que pense un macho dans ton genre qui vit dans un trou perdu !

Morgane se leva de table.

- Il faut que j'aille chercher mes affaires au chalet, dit-elle.

Jenny et Geneviève se levèrent également.

- On vient avec toi. Il ne faudrait pas que tu te perdes dès ta première journée.

- D'accord.

Elle jeta un regard noir à Jasper avant de quitter la tente. C'était elle qui avait gagné le premier round puisqu'il n'avait rien répliqué à son commentaire. Elle était toutefois sûre qu'il la relancerait...