PLUS QUE PRÉVU - PARTIE I

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Il lui avait parlé d'un petit café à l'ambiance conviviale et tranquille, où les étudiants se rendaient à n'importe quel moment de la journée. Et, effectivement, c'était un établissement pour le moins correct où il semblait bon de se reposer et se détendre. Erza en avait retenu un soupir de satisfaction lorsque l'air parfumé de l'exquise senteur des pâtisseries et de la délicate chaleur avait balayé son visage en ouvrant la porte : dehors, le froid régnait en maître, avec la neige qui arrivait aux chevilles par endroit et d'autant plus que des flocons tombaient de temps en temps, s'accrochant sur les vêtements et toute autre chose, offrant à la ville une blancheur sans pareille. Blancheur qu'elle admirait par la fenêtre, subjuguée et installée près de l'une d'elles avec son ami.

« Alors ? »

Elle fit mine de réfléchir, provoquant un léger sourire sur les fines lèvres du garçon qui retira sa veste en toute tranquillité pour la poser à son côté, dévoilant un col roulé noir qui ne rendait pas justice au corps d'athlète qu'il avait, bien que le tissu épousait les moindres contours autant qu'il le pouvait. Elle l'imita bien vite, son corps s'étant rapidement réchauffé depuis leur entrée. Elle ôta écharpe et manteau, ainsi que ses fines mitaines.

« Tu avais raison. Cet endroit est vraiment pas mal.
- Merci, répondit-il presque moqueusement. Et maintenant, commandons veux-tu ? Tu n'as pas encore vu le menu. »

Ces derniers étaient posés sur la table et elle s'en saisit d'un, délicatement, son attention encore accordée au jeune homme qui lisait silencieusement, sa joue droite appuyée contre sa paume tandis que l'autre surélevait un peu la carte ouverte en deux. Il leva un instant les yeux vers elle, juste une seconde, puis revint en ayant remarqué qu'elle le fixait toujours. Face à la réalisation, elle se sentit rougir et se cacha tant bien que mal derrière le menu plastifié. Néanmoins, malgré sa gêne et ses sermons intérieurs, elle l'entendit rire - un son mélodieux et contrôlé.

Le silence ne tarda pas à s'installer entre les deux. Il n'était pas maladroit, ni froid. Ou pesant. À vrai dire, il était calme, sans réel tension. Oh, pouvait-on dire d'un silence qu'il était calme ? Elle n'en savait pas trop rien. Par contre, là, elle savait d'avantage ce qu'elle allait commander. Mais comment diable Gerald avait-il trouvé ce merveilleux endroit ? Lorsqu'elle s'arracha de sa contemplation qui résidait sur une petite image et un descriptif pour le moins appétissant, elle découvrit le jeune homme occupé à observer l'extérieur, sa tête toujours soutenue dans sa main qui se trouvait désormais en un poing lâche, ses doigts effleurant sa paume.

Erza se mordilla un peu la lèvre inférieure - il fallait vraiment qu'elle songe à arrêter de la maltraiter ainsi.

Néanmoins, malgré cette petite pensée concernant sa bouche, elle ne put que simplement constater à quel point il avait changé durant toutes ses années. Il n'était plus un petit garçon aux grands yeux émerveillées. Il n'était plus un adolescent lunatique, aux ambitions de liberté. Il était juste un homme. Un homme avec un avenir prometteur devant lui : même s'il continuait ses études en psychologie, un agent l'avait repéré lors qu'une sortie à la plage en ayant décrété qu'il avait la magie nécessaire en lui pour être un mannequin prometteur. Bien sûr, il n'avait pas sauté directement sur cette proposition, préférant y réfléchir. Elle lui avait vivement conseillé d'accepter : au moins, il aurait de quoi financer les futures années. Aujourd'hui, il était connu dans beaucoup de magazines de mode que les filles - bizarrement - s'arrachaient des mains dès lors que les stocks se volatilisaient. Fait amusant, quoique également irritant. Ça avait quelques effets indésirés, toute cette popularité auprès de la gente féminine. Bien sûr, ce n'était que son avis.

« Vous avez choisi ? »

Quelle charmante voix, pensa amèrement la rousse.

Gerald avait répondu, un sourire enjôleur plâtré aux lèvres. Sourire que s'empressa de lui rendre la serveuse tout en mordant dans le bouchon de son stylo, un sourcil un peu haussé, le bassin orienté vers la présence masculine.

« Un simple café pour moi, ce sera suffisant, déclara-t-il avec politesse.
- Très bien. »

Presque à contrecœur, la jolie brune - elle le reconnaissait volontiers, que cette gamine était jolie - se tourna vers elle pour prendre sa commande.

« Un fraisier.
- Autre chose ? »

Que tu disparaisses.

« Hum, non. »

La serveuse griffonna sur son petit calepin les deux demandes et, après un dernier sourire destiné à Gerald avec un léger clin d'œil, elle s'en alla - vœu exaucé - d'une démarche chaloupée que ce dernier regarda un peu trop longuement à son goût. Était-il intéressé par cette sotte ? Inconsciemment - ou pas - la jeune femme porta un coup de pied dans le tibia du garçon qui sursauta violemment en retenant un gémissement de douleur.

« Erza ?!
- Oui ? S'enquit la concernée innocemment.
- Pourquoi tu as... pourquoi tu as fais ça ?! Ça fait mal !
- Fais quoi Gerald ? »

Il déglutit. Cependant, il semblerait que malgré son aura menaçante, son ami ne soit pas d'humeur à lâcher l'affaire.

« Une raison pour que tu me frappes ? S'enquit-il alors avec un léger froncement de sourcils.
- Je ne l'ai pas fait exprès. Ne t'en fais pas, cela ne se reproduira pas.
- Pas fait exprès, hein ?
- Peut-être souhaites-tu insinuer quelque chose, Gerald ?
- Je ne sais pas. À toi de me dire, Erza. »

La tension devenait clairement palpable entre eux : c'était comme si leur deux personnalités se foudroyaient du regard, se tournaient autour, attendant que l'une plia face à l'autre. Une question de volonté.

« Tu sais quoi ? Lança-t-elle en se levant brusquement.
- Oh non mais tu vas te faire un plaisir de me le dire, pas vrai ? Rétorqua-t-il en grinçant des dents.
- Je retire tout : cet endroit laisse vraiment à désirer !
- Alors qu'est-ce que tu fiches encore ici ?
- Parce que je suis entrain de parler avec un imbécile ! »

Et aussitôt eut-elle fini de prononcer cette phrase qu'elle s'en alla avec ses affaires qu'elle enfila en quatrième vitesse, laissant Gerald avec la bouche ouverte et les yeux écarquillés sous la stupeur.


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