UNE QUESTION DE FLAIR

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Les rideaux de sa chambre sont brutalement tirés. Gerald gémit bruyamment, mécontent, et s'empare aussi vite que possible d'un oreiller pour cacher sa tête en dessous. La seconde qui suit, un courant d'air envahit toute la pièce, lui intimant de se recroqueviller sur lui-même pour garder sa chaleur. Sa peau est envahie d'une chair de poule qui lui fait pousser un nouveau râle, signe de sa colère naissante.

« Tu comptes te morfondre encore longtemps ? Parce que ça commence à vraiment me rendre dingue ! »

La voix de son amie est dure. Il préfère donc l'ignorer tout en gardant les yeux fermées ; peut-être qu'elle le laissera tranquille s'il fait mine de s'être rendormi ? Parce que le voilà à peine réveillé que ses pensées recommencent à lui donner un profond mal de crâne. Quoique, ça, ce n'est peut-être pas le fruit de ses réflexions mais plutôt celui des bouteilles qu'il s'est enfilé hier soir. Évidemment, les maux de tête ne sont pas assez pour son corps, non, la tristesse finit par s'ajouter à l'équation et ça lui donne envie de pleurer. Ce qu'il fait depuis plusieurs semaines.

Ultia sait parfaitement ce qui se trame dans son esprit embrumé de Tequila et de bières, voilà pourquoi elle se met soudainement à le secouer, sans aucune délicatesse. De toute façon il ne mérite pas la douceur de la brune, pas alors qu'il a l'air de lui faire vivre un véritable calvaire pour le moment.

« Tu vas me faire le plaisir de prendre une douche.

- Ça sert à rien, marmonne-t-il contre son oreiller. Tu peux partir maintenant ?

- Non. Tu pues, ton appartement est un véritable taudis. Tout à fait à ton image en passant. Et là, ça devient très énervant. »

Il grogne et elle le frappe à l'épaule. Agacé par ce geste et son insistance, le jeune homme se met brusquement assis en fronçant les sourcils. Grosse erreur. L'alcool qu'il a bu la veille a envie de remonter aussi vite qu'il l'a ingurgité. Ses joues se gonflent rapidement, alertant facilement Ultia quant à son état déplorable, oui, et elle s'écarte prestement pour qu'il fonce vers sa salle de bain. Gerald trébuche sur le chemin, à cause de ses vêtements éparpillés sur le plancher, mais se rattrape à la porte qu'il pousse. Sa main gauche agrippe la cuvette pendant que les restes d'hier lui brûlent l'estomac et la gorge. Son vomis s'écrase dans un bruit écœurant contre la céramique puis l'eau. L'odeur acide remonte à ses narines dilatées, pas très longtemps après, alors que ses muscles se contractent à chaque relent.

« Maintenant que tu es levé, glisse Ultia, tu peux te laver. Et ensuite sortir, histoire de t'aérer l'esprit. Peut-être que tu réaliseras à quel point tu es pathétique.

- Écoute, croasse-t-il en se retournant lentement, j'ai simplement besoin de temps pour moi et-

- Tu es sérieux ?, le coupe-t-elle durement. Ça fait trois mois que tu me sors ça ! Trois mois ! Tu te rends compte ? Je sais que les ruptures sont difficiles mais il va falloir t'en remettre. Je ne gère pas notre entreprise pour que toi, tu te bourres la gueule toute les nuits en pleurant ton ex ! »

Gerald n'a pas encore lâché la cuvette. À vrai dire, il s'y accroche, histoire d'avoir une dose de courage pour affronter le regard brûlant de courroux de la brune, appuyée bras croisés contre le cadran de la porte.

« Tu tiens à perdre ton emploi ?, poursuit-elle sur le même ton qu'avant.

- Non ! Cette entreprise... c'est aussi mon bébé ! Je refuse de quitter ce projet.

- Ah bon ? Parce que tu penses que tu ressembles à un PDG capable de poursuivre cette route ? J'ai quelques doutes là. Tu ne sais même pas ce qui se passe en ce moment ! Des employés se demandent même ce que tu deviens. Tu crois que c'est normal ? »

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