SIGILLUM (teaser)

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Le château est dévoré par les flammes. Les explosions surgissent de toute part et ébranlent les murs de pierre pourtant si robustes. La magie qui imprégnait les fondations depuis des siècles a disparu, dès l'instant où le tranchant d'un glaive ouvrit le ventre du dernier sorcier. Ses jambes tremblent encore, jusqu'au moment où ses genoux finissent par céder face à la faiblesse. S'écrasant lourdement sur ses tripes fraichement éparpillées sur l'herbe, le regard désormais vide du vieil homme reflète l'armure scintillante dont le démon est pourvu.

D'un geste rapide de la main, le guerrier fait comprendre aux apostats de charger. Leurs cris perçant résonnent dans l'enceinte de la forteresse. Tandis que le feu n'a pas cessé de gagner du terrain, léchant chaque parcelle avec ardeur, une épaisse fumée monte vers le ciel noir et ténébreux. L'orage gronde mais fait pâle figure face aux lames qui s'entrechoquent. Soudainement, les gonds du pont-levis grincent, comme s'ils protestaient face au poids qu'on lui inflige. Le carillon sonnant le profond désespoir retentit ; l'un des chevaliers est parvenu à se ruer jusqu'à l'une des tours.

Baignés dans cette atmosphère pesante, là où les corps s'entassent, où les pleurs et les supplications n'empêchent pas ce massacre, la mélodie du clocher ressemble à la symphonie de leur prochaine mise à mort. Sous les yeux écarquillés des dernières forces du château, autrefois si majestueux, se dresse dans toute sa gloire une abomination ; un ogre gigantesque avance, un gourdin traînant derrière lui. Sa peau verte est striée de coupures purulentes, arrachée par endroit, laissant voir ses muscles, ses veines, ses tendons. De lourdes chaînes sont attachées à ses chevilles, tiraillant davantage son épiderme bouffée par des cloques et la gangrène. L'odeur putride qui se dégage de cette créature leur fait plisser le nez, mais son regard fou et dangereux est synonyme de mauvais augure ; l'ogre n'est pas en fin de vie, a contraire, les mages qui l'escortent insufflent du pouvoir dans cette marionnette de chair sanguinolente.

Les soldats de l'armée royale restent figés, la peur dévorant les derniers bouts d'un espoir pour la victoire. Se rendre est la meilleure solution, ce n'est pas la peine de continuer ce carnage. Le Roi est mort, son fils est trop jeune pour reprendre et comprendre le travail de son défunt paternel. Alors, s'enfuir avec lui et revenir ensuite revendiquer ce qui lui revient de droit, c'est une bien meilleure idée que de vouloir résister, non ? Tous ces morts méritent justice, c'est certain. Mais pas maintenant, pas alors qu'ils s'entassent en un morbide amas.

« Repliez-vous vers la forteresse !, hurle un chevalier en se retournant.
— Protégez le Prince, peux importe comment !
— Repoussez l'ennemi ! Il ne doit pas franchir le prochain passage ! »

Des ordres braillés avec une voix paniquée. La peur les ronge tous. Pire encore lorsque le hurlement de l'ogre écrase les derniers mots des hommes épuisés. Tout aussi vite, une pluie de flèches mêlée aux boules de feu s'écrasent sur eux. Les malheureux incapable de se protéger sont transpercés ou brûlés à vif ; le peu de répit dont ils ont bénéficié, lorsque l'ignoble bête est arrivé, vient de se terminer.

« Tuez toutes les personnes refusant de coopérer, siffle le commandant des troupes ennemies. Gardez les enfants pour la vérification. »

Les yeux de Zancrow s'attardent sur un chevalier à terre, le visage blême. D'un signe de tête vers sa direction, l'ogre derrière lui pousse un grognement bestial et s'avance. Son souffle rauque fait frémir les poils hirsutes de son torse lacéré. Ses muscles maigres jouent sous sa peau déchiquetée alors qu'il lève son gourdin ; cet effort parait bien pénible pour lui mais cette impression disparait bien vite, dès qu'il abat brutalement son arme sur sa victime. Face à la puissance de l'impact, le sang gicle et les membres s'éparpillent dans l'air. Une sombre tache macule la joue du chef de troupe. Son pouce vient l'essuyer, lentement, puis il relève le menton avec un sourire satisfait. Son regard est transperçant.

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