CHAPITRE 6.1 - Thémaire - La prison

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La sirène de début de journée retentit et Thémaire ouvrit les yeux en grimaçant. Il avait mal dormi. La fatigue pesait sur ses muscles raides et la perspective d'une nouvelle journée de travail dans les tréfonds de la mine n'éveillait en lui qu'une profonde lassitude. En soupirant, le vieil homme se releva et s'étira. Le nouveau venu de la veille était toujours dans la même position, accroupi contre les barreaux de la porte.

A la lumière du plafonnier automatiquement allumé avec la sirène, Thémaire découvrait un homme massif, aux cheveux longs et à la barbe épaisse. Les yeux fermés, il semblait dormir. Pourtant, quand la porte s'ouvrit avec son habituel grincement strident, l'homme se redressa tout de suite, les poings serrés, et suivit les autres détenus qui rejoignaient lentement le couloir. Il ne prononça pas un mot. 

Les deux garçons qui partageaient la cellule de Thémaire avisèrent le nouveau avec intérêt et y allèrent bien-sûr de leurs commentaires en chuchotant. Le vieil homme poussa un profond soupir d'agacement qui arracha un petit rire à Gilem. Aussitôt, un gardien se mit à glapir pour réclamer le calme. Les prisonniers marchèrent donc en silence vers la sortie de leur baraquement, à la porte duquel leur tatouage était scanné en échange d'un quignon de pain et d'une gourde remplie d'eau en guise de petit-déjeuner. Cette gourde était précieuse, ils n'auraient pas de quoi la remplir à nouveau avant la pause de midi. 

Ensuite, ils furent conduits, toujours en silence imposé, jusqu'à la mine. Ils travailleraient dans l'obscurité froide de la terre durant sept heures avant de recevoir par l'ascenseur un maigre repas de midi. Et ils en auraient alors encore pour six heures de travail avant de finir leur journée. C'était le rythme quotidien... Les heures passaient lentement dans la semi-clarté des boyaux creusés dans la roche.

Avec le temps, un véritable labyrinthe s'était créé là en bas, emmenant les hommes de plus en plus profondément sous la terre. Manquant d'expérience et de savoir, il n'était pas rare qu'ils provoquent des éboulements ou des explosions en touchant des poches de gaz. Et hélas, évacuer les cadavres n'était pas toujours aisé... Alors, si leurs camarades étaient ensevelis sous des roches trop lourdes à déplacer, ils devaient ramener aux gardiens au moins leurs avant-bras, pour le tatouage. Et le lendemain, sans faute, des nouveaux arrivaient. C'était ça aussi, le rythme du camp.

Dans les nouvelles galeries, celles qui tenaient bon, il n'y avait bien sûr pas d'éclairages et les hommes n'avaient pour seule source de lumière que leur petite lampe frontale. Si les Illyriens avaient des yeux plus évolués que ceux des Terriens, s'ils voyaient bien mieux qu'eux dans l'obscurité grâce à leurs yeux de félins, il arrivait pourtant que certains se perdent. Dans ce cas, les recherches pouvaient prendre des heures. Des heures de fatigue en plus, des heures de sommeil en moins... Aussi, chaque bleu était d'ordinaire « parrainé » par un ancien qui le guidait durant les premiers jours, lui expliquant le fonctionnement de la mine et de la prison en général. 

Mais ce matin n'était pas comme d'habitude. 

Un curieux sentiment de malaise flottait dans l'air et personne n'osait approcher le nouveau. Il restait le visage baissé, silencieux, isolé. Quelque chose chez lui provoquait une sorte d'appréhension chez les prisonniers, quelque chose d'indéfinissable... Peut-être était-ce son allure étrange, ou peut-être était-ce la manière dont les gardiens l'observaient en chuchotant entre eux, on ne savait trop. Mais le fait était bien là. Contrairement à tous les autres nouveaux que Thémaire avait pu voir arriver au cours des années passées ici, celui-là ne semblait ni effrayé, ni désespéré, ni perdu. Au contraire ; il démontrait une étrange et presque inquiétante absence d'émotion.

Les Bannis - Tome 1; Les premières pierresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant