JUSTE UN PAS - PARTIE I

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Elle passe ses doigts dans ses longs cheveux avec un soupir, puis elle commence à se décoiffer quand elle gratte furieusement sa tête avec un gémissement plaintif. Ses pieds tapent le parquet du café et elle s'attire autant le regard des autres clients que celui de son ami. Il a simplement relevé la tête de son livre, ses lunettes mises sur son fin nez, doucement caressé par quelques mèches azurées.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » demande-t-il en fourrant son bouquin dans son sac.

Les pieds de la chaise ne raclent pas le sol puisqu'il la soulève en s'avançant vers la table. Erza fait une moue puis appuie sa joue contre sa paume. Elle penche un peu son visage en direction de la fenêtre, ses lèvres entrouvertes laissant s'échapper un énième soupir déçu.

« Je ne plais pas à Gray. »

Gerald sort son portefeuilles puis laisse un billet sur la table. Il se lève en s'habillant en lui intimant de faire de même. Elle s'exécute donc, toujours avec ce goût de déception dans la bouche. Elle traîne des pieds quand ils marchent tranquillement dehors. Le froid mordille la douce peau de ses joues rosies. Le silence entre eux n'est pas dérangeant, il attend sans doute qu'elle s'exprime davantage.

Ce qu'elle fait tandis qu'ils se baladent lentement au bord de la berge.

« Je suis trop bizarre pour lui ? »

La jeune femme l'entend étouffer un rire en faufilant son nez dans son écharpe. Elle plisse les yeux mais ne relève pas, préfère continuer.

« Ou peut-être qu'il est toujours avec Jubia, malgré tout.

- Hum, nan, ils ont rompu.

- Tu es sûr de ça ? »

C'est en roulant des yeux qu'il s'arrête d'avancer. Il se retourne pour la regarder longuement.

« Peut-être que je ne l'attire pas, marmonne-t-elle en fixant l'eau.

- Je ne crois pas. »

Elle entend la semelle de sa chaussure jouer avec un caillou.

« Gray t'aime. Il t'aime vraiment énormément. Après tout... »

Il baisse un peu la tête avant de la relever, un maigre sourire tiraillant le coin de ses lèvres. Le soleil illumine sa peau halée et accentue la fossette dans sa joue gauche.

« ... c'est vraiment difficile de te considérer comme une amie, pour un homme. Gray doit sans doute penser que c'est une manière de ne pas te perdre. »

Erza glisse ses mains dans ses poches et dirige ses yeux vers l'eau.

« Il m'a assuré que nous étions amis. Alors-

- Tu sais, il y a un moyen pour passer d'amis à amants. »

Perplexe et incertaine de la suite, elle l'observe à nouveau. Il est plus grand qu'elle d'une tête, ses épaules sont larges, le tatouage sur le côté droit de son visage l'hypnotise.

« Il suffit juste que l'un deux fasse un pas en avant. »

Son cœur loupe un battement pendant que le parfum du garçon vient l'enivrer. La proximité soudaine lui a volé son souffle, sa respiration est devenue laborieuse malgré qu'elle tente de le cacher en relevant son menton pour le dévisager. D'aussi près, Erza peut voir les paillettes dorées qui ont fondu dans le vert émeraude de ses yeux, les somptueuses nuances de bleu de ses cheveux ébouriffés, la façon dont son sourire est rempli de douceur. Chaque petit détail lui saute aux yeux et son ventre se tord agréablement.

Elle est comme attirée, son corps se penche légèrement vers lui pendant qu'elle se perd dans son regard captivant. Ses lèvres ont l'air douces et fermes, il a cette petite cicatrice, sous le coin de son œil gauche. Une chaleur vient réchauffer ses sens, picoter son épiderme. Sa bouche s'entrouvre, les mains enfouies au fond de ses poches la picotent, la supplient de se poser sur le torse caché par le tissu de son vêtement.

Et brusquement, Gerald s'écarte. Elle bat des cils, expire bruyamment quand il reprend la paisible marche. Il se stoppe plus loin pour l'attendre.

Un pas.

Erza tente de remettre de l'ordre dans la tempête qui a fait des ravages dans son corps et son esprit. Elle finit par le rejoindre lentement.

Peut-être que ce pas, Gray et elle l'ont manqué.

Son bras effleure celui du jeune homme qui change de conversation. Sa voix sort chaude et suave, elle remue en elle des sensations qui ne sont plus étouffées à cause d'elle, elle qui a toujours refusé de penser à changer quelque chose entre eux, par peur de tout gâcher.

Mais Gerald n'a pas eu peur de le faire.

« Alors, on le fait ce cinéma ? »

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