CHAPITRE 1.2 - Elly - L'Hôtel

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Dans le parc, tout était calme et silencieux. La nuit tombait doucement et les lunes, hautes dans le ciel, éclairaient les lieux d'une faible lueur bleutée. Au loin, un chant d'aurelias traversait le ciel. Un chant... Pas un groupe, pas un troupeau, pas une meute ; un chant. C'était joli, poétique, à l'instar de ces créatures majestueuses et éthérées semblant à de grandes méduses, aux longs filaments tentaculaires. Les aurelias étaient si délicats, flottant dans les airs, leurs contours à peine visibles sous les éclats des lunes. Elly sourit. Il s'agissait de son animal préféré.

Rassurée par ce doux présage ainsi que par la tranquillité du parc, elle laissa tomber son sac au bas du mur et sauta, atterrissant les jambes bien pliées, sans un bruit, dans un jardin où les plantes laissées en friche lui arrivaient jusqu'aux hanches. Se frayant un passage à travers les buissons, elle tomba soudain sur un sentier de gravillons, dévoré par les mauvaises herbes mais encore relativement dégagé, et qui semblait traverser le parc jusqu'au bâtiment central. Elly le suivit, les épaules légèrement voûtées, toujours aux aguets, et arriva bientôt devant un petit cabanon de bois. Curieuse, elle en poussa la porte.

À l'intérieur, le sol et les meubles étaient couverts de poussière et de feuilles mortes. Des plantes grimpantes luminescentes couvraient les murs, procurant un éclairage suffisant pour étudier la pièce. Outre une petite étagère remplie de pots en céramique et de sachets grisâtres, il n'y avait dans l'unique petite pièce à l'odeur de moisi qu'un bureau et deux chaises, dont l'une gisait sur le flanc.

Rien d'intéressant ici.

Elle continua donc son chemin en suivant le sentier et après plusieurs longues minutes de marche, déboucha enfin sur la bâtisse principale. Bouche bée, Elly s'immobilisa.

Là aussi, des plantes grimpantes bleutées avaient pris possession de la façade, s'étalant sur la quasi-totalité des murs, brisant même certaines fenêtres dans les étages intermédiaires. Dans la cour, quelques statues traînaient sur le sol, brisées en plusieurs morceaux, tandis que d'autres avaient peu à peu été recouvertes par la mousse. Tout cela donnait à l'ensemble un aspect légèrement lugubre... La jeune fille s'avança néanmoins. La porte d'entrée principale était bardée de larges planches de bois clouées, de même que les fenêtres du premier étage. Les anciens propriétaires avaient dû tout protéger pour éviter les vols et les intrusions, dans le vague espoir sans doute de pouvoir un jour revenir. Peut-être se trouvait-il donc encore des objets de valeur à l'intérieur. Elly contourna le bâtiment à la recherche d'une porte arrière qui ne soit pas barricadée. Elle découvrit alors une large terrasse parsemée de débris de toutes sortes, sur laquelle donnait une véranda dont les vitres sales n'avaient plus rien de transparent. Elle en frotta un carreau pour regarder à l'intérieur, sans succès. Elle tenta alors d'ouvrir la porte vitrée, mais la pluie et le manque d'entretien avait fait gonfler le bois des châssis, et elle était totalement bloquée. Un peu dépitée, la jeune fille continua son inspection extérieure et finit par dénicher sur le flanc du bâtiment une petite porte en bois qui pendait sur ses gonds.

Elle la poussa et pénétra à l'intérieur. Il faisait terriblement sombre mais ses yeux s'habituèrent vite à l'obscurité. La porte donnait sur une remise, sans doute un ancien garde-manger. Malheureusement, toutes les étagères étaient vides. Avisant une seconde porte, Elly traversa la remise et déboucha dans un immense hall. Lui aussi se révéla plein de poussière, de feuilles mortes, de déjections d'animaux et de restes de nids d'oiseaux. La nature avait profité de chaque interstice pour reprendre ses droits à l'intérieur de ce qui avait autrefois été, à l'évidence, un magnifique hall d'entrée d'hôtel.

Un grand escalier à deux bras, assez majestueux, occupait la moitié de l'espace de réception. À droite, un panneau annonçait toujours que le petit déjeuner était servi dans la véranda. Elly s'y avança. Le long d'un des murs de verre, une série de buffets un peu moisis contenaient encore quelques couverts et assiettes. En ouvrant l'un d'eux, elle fut surprise par un petit animal qui s'en échappa à toutes pattes, suivi de sa portée. Le bruit de leur fuite lui parut résonner dans le silence d'outre-tombe des lieux, et son cœur mit plusieurs minutes à retrouver son rythme normal. Revenant vers le hall, elle entama l'ascension de l'escalier de gauche avec précaution, craignant que les marches de bois ne soient pourries et ne se brisent sous ses pas. Ce genre d'incident ne lui était pas inconnu...

Heureusement, si le bois geignit et craqua de tous côtés, il supporta néanmoins le poids de la jeune fille qui parvint au premier étage sans encombre. L'escalier débouchait sur un large espace ouvert, dans lequel trônaient de nombreux canapés protégés de draps gris. Le tapis recouvrant le sol apparaissait taché d'humidité, mais encore assez épais pour assourdir le bruit de ses pas. Quelques fenêtres étaient cassées ici et là, et des plantes grimpantes étaient entrées, s'enroulant autour des lustres et glissant le long des murs. Elle aperçut à sa gauche une porte entrouverte. La jeune fille la poussa, découvrant un petit salon meublé de quelques tables basses et fauteuils épais. Rien de bien intéressant, hélas. Elle sortit du petit salon à reculons, admirant encore un portrait de femme au mur, et referma soigneusement la porte. 

En se retournant, elle se trouva nez-à-nez avec un homme gigantesque. 

Les Bannis - Tome 1; Les premières pierresWo Geschichten leben. Entdecke jetzt